Au IXe VivaTech / Rose Pola Pricemou, Ministre de l’Économie numérique : « À Paris, ce fut un bel engouement pour les startups de la Guinée »
- Par Administrateur ANG
- Le 18/06/2025 à 16:05
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Figure emblématique de la nouvelle Guinée, Mme Rose Pola Pricemou est venue à Paris à la tête d’une belle délégation d’une dizaine de startups qui ont fait un tabac à VivaTech, contribuant fortement à un surplus d’image de marque pour la Guinée. Entrevue exclusive avec la Ministre guinéenne des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique.
Propos recueillis par Bruno FANUCCHI pour AfricaPresse.Paris (APP) - @africa_presse
APP – Madame la ministre, est-ce votre première participation au Salon VivaTech de Paris ?
Rose Pola Pricemou – C’est exact, car je suis ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique seulement depuis le 13 mars 2024, il y a un peu plus d’un an. Mais c’est surtout la première participation institutionnelle de la Guinée à ce Salon de grande réputation. Il était important d’y être présente et cela nous ouvre de belles perspectives en termes de projets liés à la transition numérique.
Cette première participation nous a permis de venir avec au moins dix startups guinéennes, dont trois sont déjà des « champions nationaux » et ont pu accompagner le gouvernement à VivaTech. L’objectif de cette présence, c’est de permettre à ces startups de montrer ce qu’elles font en termes de solutions applicatives et de se faire connaître à l’international. Cela permet aussi à ces jeunes de s’inspirer de ce qui se fait au mieux dans ce secteur clé du numérique et de chercher des partenaires pour le développement de nos structures respectives, au niveau étatique comme au niveau du secteur privé, que ces startups représentent désormais.
APP – Le stand de la Guinée, où vous avez été présente pendant ces quatre jours, a d’ailleurs eu un certain succès...
Rose Pola Pricemou – À VivaTech, j’ai constaté avec plaisir un grand et bel engouement pour la Guinée, comme nous en avions déjà connu au Salon de Barcelone en mars et au GITEX de Marrakech au mois de mai. De manière très admirative, beaucoup de visiteurs se sont intéressés aux solutions que proposent nos startups guinéennes pour la fintech ou même le tourisme.
L’un de nos jeunes champions, Emmanuel Tamba Millimino, de « Mansa Talent » », fut d’ailleurs l’un des champions 2025 du salon de l’UIT (Union Internationale des Télécommunications) qui se tient chaque année à Genève et à l’occasion duquel est organisé un concours mondial avec des milliers de candidatures. Il était dans ma délégation.
Pendant cette IXe édition de VivaTech, nous avons eu un focus sur la Guinée, un moment où nous avons pu parler du programme Simandou et des avantages indéniables pour les entreprises d’être présentes aujourd’hui en Guinée. Car notre taux d’endettement est autour de 36 % par rapport à notre PIB, c’est-à-dire bien inférieur à celui de nos voisins qui sont autour de 70 % à 75 %. Ce qui n’est rien même par rapport à la France ou aux États-Unis !
APP – Que va changer précisément, pour votre secteur du numérique, le programme Simandou ?
Rose Pola Pricemou – Quand on sait que Simandou va générer des revenus, l’État se dit que ces revenus doivent être un moteur du changement. C’est pour cela que nous devons d’abord avoir une trajectoire, définir nos priorités et pouvoir mettre des bases solides en créant notamment un écosystème favorable à l’éclosion du numérique.
Grâce au programme Simandou, nous aurons en effet une forte industrialisation et l’offre de service en ligne va s’accentuer. Il faut donc que le secteur privé soit prêt à y répondre efficacement. Nous sommes prêts à travailler avec d’autres, mais en mettant l’accent sur le secteur numérique.
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« Nous venons de lancer notre première raffinerie d’or »
APP – Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet « Simandou 2040 », qui paraît encore bien loin ?
Rose Pola Pricemou – 2040 peut vous paraître bien loin, mais quinze ans pour redéfinir le paysage guinéen au niveau socio-économique et pour réussir à ne plus être dépendant pour notre exploitation minière, cela peut-être en réalité un peu juste si l’on compare par exemple à ce qu’a été le pétrole pour les Émirats Arabes Unis ou l’Arabie Saoudite, où les services surplombent largement aujourd’hui ce que l’or noir leur apporte.
Notre vision d’avenir est de préparer notre écosystème à ne pas dépendre exclusivement du secteur minier et à diversifier notre économie pour en faire véritablement une économie durable.
APP – Justement, comment se porte le secteur minier en Guinée ?
Rose Pola Pricemou – Fort bien ! Nous venons ainsi de lancer la semaine dernière notre première raffinerie d’or et nous ne sortons plus l’or brut de Guinée. Nous allons le faire également pour le fer et la bauxite, de sorte que la transformation de ces minerais, qui sont notre richesse nationale, se fasse sur place et rapporte enfin une plus grande valeur ajoutée à notre pays, qui en a bien besoin.
APP – À Paris, avez-vous eu d’autres rencontres importantes ?
Rose Pola Pricemou – Ma délégation et moi-même avons eu l’honneur d’être reçues au Quai d’Orsay par le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Et le ministre délégué chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, Thani Mohamed Soihili, nous a fait l’honneur de visiter notre stand. Nous avons pu nous entretenir longuement avec lui pour lui confier nos priorités.
Nous avons évoqué l’appui que pourrait apporter l’AFD au financement du Technopôle, un projet qui nous tient particulièrement à cœur, prévu dans un quartier de Conakry. Car pour assurer l’éclosion du numérique, il faut d’abord créer un environnement favorable. À l’échéance 2027, ce Technopôle sera un endroit où nous pourrons héberger des startups, un espace utile à leur développement.
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« Faire de la Guinée un hub de transaction numérique »
APP – Peut-on faire un premier bilan de vos activités au poste stratégique que vous occupez depuis plus d’un an ?
Rose Pola Pricemou – Il y a eu beaucoup de défis et déjà pas mal de réalisations dont la Guinée peut être fière. En un an, nous avons réussi à quadrupler la capacité de notre backbone et à nous interconnecter – grâce à notre fibre optique – avec nos principaux voisins que sont le Mali, la Sierra Leone, le Sénégal et bientôt la Côte d’Ivoire, puisque la convention est signée, faisant ainsi de la Guinée un hub de transaction numérique.
Nous avons lancé notre projet d’un second câble sous-marin ainsi que plusieurs projets d’envergure de digitalisation, dont celui des marchés publics guinéens, permettant d’améliorer la transparence et l’inclusivité dans ce secteur sensible. Sans parler des hubs numériques que nous avons déployés à travers le pays : nous en avons six pour l’instant et comptons en avoir vingt cette année. Ce sont des espaces d’apprentissage du numérique où même les femmes du milieu rural peuvent venir pour tout apprendre et améliorer ainsi l’inclusion numérique.
APP – Et les Postes guinéennes sont un autre chantier à votre actif...
Rose Pola Pricemou – J’ai en effet également en charge les Postes et Télécommunications. Nous sommes en train de réhabiliter nos bureaux de poste et il y a du travail. Dans notre vision, la Poste devrait être aujourd’hui un endroit d’inclusion de service public. On pourrait y aller pour faire les formalités d’état civil, son passeport, son permis de conduire, etc. Nous voulons de surcroît en faire un endroit d’inclusion financière, avec la mise en place d’une Banque postale. Et tous ces projets sont déjà très avancés.
APP – Femme d’expérience, n’est-ce pas votre quatrième poste ministériel depuis 2021 ?
Rose Pola Pricemou – Ah ! je me dis toujours à chaque remaniement ministériel que je vais rentrer dans le Guiness des records [Rires !].
À la tête du ministère de l’Information et de la Communication en 2021 et 2022, nous avons obtenu et ouvert – grâce à la vision du chef de l’État – une « Maison de la Presse » à Conakry et dans les quatre grandes régions du pays, à Kankan, Labé, Kindia, Nzérékoré. Nous avons fait aussi des réformes majeures comme la mise en place d’un Fonds de développement des médias.
Pendant quelques mois en 2022, j’ai été ministre du Commerce, de l’Industrie et des PMI et, durant cette courte période, nous avons fait voter et promulguer la loi sur le contenu local qui est vraiment une fierté pour nous tous.
Puis j’ai été ministre du Plan et de la Coopération internationale de 2022 à 2024 et nous avons lancé le Programme de Référence Intérimaire (PRI), qui finissait en 2025 et dont le bilan va être présenté incessamment.
Nous avons alors pu organiser aussi la table ronde des bailleurs de fonds qui a su mobiliser plus de 7 milliards de dollars en faveur de la Guinée avec la Banque mondiale, la BAD, la BIP, la BDA. L’obtention et la mise en place de l’Institut de coopération Sud-Sud à Conakry furent enfin un autre bon souvenir lors de mon passage au Plan.
APP – Un dernier mot au terme de votre mission à Paris...
Rose Pola Pricemou – Ce fut une belle mission où nous avons réussi à ouvrir quelques nouvelles pistes riches de promesses comme le partenariat envisagé avec l’École 42, l’école mise en place par Xavier Niel. Celle-ci donne la chance aux jeunes – qu’ils aient eu leur bac, ou pas – de faire des études numériques, d’aller apprendre à coder et d’obtenir ainsi un bachelor professionnel. C’est un modèle très intéressant pour nous qui sommes en pleine transition numérique.
Je suis très heureuse aussi du renouvellement d’engagement entre les autorités françaises et guinéennes pour continuer à bâtir, chez nous, une économie forte à travers des projets structurants. Je repars de Paris fort satisfaite à l’issue de cette mission de visibilité pour nos start-up et cette belle mission valorisante pour l’image de marque de la Guinée.
Source: africapresse.paris
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