Libre Opinion: La parole est au Premier Magistrat du pays (Par Amara Pendessa)

42906849 2071969789489200 3900906885565382656 nLe Président de la République Alpha Condé est, naturellement, le Premier Magistrat de notre pays. Docteur en droit et, fort d’un parcours politique dont la force de l’engagement est incontestable, il eût aussi une expérience en tant qu’enseignant.

L’homme politique malgré son expérience qu’il sait utiliser avec maestria, virtuosité spectaculaire, est prévisible. Et, en cela il est trahi soit par le silence dans lequel pouvait-il se murer soit par ce côté impulsif dont il essaie de toujours masquer par une sorte d’humour noir. Aussi, la gestuelle tout comme l’expression faciale trahissent le plus souvent le naturel, les siennes le sont manifestement.

Dans l’appréciation de son adresse à la Nation, une analyse dialectique empreinte de la passion de comprendre est nécessaire pour espérer offrir des clefs de compréhension. Il sera en effet, difficile pour certains de reconnaître que le Président Alpha Condé aime viscéralement notre pays et sa sincérité de le sortir de l’ornière, quoique plombée par sa méthode de gouvernance, est pourtant réelle. Il a de la volonté, le pessimisme des réalités, mais l’optimiste est resté dans sa tour d’ivoire. Comme coupé des réalités, leur appréciation transpire d’une certaine forme d’innocente négation.

L’inexpérience qui lui est prêtée n’est pas juste, le boulet qu’il traîne jusqu’ici est essentiellement dû à l’impréparation du fait de la presque absence de ressources humaines autour de l’homme. Joueur et calculateur impénitent, il a perdu du temps à exceller aussi dans l’art d’enfariner l’échiquier politique et, esprit rusé de sa trempe, n’a pas réalisé que la notion du temps lui échappait subrepticement.

Il n’a pas non plus compris que de période de grâce, il n’en avait droit. L’espoir fondé sur sa personne était à l’épreuve de l’impatience du peuple ; et que donc, devrait-il réaliser qu’investi de mission, il était astreint mieux que quiconque au devoir d’exemplarité. Exemplarité dans le respect des droits fondamentaux; exemplarité dans la pose de jalons du développement; exemplarité dans le respect des acquis démocratiques; exemplarité dans la continuité de l’œuvre comme ancien président, alors démocratiquement élu. Ce qui lui était demandé était plus dans la symbolique; et, la fonction de président n’appelle pas forcément la responsabilité d’homme d’État.

Une opportunité historique qui, du haut de son âge et de la longue lutte politique qu’est la sienne, suscite secrètement espoir chez nombre qu’il ne se risquerait de se suicider au seuil de la porte de l’histoire. Cependant, l’expression de surprenante humilité dans l’appréciation de son propre bilan moins élogieux, plutôt mitigé dirait-on, donne à la fois le sentiment d’une feinte et d’un au revoir.

Lorsqu’il a été remercié de ses fonctions d’enseignant en France pour de raisons politiques, le sorbonnard sera invité à faire de la négoce. Devenu businessman un temps de sa vie, ce désormais négociant de matières premières se montra intraitable; l’Afrique chevillée au corps et, la faiblesse de son rapport à l’argent, l’aidera à ne pas verser dans la course au profit. Réflexe de capitaliste aux antipodes de la morale, heureusement, disait-il à un cadre camerounais, qu’il est un négociant différent. Cette expérience acquise a-t-elle servi au président qu’il est aujourd’hui ?

En toute honnêteté, nous lui accorderons le bénéfice du doute dans toute accusation d’enrichissement personnel. Si sa ruse ne nous surprend, celui-ci nous surprendrait, même si le climat de corruption reste réel et le favoritisme entretenu. De l’engagement estudiantin à celui politique, le président a un riche parcours; même si et à regret, nous constatons le gap ou le fossé créé entre l’opposant exigeant et le président transformé par les réalités du pouvoir ?

Un élément d’appréciation déterminant et naturellement admis, qu’il feigne peut-être d’oublier est que « l’homme meurt toujours en laissant quelque chose d’inachevé », nous rappelait feu Cheickh Oumar Camara, le Messager des Temps anciens. Il est obsédé par l’idée de laisser son nom élogieusement dans les annales de l’histoire, animé par l’énergie du désespoir et le constat d’absence de relève véritable, il pourrait opter pour une démarche suicidaire. Il est dans l’âme, un homme de défi, même irréaliste. L’argument de la souveraineté impliquant le libre choix de notre destin, est pour s’en convaincre. Le mot Peuple est galvaudé et dans son imaginaire, il est réduit aujourd’hui à ceux qui soutiennent son projet de nouvelle constitution. Et donc, entend-il être en phase avec cette frange tandis que l’autre, brimée dans ses droits, semble en être exclue. Soutient-il que le Peuple a toujours raison, soit ; mais un leader convaincu de cette légitimité devrait aussi comprendre que sa vocation n’est pas de le suivre mais plutôt le guider, de risquer parfois l’impopularité dont le mérite lui sera reconnu.

Nous sommes convaincus que le Peuple est une élite inspirante. Cependant, il peut être versatile et l’idée d’une nouvelle constitution lui a été insufflée par le pouvoir en place, car il a conscience de la préservation des acquis démocratiques et son aspiration à l’alternance, se passe de commentaires.

Le président, en plaçant son espoir dans la tenue des élections législatives courant 2019, n’est pas sincère, car il continue de trouver dans un éventuel glissement, une option pour rester au-delà des mandats constitutionnels. Mais, comme il le dit lui-même «la Guinée n’est plus la même avec l’éveil des consciences et toutes les mutations intervenues dans la société.» Sagesse ou lucidité ?

Sa prise de position par rapport au sujet de préoccupation qu’est la constitution, a perdu de son mystère. Elle n’est pas tant que cela, attendue. Dans l’optique de la tenue de ces prochaines consultations, il n’y aura pas de restriction, et part belle sera faite ainsi à la question de troisième mandat, seul article à leurs yeux, substantiel et opportunément visé.

Le corps social est à bout de souffle, l’alternance est aujourd’hui vitale. « La Guinée n’est plus la même avec le réveil des consciences » dites-vous. Et c’est vrai et réaliste, l’habitude qui consiste à rallonger les mandats n’y aura plus la vie dure. L’on est parfois tentés de s’interroger sur la place qu’occupe vraiment le droit dans votre conception de la politique ? Monsieur le président, sachez que même la ruse s’use et, davantage lorsqu’elle est familière.

Stratège, vous l’êtes. Esprit méthodique, vous l’êtes autant que vous êtes audacieux. De la lucidité, nous en doutons par le temps qui court, car la mutation et la prise de conscience qui s’opèrent sous vos yeux, ne sont pas une fictive évolution mais plutôt le réveil d’un peuple chargé d’histoire et de légendes qui a tant subi. Ce serait vous faire offense que de soutenir que vous êtes prisonnier de votre entourage; cette excuse ne vous conviendrait pas.

Dans une dimension sacrificielle, le sacrifice consenti doit avoir un sens inspirant, un précédent qui a valeur d’enseignement. Est-ce à cela faites-vous allusion en affirmant « Je sais que la fonction de président de la République impose des sacrifices... »?

« Un élève brillant, mais turbulent » fut-il. Et, aussi, « plutôt doué au foot » « mais indiscipliné, car » dites-vous, « j’aimais dribbler et conserver le ballon. L’entraîneur me critiquait souvent. Le football n’était pas ma vocation, mais cela demeure une de mes passions » Votre passion première étant la politique, le rapprochement avec cette note sportive, ferait froid dans le dos, comme dit-on.

Décidément, vous êtes un concentré de contradiction. Dans cette approche sportive se cache une explication psychologique qui trahirait l’homme politique que vous êtes. Nous ne sommes pas entrain de faire de l’esprit. L’éloquence n’est pas un baromètre du savoir. Vous êtes un esprit pragmatique, un militant dans l’âme et la fonction dont vous avez la charge en a même été parfois affectée. La franchise qui est votre qualité préférée est paradoxalement, la même qui reste votre défaut; la trahison, elle, vous dites ne jamais l’oublier. La trahison de votre serment -parjure- resterait tout de même une trahison et cela moralement ne vous gène ?

La charge ou responsabilité de président de la République est à la fois noble et grave, surtout implique des obligations dont dites-vous être les seules à vous préoccuper. Soit! Dès lors, l’on ne doit se laisser distraire ou distraire, ne « pas jouer. Car quand on joue, les pays n’avancent pas.» dites-vous. N’avez-vous pas l’impression de jouer avec nous, de vous croire indispensable ?

Débat sur le projet de nouvelle constitution, un débat sans cesse renouvelé. Et, aucune considération éthique ne semble, décidément, à même d’entraver la poursuite du projet. Après une longévité aussi importante dans le combat politique, quarante-cinq ans nous dites-vous, vous êtes aujourd’hui, manifestement le premier insatisfait de votre bilan. La majorité de vos compatriotes, tout aussi. Ce sentiment d’insatisfaction peut provoquer votre malheur mais vous vous en prémuniriez en faisant vôtre un principe tout simple et sage : celui de la continuité de l’État.

Le débat sur la limitation de mandats présidentiels est ouvert chez vous, vous en êtes même carrément favorable, et que cela dépendrait du contexte de chaque pays. Cette idée, nous l’avions naïvement crue au début de notre engagement politique, pour des raisons de maintien de l’ordre républicain, de précision ou de définition d’une direction pour le pays et le renouement avec les valeurs. Donc, même si par extraordinaire, vous adoptiez une position claire de retenue, ce ne sera pas faute de n’avoir essayé. Ce serait le triomphe du réalisme !

En appréciant objectivement les réalités, votre recours à la consultation à laquelle vous n’étiez disposé est une feinte. Au consensus même relatif, vous n’en étiez disposé mais plutôt à l’affrontement. Mais, une seule âme fauchée aurait dû vous inspirer sagesse, si la tentation, la volonté de tripatouiller ne vous habitaient.

Sauf votre respect, Monsieur le Président, Premier Magistrat de notre pays, nous avons estimé qu’il faille à nouveau vous donnez la parole, par une question de M.Soudan François, dans votre livre-entretiens « Une certaine idée de la Guinée » :

Le pouvoir ne vous a pas tourné la tête ?

Mais pourquoi voulez-vous que ça me tourne la tête ? Pour moi, le pouvoir, ce n’est pas la jouissance mais les obligations. La seule question qui m’importe, c’est : « Comment utiliser le pouvoir pour changer les conditions de vie de gens ? »

Et, « tant que Dieu me donnera la force, je continuerai mon combat pour le développement de la Guinée » reconnaissez-vous vers la fin de l’entretien. C’est noble et rassurant ! Et, en tant qu’ancien et respectable président et avec l’âme d’un ministre des Affaires Étrangères que manifestez-vous, serez-vous une des voix institutionnelles du pays et le combat continuerait. Prenez-en conscience et tout sagement, partez !

La parole sera à la défense

« Pour que l’espoir ne meure »

Citoyen,

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PENDESSA Amara

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