Croissance : la Guinée en convalescence

Croissance

Le climat politique tendu de ces dernières années s’est apaisé, le rythme de croissance s’accélère, et, un an après sa constitution, le gouvernement Youla continue de suivre sa feuille de route. De quoi enfin rassurer tout le monde ?  

Sur la corniche de Conakry, de jeunes travailleurs sont à la tâche. Ils ont entre 18 et 30 ans. Ici, ils cassent les rochers au burin pour en faire des plages de sable fin. Là, ils ramassent les détritus qui jonchent les trottoirs autour des hôtels de luxe. Chaque jour, ces enfants de Guinée, en sueur, côtoient les hommes et les femmes d’affaires vaquant à leurs rendez-vous à Kaloum. Certains travaillent bénévolement, les autres sont embauchés pour 45 000 francs guinéens (moins de 5 euros) la journée.

Une misère, vu d’ailleurs. « C’est mieux que rien, et c’est mieux que de partir, rétorque l’un d’entre eux. C’est le président qui veut qu’on reste. » En quelques minutes, en quelques pas, on mesure la réalité d’un pays qui se reconstruit doucement, après cinquante ans de chaos. Une Guinée pas encore tout à fait de retour, mais qui veut s’en sortir, prise entre, d’un côté, son désir d’attirer à nouveau les investisseurs, les touristes, les regards admiratifs et, de l’autre, la volonté et l’urgente nécessité de réinsérer dans la société une jeunesse désœuvrée, trop longtemps marginalisée.

Former la jeunesse

Depuis sa réélection avec 57,84 % des suffrages exprimés, le 11 octobre 2015, dès le premier tour de la présidentielle, grâce notamment à sa promesse tenue de « l’électricité pour tous », Alpha Condé doit relever l’un des principaux défis de son second mandat – que partagent pratiquement tous les pays de la sous-région : redonner de l’espoir aux moins de 25 ans (qui représentent plus de 63 % de la population) et stopper l’hémorragie migratoire.

Parmi les axes d’actions prioritaires, la formation (supérieure, mais aussi technique) et l’emploi. Le gouvernement s’attelle à les développer, notamment dans le cadre du programme Booster les compétences pour l’employabilité des jeunes (Bocej), lancé en juillet 2015, qui est encadré et financé à hauteur de 20 millions de dollars (18 millions d’euros) par la Banque mondiale.

Se relever de la crise Ebola

Si Alpha Condé veut mettre la Guinée sur les rails de « la croissance pour tous », la tragique parenthèse de l’épidémie d’Ebola, de décembre 2013 à décembre 2015, pendant laquelle l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recensé 2 544 décès en Guinée, lui a indéniablement compliqué la tâche. En outre, les dépenses qui ont dû être engagées et les pertes pour l’économie ont été énormes. Tombée à 0 % en 2015, la croissance est pourtant repartie mieux qu’on ne l’avait espéré, avec un taux revu à la hausse pour 2016 à 5,2 %, au lieu des 3,8 % initialement prévus.

« Nos efforts se sont concentrés depuis sur faire de la Guinée un pays à nouveau fréquentable », précise Thierno Ousmane Diallo, le ministre du Tourisme. Les grands travaux ont repris, notamment ceux engagés pour achever la modernisation de l’aéroport international de Conakry et la construction de nouveaux hôtels haut de gamme. Aujourd’hui, la priorité, c’est d’accélérer la mise à niveau du réseau routier, encore en bien piteux état.

Responsabiliser les ministres

Pour que ces chantiers prioritaires et les réformes prévues soient poursuivis sans que les efforts se dispersent ou que les objectifs à atteindre se diluent dans le temps, le chef de l’État – qui a passé le plus clair de son premier mandat à décider de tout – a demandé que les actions des différents départements ministériels soient mieux coordonnées. Une logique de travail indispensable au moment où Alpha Condé vient d’être nommé président de l’Union africaine, fin janvier, lors du sommet d’Addis-Abeba.

Une nouvelle responsabilité qui implique bien des dossiers à arbitrer et des déplacements plus fréquents à l’étranger. « Le Premier ministre, Mamady Youla, organise désormais régulièrement des réunions de pilotage sectoriel, qui incitent les différents départements à avoir des résultats. C’est une bonne chose », se réjouit Madani Dia, secrétaire exécutif de la plateforme de concertation du secteur privé guinéen. Pour les ministres, l’enjeu est clair : « Demain, si on n’a pas de résultat, on sautera », reconnaît l’un d’eux.

Répondre à la colère sociale

Reste à savoir si ce que certains détracteurs du gouvernement se plaisent déjà à dénoncer comme « une absence d’exécutif » peut faire voler en éclats les bonnes intentions de « dialogue constructif » affichées par l’opposition depuis l’accord du 12 octobre 2016. Les barrages montés dans le centre de Conakry fin janvier par une poignée d’étudiants en colère, puis la grève générale qui a paralysé l’ensemble du secteur de l’éducation jusqu’au 20 février font figure de sérieux avertissements.

Les principales sources de mécontentement sont « classiques » : les bas salaires, la cherté de la vie, mais aussi l’insécurité et le médiocre état des routes (à Conakry et sur les grands axes à travers le pays) irritent une population à majorité commerçante. « On nous dit que la croissance revient, mais nos enfants continuent de mourir dans la Méditerranée ! s’indigne Faya Millimono, du Bloc libéral (BL). On construit de grands hôtels vides, et nos jeunes vivent sous des toits de tôle. En Guinée, le taux de croissance croît proportionnellement à celui de la pauvreté… »

Lors de ses derniers vœux à la nation, Alpha Condé a clarifié les priorités de son mandat. « La finalité de mon action consiste à donner à chaque Guinéenne et à chaque Guinéen la possibilité d’être formé, de se nourrir, de se soigner, d’avoir un logement décent, d’accéder à l’eau potable et à l’énergie. » Il lui reste trois ans pour le prouver.

 

François-Xavier Freland

Source: jeune afrique

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