50 ans après les exécutions sommaires, des pas vers la reconnaissance des victimes

Sans titre 25Triste souvenir que celui que les Guinéens ont commémoré ce lundi matin 18 octobre dans l’enceinte de l’ex-camp Boiro de Conakry. Là ont péri des milliers de personnes civils et militaires sous le régime de Sékou Touré. Des centaines de personnes se sont mobilisées pour ne pas oublier les exécutions intervenues dans ce camp militaire le 18 octobre 1971.

En Guinée, il y a cinquante ans, dans la nuit du 17 au 18 octobre 1971, sous le régime de Sékou Touré, 71 personnes détenues furent exécutées sans procès. Des exécutions sommaires nocturnes dans un contexte de répression. L'année 71 fut celle d'une véritable chasse aux sorcières menée contre ceux que Sékou Touré percevait comme des « ennemis de l'intérieur », la « cinquième colonne ». Des ministres et des hauts cadres furent tués cette nuit-là, tant à Conakry qu’un peu partout à l’intérieur du pays, notamment à Kindia et à Kankan, deux villes garnisons à l’ouest et à l’est du pays. Leurs corps n'ont jamais été identifiés.

Majoritairement vêtus de t-shirts rouges, synonymes de sang versé, les victimes et enfants des victimes ont commémoré les 50 ans de ces exécutions sommaires. De l’émotion, de la tristesse et des larmes... Les anciens pensionnaires du camp Boiro et les héritiers des victimes des années de plomb se sont retrouvés hier dans l’enceinte de ce tristement célèbre centre de détention. Dame Diariou Néné Kassé a fait partie des personnes arrêtées. « J’ai été arrêtée en 1971. Malheureusement, pendant mon arrestation, j’étais enceinte, j’ai accouché en détention le 3 février 1972. Je suis restée pendant six ans et demi en prison. Jusqu’à aujourd’hui on cherche à être réhabilité, mais, malheureusement ça n’arrive toujours pas. »

Revendications

Dans une déclaration sur les lieux où ont été perpétrés les crimes, le président de l’association des victimes du camp Boiro, Abdoulaye Conté, a remercié les nouvelles autorités guinéennes. Selon lui, elles ont facilité cette cérémonie qui leur avait été interdite ces deux dernières années. Le Premier ministre guinéen Mohamed Béavogui représentait le chef de l’État, le colonel Mamadi Doumbouya. Le ministre secrétaire général de la présidence ainsi que le directeur de cabinet du président étaient également présents.

« Nous venons partager avec vous tous ce difficile moment qui est un moment à valoriser. Le plus important, c’est qu’on veut une Guinée nouvelle et cette Guinée nouvelle sera basée sur une seule chose, la réconciliation. La Guinée se fera avec tous les Guinéens ou elle ne se fera pas », a déclaré Mohamed Béavogui.

Pour Fodé Marega, porte-parole de l'association des victimes du camp Boiro, ces présences des autorités sont un geste fort.

"C'est une journée formidable, une journée qui marque un départ parce que c'est la première fois que nous avons la visite des officiels de ce pays depuis la création [de l'association] en 1985. Là, c'est le Premier ministre qui s'est déplacé, représentant le chef de l'État. Il a répété qu'il fallait assumer notre passé [...] Ca représente vraiment une avancée notable dans le règlement de notre combat. Donc c'est le soulagement aujourd'hui, il était extrêmement important qu'ils viennent marquer le changement politique dans ce pays"

Abdoulaye Conté a formulé une série de revendications remises au Premier ministre : « La réhabilitation des différents camps de tortures, la sécurisation des charniers à travers le pays où son ensevelis nos parents, ainsi que la construction de sépultures dignes permettant aux familles de s’y recueillir, la restitution des biens saisis par le régime de Sékou Touré. » 

Selon Kabinet Fofana, analyste politique, CNRD veut donner une impulsion à la reconnaissance des victimes.

"Y aller, c'est d'abord cette première reconnaissance [de l'État]. Deuxièmement, c'est réconforter tous ceux qui pleurent depuis ces années. Et puis c'est une manière aussi politique d'un début de volonté de faire la lumière sur ce point historique assez douloureux de notre histoire [...] Je ne pourrai pas dire qu'il y a une volonté d'épargner Sékou Touré, mais plutôt une prudence de ne pas réveiller le dossier parce que cela pourrait effriter aussi bien le tissu social mais aussi les élans politiques de tous ceux qui sont venus après Sékou [...] Alpha Condé a dit qu'il reprenait la Guinée là où Sékou Touré l'avait laissée ce qui faisait entendre qu'Alpha avait donc mis trait sur ces exactions-là et que cela n'en constituerait pas une priorité pour lui et cela a été le cas pendant tout son mandat, il n'y a pas eu de procès, encore moins de discours de reconnaissance, de serait-ce que d'endossement du point de vue de la continuité de l'État."

Moctar Bah - Correspondant RFI à Conakry

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