La France condamne la tentative de putsch et appelle à la libération du président Condé

000 9ma32h 2c6356 6 1xLes officiers des forces spéciales qui ont affirmé avoir capturé le président guinéen Alpha Condé et proclamé la dissolution des institutions ont annoncé dimanche l'instauration d'un couvre-feu dans tout le pays.

La France "condamne la tentative de prise de pouvoir par la force" en Guinée et appelle à "la libération immédiate et sans condition du président (Alpha) Condé", selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères publié dimanche soir.

Paris "se joint à l'appel de la communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) pour condamner la tentative de prise de pouvoir par la force" survenue dimanche et "demander le retour à l'ordre constitutionnel", écrit le porte-parole adjoint du Quai d'Orsay, alors que des officiers des forces spéciales guinéennes affirment avoir capturé le chef de l'Etat et "dissoudre" les institutions.

Plus tôt, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a "fermement" condamné "toute prise de pouvoir" en Guinée "par la force du fusil". Il a aussi appellé "à la libération immédiate du président Alpha Condé", en précisant suivre la situation dans le pays "de très près".

Un couvre-feu jusqu'à nouvel ordre

Les forces spéciales guinéennes ont affirmé ce dimanche avoir capturé le président Alpha Condé et ont clamé vouloir "dissoudre" les institutions dans une vidéo adressée dans la journée à un correspondant de l'AFP.

"Nous avons décidé, après avoir pris le président qui est actuellement avec nous (...) de dissoudre la Constitution en vigueur, de dissoudre les institutions; nous avons décidé aussi de dissoudre le gouvernement et la fermeture des frontières terrestres et aériennes", a scandé le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, au côté de putschistes en uniforme et en armes.

Dénonçant la "gabegie" [un désordre lié à une mauvaise gestion, ndlr], il a ensuite réitéré cette déclaration à la télévision nationale peu après 16 heures, interrompant les programmes habituels. 

Dans la soirée, les officiers des forces spéciales ont annoncé l'instauration d'un couvre-feu dans tout le pays "jusqu'à nouvel ordre" ainsi que le remplacement des gouverneurs et préfets par des militaires dans les régions. Ils ont également dit convoquer les ministres sortants et les présidents des institutions à une réunion lundi à 13 heures à Conakry, dans un second communiqué qu'ils ont lu dans la soirée à la télévision nationale.  

"On ne peut pas raisonnablement dire que le président n’a pas été capturé" 

Pour appuyer leurs propos, les forces spéciales guinéennes ont également diffusé dans la journée une vidéo du président Alpha Condé entre leurs mains. Si le ministère de la Défense a reconnu dans un communiqué que "les insurgés (avaient) semé la peur" à Conakry avant de prendre la direction du palais présidentiel, il a affirmé que "la garde présidentielle, appuyée par les forces de défense et de sécurité, loyalistes et républicaines, ont contenu la menace et repoussé le groupe d'assaillants".

Pour Louis Keumayou, journaliste et président du Club de l’information africaine Louis Keumayou, interrogé par BFMTV, "à moins que l'on soit dans du deep fake [technique de trucage vidéo, ndlr], je pense qu'on ne peut pas raisonnablement dire que le président Alpha Condé n’a pas été capturé. Pour l'instant ces images-là prouvent qu'il l'a été et donc que même si l'attaque a été repoussée l'objectif qui était celui d'arrêter le président a été atteint".

Pour expliquer ce retournement de situation par des forces spéciales "mises sur pied par le président Alpha Condé lui-même", le journaliste évoque notamment un "dialogue politique complètement fermé". Un diplomate occidental - s'exprimant sous le couvert de l'anonymat - explique de son côté à l'AFP que les tensions pourraient avoir été provoquées par une tentative de mise à l'écart du commandant des forces spéciales, sur fond de jalousies au sein des forces armées envers cette unité bénéficiant de moyens supérieurs aux autres forces de sécurité.

Une profonde crise politique et économique

Depuis des mois, ce pays d'Afrique de l'Ouest, parmi les plus pauvres du monde malgré des ressources minières et hydrologiques considérables, est en proie à une profonde crise politique et économique, aggravée par la pandémie de Covid-19.

La candidature d'Alpha Condé à un troisième mandat en 2020 a provoqué des mois de tensions qui ont causé des dizaines de morts dans un pays coutumier des confrontations politiques sanglantes. L'élection a été précédée et suivie par l'arrestation de dizaines d'opposants qui ont dénoncé des "bourrages d'urnes" et des irrégularités de toutes sortes.

Une dérive autoritaire

Alpha Condé, 83 ans, ancien opposant historique, est devenu en 2010 le premier président démocratiquement élu en Guinée après des décennies de régimes autoritaires. Des défenseurs des droits humains fustigent une dérive autoritaire observée sous sa présidence au fil des ans et remettant en cause les acquis du début.

Le président avait fait adopter en mars 2020, malgré une contestation déjà vive, une nouvelle Constitution pour, disait-il, "moderniser (les) institutions" et, par exemple, accorder une plus grande place aux femmes et aux jeunes. L'opposition dénonçait un "coup d'Etat" constitutionnel. La contestation a été à plusieurs reprises durement réprimée. Il se targue au contraire d'avoir fait avancer les droits humains et d'avoir redressé un pays qu'il dit avoir trouvé en ruines.

Article original publié sur BFMTV.com

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