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Moi, Abraham, j’ai été détenu en Libye en essayant de rejoindre l’Europe

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Abraham Diakité, jeune Guinéen, a passé un mois détenu en Libye. Il raconte ce qu'il a vu sur place, dans une sorte de prison dont beaucoup d'autres ne sortent pas aussi vite que lui. Je m’appelle Abraham Diakité, je suis guinéen et j’ai 27 ans. Aujourd’hui, je réside en Algérie et après mes mésaventures, je pense me faire une raison et rentrer en Guinée. Il y a quelques mois encore, j’étais en Libye.

Je voulais tenter de passer la mer pour rejoindre l’Europe. Mais à peine notre bateau avait-il quitté les côtes libyennes que nous étions attrapés par la marine. Ou plutôt, par des petits bateaux pneumatiques pleins d’hommes en armes.

Après que les pneumatiques nous ont ramenés sur la terre ferme, j’ai vite eu l’occasion de découvrir l’enfer. On nous a ramenés à Sabrataha. De là nous sommes passés par Zaouïa, puis nous sommes arrivés à Gharyan, au nord-ouest de la Libye. Et là, j’ai été retenu du 7 mai au 2 juillet. Le temps de découvrir l’horreur des conditions de détentions des migrants en Libye.

Le camp de Gharyan est constitué d’une dizaine de containers, placé les uns en face des autres et gardés par des hommes armés, souvent en treillis. Mais je ne sais pas de qui ils répondent. Ce sont des Libyens en armes, c’est tout ce que je sais. On sortait très peu ; la plupart du temps, on était retenus dans des containers, pensés pour stocker de la marchandise, on voyait à peine la lumière du jour, on ne pouvait pas vraiment savoir ce qui se passait.

Dans le container où j’étais, nous étions environ 70. Le pire, à l’intérieur, c’était la chaleur

Dans le container où je me trouvais, nous étions environ 70. L’endroit avait été plus ou moins aménagé. Il y avait une sorte de douche artisanale, et un seau avec le sigle de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Nous faisions nos besoins dedans. Le container avait été divisé en quatre chambres, avec des murs en contreplaqués. Le pire, à l’intérieur, c’était la chaleur. Elle nous étouffait et nous rendait fous, elle faisait remonter les odeurs et asséchait tout. Je pense qu’il est possible de mourir de chaud dans un de ces containers. Je n’exagère pas. Il faut le vivre pour l’imaginer.

Libéré contre 1 200 euros

Pour manger, nous recevions chacun un peu de pain le matin et un plat de macaronis vers la fin de la journée. Quand Ramadan a commencé, les chrétiens ont été mis à part. Nous les musulmans, nous recevions une datte ou deux en plus, pour la rupture du jeûne.

Les prisonniers racontaient que certains migrants étaient morts sur place. Je n’en étais pas sûr, mais à ma sortie, j’ai appris que c’était vrai : il y a au moins un jeune qui est décédé là-bas. Les témoignages assurent que c’est en partie à cause des blessures infligées par les gardiens.

J’avais trop peur de retenter la traversée et j’ai préféré partir en Algérie

J’ai réussi à sortir de cet endroit parce que j’ai quitté les côtes libyennes et voyagé avec le petit frère d’un corsaire. Les corsaires servent d’intermédiaires entre les Arabes et les migrants. C’est un peu comme des passeurs. J’ai d’ailleurs payé 16 millions de francs guinéens à ce corsaire pour pouvoir arriver en Europe (environ 1 550 euros). Son petit frère a voyagé avec moi et a été enfermé avec moi. Il a réussi à parler avec les gardiens du camp et à recevoir de l’argent de l’extérieur. C’est son frère qui l’a aidé à sortir, et qui a réussi à monnayer ma libération contre 2 000 dinars libyens (environ 1 200 euros).

J’ai été de nouveau amené à Sabrataha, mais j’avais trop peur de retenter la traversée et j’ai préféré partir en Algérie. Aujourd’hui, je vais tâcher de rentrer en Guinée., et j’aimerais y parler de ce qui se passe en Libye.

 

Par Jules Crétois

Source: jeune afrique

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