A Conakry, l'attente parfois ubuesque tourne à l'angoisse

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Chaque nuit, depuis une semaine, ils sont quatre hommes à dormir sur des cartons dans la cour de la mairie de Kaloum, à Conakry: deux pour la "mouvance présidentielle" et deux pour l'opposition républicaine".

Ils veillent sur les urnes et procès-verbaux des législatives, se prêtant mutuellement des velléités de fraudes. "La crise de confiance est totale", résume à l'AFP un diplomate occidental, alors que la Guinée attend depuis une semaine la publication des résultats provisoires des législatives du 28 septembre, les premières depuis plus de dix ans.

A ce jour, seuls les résultats partiels de 9 circonscriptions sur 38 ont été publiés, soit 9 sièges attribués sur les 114 que comptera la future assemblée. Mais le pouvoir a déjà revendiqué la victoire et l'opposition réclamé l'annulation du scrutin pour "fraudes massives".

A Kaloum, les résultats n'avaient toujours pas été transmis vendredi soir à la Commission électorale nationale indépendante (Céni).

Cette circonscription est pourtant la plus petite de Conakry avec 61.000 inscrits mais, avec son palais présidentiel et ses ministères, elle symbolise le pouvoir du premier de ses électeurs, le président guinéen Alpha Condé. Et l'opposition y revendique la victoire.

Dans un coin d'une salle de la mairie, les urnes pleines sont empilées, des procès-verbaux éparpillés sur une grande table, certains jonchent le sol. La tête dans les mains, le président de la Commission locale de centralisation des votes, visiblement tendu et excédé reconnaît juste, "quelques problèmes techniques en voie de règlement".

Ici, les laborieuses opérations de comptage ont eu lieu sous l'oeil de représentants des partis et d'observateurs européens qui avaient dénoncé lundi "d'importantes carences" lors du scrutin dans toute la Guinée.

"Quelqu'un s'est infiltré dans la salle dans la nuit du 1er au 2 octobre, à 02H04", explique à l'AFP Ibrahima Sory Mosquée Diallo, délégué de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG, principal parti d'opposition). "Deux lots de procès-verbaux falsifiés ont été introduits", accuse-t-il. Selon lui, le candidat d'un autre parti d'opposition, l'Union des forces républicaines (UFR) est en tête.

A son tour, le délégué de la mouvance présidentielle présente sa version des faits. Selon Ousmane Savané, "le rapporteur de la commission du candidat de l'opposition, dit-il- a été surpris dans la nuit du 29 au 30 septembre à 00H45 entrant dans la salle avec un sac à main. Il en est ressorti avec des enveloppes", accuse-t-il. Selon lui, la mouvance présidentielle est en tête.

Cuisine électorale ?

La coexistence de deux modes de scrutin, l'un uninominal permettant d'élire 38 députés, l'autre à la proportionnelle pour 76 députés, a considérablement alourdi le processus, et empêche, en l'état actuel des résultats publiés, de dégager toute tendance.

Selon une source diplomatique, "la grande majorité des circonscriptions a transmis ses résultats à la Céni mais elle ne les publie pas". "Que font-ils, pourquoi gardent-ils ces résultats ?", s'interroge cette source.

Pour Vincent Foucher, analyste à l'International crisis group (ICG), présent à Conakry, "plus on attend, et plus c'est compliqué. Les gens se disent qu'il y a une cuisine derrière tout ça et ça fait monter la tension".

Vendredi, en demandant l'annulation du scrutin, l'opposition a menacé de faire descendre ses sympathisants dans les rues alors que les violences liées au processus électoral ont fait une cinquantaine de morts depuis le début de l'année.

Dans la soirée, ses représentants ont été reçus par le représentant spécial de l'ONU, Saïd Djinnit, facilitateur dans le dossier guinéen, mais selon une source de l'opposition, "rien n'a bougé".

En attendant, l'angoisse est devenue palpable à Conakry. "Moi je ne pense même plus, tout le monde est dans la peur", dit Ousmane Konaté, chauffeur de taxi, reflétant un sentiment général. "Toutes les manifestations tournent à la violence en Guinée. Il faut éviter ça", confiait vendredi à l'AFP l'ambassadeur des Etats-Unis en Guinée Alexander Laskaris.

Source: AFP

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