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Guinée: les textiles chinois de contrefaçon déstabilisent le secteur artisanal guinéen

Sans titre png1 10Lépi, Kindili ou forêt sacrée, les tissus traditionnels guinéens coûtent cher. Pourtant, quelques jours avant la fin du ramadan, le rêve de tous les consommateurs s’était enfin réalisé : le textile local était désormais accessible au plus grand nombre. Sauf que ce tissu a été fabriqué en Chine et il risque bien de déstabiliser le secteur de l’artisanat déjà fragile en Guinée. Avec lui, c’est le patrimoine culturel du pays qui se trouve menacé.

Le 20 avril dernier, les autorités réagissent avec vigueur. Pour stopper l’invasion, un arrêté est pris interdisant l’importation, la production et la commercialisation. Un mois plus tard, sur le marché de Madina à Conakry, les contrefaçons, qu’on appelle ici Faré Yaré, se font plus rares. « Vous connaissez le Faré Yaré, non ? Ça ressemble à du bazin, et quand tu le sors, ce n’est pas tout le monde qui comprend que ce n’est pas du bazin », alerte madame Sylla.

Elle a encore du faux bazin qui ne serait pas concerné par l’arrêté. Le tissu a l’aspect brillant du vrai. « Moi, avant mon marché, c'était le wax. Maintenant, comme les gens ont commencé à acheter ça (le Faré Yaré, ndlr) notre wax ne se vend pas », constate-t-elle. Le wax était en train de perdre la bataille contre le Faré Yaré, madame Sylla a dû s’adapter.

Un tissu accessible aux pauvres

Un peu plus loin, un grossiste est pris d’assaut par les acheteurs. C’est l’un des mieux fournis en Faré Yaré. Ici, on trouve encore des modèles traditionnels guinéens. Il y a par exemple une forêt sacrée aux motifs bien trop réguliers pour avoir été teint à la main. L’engouement pour le Faré Yaré est toujours aussi fort, un client explique pourquoi.

« Durant le mois de carême, cela nous a bien arrangés, sans mentir ! Ça coûte moins cher. Avant, on payait les bazins à 600 000 ou 800 000 francs guinéens. Le Faré Yaré, c’est 40 000 ou 60 000 francs », calcule-t-il. Il faut compter 60 euros pour un bazin. Le Faré Yaré coûte dix fois moins cher. « Faré Yaré, cela veut dire “ce qui est devant”, ça fait la fierté, car même si on est pauvre, le Faré Yaré fait notre beauté », ajoute le client. 

Une qualité qui a un prix

À l’entrée du marché, Aminata Kanté, vendeuse de bazin, ne décolère pas. « L’affaire des Faré Yaré, nous en avons marre ! Les gens n’ont pas d’argent », s’exclame-t-elle. La qualité, ça se paye. Aminata Kanté a un message pour ceux qui seraient tentés par la contrefaçon.

Au moment du ramadan, il s’est mis à pleuvoir. Ils ont porté leur Faré Yaré sous la pluie et ils ont pu voir comment le tissu a déteint. En plus, le tissu est chaud. Ce n’est pas du coton. Moi, je porte du bazin depuis le matin, il fait chaud, mais moi, je n’ai pas chaud avec mon bazin. 

Et même si le Faré Yaré donne à Aminata Kanté des sueurs froides, grâce à son vrai bazin, pas une goutte ne perle sur sa peau.

Matthias Raynal, correspondant RFI à Conakry

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