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Caravane Harmattan En GUINEE : Impressions d'un Expatrié.

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1-. Préambule.

J’ai séjourné à Conakry et à Labé du 20/04/11 au 10/05/11. J’ai participé à la promotion du livre, de la lecture et du droit d’auteur organisée par l’Harmattan Guinée dans le cadre de la Journée mondiale du Livre. La maison d’édition a associé Madame Nadine Barry, présidente de l’Association Guinée Solidarité à cette manifestation. Cette veuve d’un disparu du camp Boiro a animé et accompagné la Caravane du Livre à travers le pays, notamment à Conakry, Kindia, Dalaba, Labé Mali. Elle a écrit plusieurs livres parmi lesquels « GRAIN de SABLE » relatant la barbarie du PDG qui a tué son mari parce qu’il voulait aller voir ses enfants et son épouse en France en 1972.

2-. Impact de cet événement.

Programmé pour trois jours à Conakry, un jour à Mali, Dalaba et deux jours à Labé, le directeur de l’Harmattan Guinée, Sansy Kaba, a mobilisé massivement les Jeunes guinéens, les étudiants, les adultes et les médias. Cette initiative a provoqué -une véritable Renaissance culturelle guinéenne en Guinée.

*-. A Conakry.

Le 23/04/11, le directeur de l’Harmattan a réuni une cinquantaine d’écrivains et des auteurs qui ont écrit sur la Guinée. Devant une assemblée qui a rempli la grande salle de conférence du Centre Culturel franco guinéen, chaque intervenant a décliné son identité, son parcours socioprofessionnel et résumé son ou ses œuvres. Après ce tour de table, le ministre de la culture et du patrimoine historique, Ahmed Tidiani Cissé, a livré son message d’ouverture. Il a pris place ensuite parmi ses collègues écrivains, poètes et artistes. Cette séance a été suivie par un échange sur le thème : « le livre, vecteur du changement. »

Le lendemain, 24/04/11, la cérémonie s’est poursuivie par la signature du livre en huit volumes de l’ambassadeur de France, André Lewin, consacrée à la vie de « Ahmed Sékou Touré, président de la Guinée : 1922-1984. » Cet espace aurait pu servir de support dépassionné pour un dialogue inter guinéen entre les gouvernants qui ont ordonné les répressions politiques exercées depuis l’indépendance et les victimes, souvent innocentes, de ces crimes politiques. Rappelons que ces événements sanglants ont abouti aux présidences à vie de Sékou Touré et Lansana Conté. Pour préserver leurs prébendes illicites, les inconditionnels du PDG veillent au grain.

Ayant peur de la vérité de leurs « complots », les nostalgiques du PDG, conduits par la veuve du responsable suprême de la révolution, sont venus en masse pour empêcher toute intervention évoquant les méfaits de la gestion de Sékou Touré. Habillés de la tenue blanche sinistre, uniforme de leur régime, ces caciques du parti Etat ont occupé les premiers rangs de la salle de conférence.

Malgré cet envahissement violent des nostalgiques, les rescapés en chair et en os du camp Boiro et leurs héritiers ont été admis par les organisateurs. Ils ont pris place en arrière-plan des agents de la dictature, habillés de leur tee-shirt rouge du sang de leurs disparus indiquant leur deuil confisqué et inachevé. A la question d’un journaliste du « Lynx » demandant au biographe comment il évalue la gestion de Sékou Touré, il a répondu de façon assez claire pour un diplomate, presque sans langue de bois. Il a indiqué qu’il a établi une relation de con fiance puis d’amitié avec le président de la Guinée. Il a profité de la présence de la veuve de celui-ci pour réaffirmer sa fidélité à ces liens.

Concernant les méfaits de la dictature du PDG, il évoque de façon subtile, les excès que comportent toujours les situations semblables à travers l’histoire des hommes et de l’humanité. Il cite le général de Gaulle qui « n’aurait pas pu empêcher l’épuration des Français ayant collaboré avec l’Allemagne nazie. » Cette comparaison me paraissant inappropriée, je lui aurais présenté celle plus pertinente avec le gouvernement de Vichy, présidé par Philippe Pétain, condamné à mort à la fin de la 2e guerre mondiale si j’avais pu prendre la parole.Ma demande insistante a été royalement ignorée.

Dès que le président de l’Association des Victimes du camp Boiro, le docteur Maréga, demande la parole, le débat est stoppé et remplacé par la dédicace de l’auteur des huit volumes de la biographie de Sékou Touré. Les pressions des agents des agents du PDG pour verrouiller le débat n’ont pas totalement étouffé les victimes des assassinats politiques. Elles ont réussi à informer l’opinion publique des tentatives de museler tous ceux qui pensent librement et qui veulent proposer une nouvelle approche politique pour sortir le pays de sa longue agonie et de l’impasse économique, sociale et culturelle.

*-. A Labé.

La caravane du livre a pris la route pour présenter les livres et les auteurs originaires des villes visitées. Les premières escales ont été Mali, Dalaba, Labé. Dans cette ville, la caravane a réuni deux cents élèves, étudiants et des doyens de la lutte pour l’indépendance. Ces derniers ont accepté pour la première fois de parler de leurs parcours tourmentés. Parmi eux, il y avait Bah Ibrahima Caba, premier professeur de sciences physiques guinéen, son épouse Aminatou, première guinéenne, professeur de géographie, Diallo Kolon, professeur de mathématiques et Baldé Mountaga, premier étudiant africain francophone d’Afrique de l’ouest, admissible à l’Ecole Polytechnique de Paris en 1950. Ces trois universitaires ont été exclus de la construction de l’Etat guinéen naissant. Sékou Touré, ne voulant aucun nuage obscurcissant son étoile, les a purement et simplement mis en prison dès 1961 en les accusant de « complot. » Malgré la dislocation de son jeune ménage, Madame Bah Aminatou a poursuivi son enseignement et ses travaux géographiques dans une abnégation qui a forcé l’admiration des Guinéens.

Durant les deux journées d’échanges de Labé, Sansy Kaba a organisé une lecture publique permettant aux élèves de tester leurs talents devant un public. Les jeunes ont étalé un immense appétit pour cet exercice et une soif d’échanges avec les personnalités qu’ils découvraient à l’occasion du passage de la caravane. Ils ont entendu des auteurs originaires de Labé vivant à l’extérieur et des auteurs guinéens originaires des autres régions de la Guinée comme le professeur Camara Dijbril Kassomba. Ces personnalités leur ont exposé, de façon chaleureuse, la similitude entre l’ambiance de cette rencontre avec l’esprit fraternel qui liait les jeunes Guinéens de notre génération, toutes ethnies confondues.

Ils ont apprécié le climat convivial dégagé par cette initiative qui a permis à l’Harmattan de récompenser les meilleurs lecteurs et de révéler aux autres les progrès qu’ils doivent développer pour améliorer leurs performances scolaires. Leur enthousiasme m’a rappelé l’ambiance de Labé entre 1950 et 1960, époque où les étudiants de Labé recevaient leurs camarades des autres villes voisines pour débattre, dix jours durant, des problèmes de la jeunesse guinéenne et de l’indépendance de l’Afrique. Ce climat intellectuel avait disparu depuis l’arrestation des dirigeants du Syndicat des Enseignants en 1961.

L’escale de Labé s’est achevée par l’adoption d’un vœu demandant à l’Harmattan de reconduire chaque année cette opération de promotion du livre et de la lecture. L’ambition des Labéens sera de faire de la Guinée la capitale de la lecture et de l’écriture pour prolonger le FESPACO de Ouagadougou. Un jeune étudiant a délivré un poème qu’il a dédié à Madame Dieng Koumancho, directrice du Musée de Labé et inspectrice départementale de la Culture.

Les participants ont remercié l’Harmattan Guinée et son directeur pour avoir accordé, à l’occasion de cette célébration de la journée mondiale du livre, une baisse de 70 % du prix du livre durant cette semaine. Cette offre généreuse a permis aux participants de rentrer avec une bonne moisson que lui interdisaient les prix prohibitifs des livres en Afrique noire et plus particulièrement en Guinée, privée de tout soutien d’un Etat qui n’existe pas. L’institutionnalisation de cette opération serait une contribution inestimable à la réhabilitation du dialogue en Guinée. La caravane a suscité un espoir de réconciliation, de renaissance culturelle et le retour de la démocratie disparue depuis plus de cinquante ans.

Merci à l’Harmattan. Merci à Sansy Kaba. A l’année prochaine.

Docteur Thierno Bah (Paris)

 

Transmis par Ollaid

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