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GUINEE : EN ATTENDANT...

En attendant quoi ? Les 100 jours de délai de grâce pour tenter d'évaluer l'orientation de l'action gouvernementale du Président Alpha Condé, élu le 7 novembre 2010. C'est cette appréciation qu'une catégorie de Guinéens toujours prêts à se jeter corps et âme dans les bras de tout nouveau venu aux affaires de la République de Guinée, appellent « des critiques stériles qui empêchent le nouveau gouvernement de travailler ».

Sans s'attarder sur l'absurdité de cette position archiréactionnaire, car qui peut par de simples écrits empêcher un gouvernement de travailler s'il veut vraiment travailler?

Il s'est, cependant, toujours trouvé dans notre pays des gens, jeunes ou vieux , aux jugements limités, qui estiment que porter des jugements sur la chose publique et surtout sur ceux qui se sont offerts à la gérer, était un délit antipatriotique.

Sur le délai de 100 jours de grâce, je me demande d'ailleurs pourquoi 100 jours? Encore une fois, il faut abandonner ce genre de mimétisme venu d'ailleurs dans pays marqué profondément par l'inorganisation. En dehors des effets d'annonce, rien de notable ne se produira, au cours de ce délai, dans le sens du changement inlassablement proclamé par les hauts-parleurs du RPG, noyau dur de l'Association Arc-en-ciel. Qu'il s'agisse du respect de la Loi fondamentale (la Constitution), des lois organiques, de la surenchère des élévations en grades dans l'armée ou de l'hypertrophie des strapontins ministériels qui ressemble plus à un partage de gâteau qu'à une organisation pour du changement de la gouvernance; on ne peut pas dire que de simples signes de ce changement ont été donnés. Nul de censé ne peut du reste croire que d'énormes problèmes accumulés pendant des années vont tous trouver des solutions dans l'immédiat. Ce que les Guinéens auraient trouvé de censé pouvait consisté à mettre en place l'ébauche d'un gouvernement crédible par la présence d'hommes et femmes crédibles pour s'atteler aux besoins essentiels des Guinéens . Tous ceux qui ont été appelés dans ce le gouvernement ne sont pas crédibles aux yeux de la population.

 

Quand on imagine l'agenda d'un Chef d'Etat, on se pose la question du but recherché du périple qu'Alpha Condé vient d'entreprendre au Burkina Faso, en Angola, en Libye et en Ethiopie. Le premier voyage du Chef d'Etat guinéen aurait-il été mieux choisi que de visiter les quatre régions du pays? Mais peut-être aller tendre la main pour demander secours à des pays producteurs de pétrole comme l'Angola et la Libye, valait-il mieux que les ovations des populations guinéennes. Ce n'est pas en commençant ce quinquennat par tendre la main aux autres pour qu'ils viennent à notre secours, alors qu'on crée des postes budgétivores à tout va, qu'on peut imaginer voir l'amorce de changement en Guinée. Ne vous attendez donc pas Guinéens à du miracle dans 100, 200, 300 jours si les choses vont à cette allure! Mais à la continuité du déjà vu et vécu , oui!

 

De mon point de vue, je comprends ceux qui attirent l'attention des Guinéens sur les prémices incohérentes de la gouvernance qui s'installe. Les expériences des trois premières républiques devraient, pourtant conduire tout Guinéen disposant d'un minimum de jugement à ne pas considérer comme négative toute opinion non favorable à la pratique que le Président Alpha Condé est en train de mettre en place. A ce que j'ai entendu ou lu sur cette pratique de non respect, dès le départ, d'engager, même par signes, la Guinée sur la voie du changement, j'ai nettement perçu, surtout parmi des militants du RPG et aussi du reste de l'Arc-en-ciel, non seulement des grognements mais de la colère. Certains de ces militants auraient sans doute retenu leurs mauvaises humeurs si le Patron ne les avait pas oubliés lors du partage des places en faisant la part belle à ceux qu'ils avaient tous désignés comme les pilleurs et les prédateurs de l'économie guinéenne. Mais dans la période d'entre-deux-tours de l'élection, personne ou presque ne s'était indigné lors des accords d' alliances avec les gros prédateurs des biens collectifs guinéens alors que certains les avaient traînés, de longues années dans la boue. Il leur avait suffi que le Président du RPG leur ait dit qu'il mettrait les indécrottables compagnons de feu Lansana Conté aux pas du changement ou à la porte pour que ces militants dits aguerris se taisent comme se sont tus jusqu'ici ceux qui ont été récompensés. Mais maintenant que la Présidence de la République est conquise, quelques optimistes attendent toujours leurs médailles en s'accrochant à l'hypothèse du gouvernement qui viendrait après des législatives si elles étaient gagnées. Dans cette hypothèse,le nouveau gouvernement verrait la sortie des barons du contéisme et des baronnets du dadisme, pour faire place à du personnel neuf et entreprendre le vrai changement. C'est ce genre d'hypothèse que doivent concocter quelques esprits. Mais voit-on les barons et les baronnets que je viens de citer et qui ont activement participé à la présidentielle et aux législatives qui font d'eux des parrains, (au sens mafieux du terme ) de nombreux députés, quitter facilement les places fortes qu'ils tiennent à présent ?

 

Quoi qu'il en soit c'est leurs méthodes et leur culture politique qui semblent l'avoir emporté dans la phase actuelle. Méthodes et culture politique fondées sur les manigances de toutes sortes : interventions pêle-mêle de parents , marabouts, féticheurs, coordinations régionales dans les affaires de l'Etat, pour se maintenir en place. Un élément qui renforce cette appréciation des choses est une déclaration du Président Alpha Condé disant avant même son investiture: « ceux qui se sont battus à mes côtés pour des places , n'ont pas compris le sens de mon combat ». Cette déclaration pouvait apparaître à cette date (vers les 11-12 décembre 2010) comme une volonté de changement.

Que s'est-il donc passé depuis lors, qu'un intellectuel, juriste de formation, élu Président de la République sur des engagements précis de changement et de rétablissement de l'Etat de droit, soit tombé si vite dans la mamaya folklorique de ses prédécesseurs analphabètes qui n'ont fait que piétiner la loi dont ils étaient les garants?  En effet de nombreuses infractions commises par le nouveau Président à la Constitution et aux lois organiques ont été déjà relevées, avec références précises des articles violés, par des Guinéens vigilants. Dans cette perspective, il faudrait pour les futures législatives une opposition forte pour l'équilibre des pouvoirs donc pour le barrage à des abus de pouvoir auxquels conduit la concentration dans les mêmes mains de l'exécutif et du législatif. Pour construire un Etat de droit, le modèle PUP de feu Lansana Conté contre lequel Alpha Condé a guerroyé ne doit plus être de retour en Guinée. Qu'a-t-il fait le PUP en matière d'Etat de droit? Rien. C'était une assemblée aux ordres, un assemblée de béni-oui-oui. Les députés de cette catégorie ne peuvent pas être des ferments de progrès.

Tels sont quelques éléments qu'il faut relever dès maintenant. Relever dès aujourd'hui ce qui ne semble pas aller dans le bon sens est une façon d'aider les nouveaux gouvernants guinéens à corriger ce qui pourrait devenir de mauvaises habitudes . De même qu'en médecine des spécialistes tentent de repérer, même chez l'enfant, et de soigner ce qui pourrait constituer un handicap futur pour la santé, de même des observateurs avertis doivent appeler l'attention des Guinéens sur ce qui pourrait être à nouveau le cancer politique de la Guinée de demain.

 

Ansoumane Doré (Dijon, France)

 

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