Sous le feu des sanctions américaines, Alpha Condé paye ses dérives autoritaires

Alpha conde derives autoritaires guinee revue passagesPremier effet du rapport annuel du département d’État américain pointant le recul des droits humains dans le pays, la Guinée a été déclarée inéligible à un programme américain de développement à 500 millions de dollars. Du côté européen, 32 parlementaires réclament à Josep Borrel, Haut Représentant en charge des Affaires étrangères, un « nouvel instrument de sanction » face aux manquements aux droits humains, qui se multiplient depuis déjà deux ans. Malgré quelques signes d’apaisement, comme la mise en place d’un cadre de dialogue permanent, Alpha Condé continue de faire la sourde oreille aux menaces occidentales.

Une aggravation des atteintes aux droits de l’Homme depuis 2 ans

La situation n’a cessé de se dégrader en Guinée depuis le référendum de mars 2020 portant sur une nouvelle Constitution permettant au président sortant, Alpha Condé, de briguer un troisième mandat. L’annonce du scrutin, qui s’avérera plus tard entaché d’irrégularités, notamment sur la constitution des listes électorales, a entraîné le déclenchement d’un cycle de violences politiques qui n’a pas cessé depuis. L’opposition guinéenne dénombre plusieurs centaines de morts, tandis que des ONG comme Amnesty International et Human Right Watch évoquent un nombre difficilement estimable de détentions arbitraires.

Pourtant, jusqu’à récemment, la réponse de la communauté internationale n’a pas semblé à la hauteur de la situation : si le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian a appelé en début d’année à « la nécessité d’un dialogue politique interne entre les autorités et l’opposition » ainsi qu’à « être très vigilant sur le respect des droits de l’Homme », ces déclarations n’ont pour le moment pas été suivies de sanctions ciblées, comme l’avaient pourtant envisagé plusieurs parlementaires français, très engagés sur le dossier guinéen. Il semble que jusque-là, la France, partenaire occidental privilégié du pays, souhaite plutôt pousser pour une réponse européenne qui tarde pourtant à se matérialiser — une condamnation de forme de la part de Josep Borell mise à part.

La publication du rapport annuel du département d’État américain sur l’état du pays a peut-être changé la donne, en l’absence de volontarisme européen unifié sur cette question. Dans ce dernier, l’équivalent étatsunien du ministère des Affaires étrangères pointe du doigt le recul des droits de l’homme, des « exécutions extrajudiciaires perpétrées par le gouvernement ou en son nom » et note que « le processus judiciaire manque souvent d’indépendance et d’impartialité ». Le premier effet de ce rapport, outre la confirmation des cris d’alarme des ONG et le prudent alignement des positions occidentales, semble être l’inéligibilité du pays au programme américain Millenium Challenge Corporation (MCC).

Une montée en puissance des sanctions à venir

La Guinée, qui avait multiplié les mesures ces dernières années pour assurer son éligibilité au programme, vient de voir la somme de 500 millions de dollars lui échapper. Le programme du MCC est mis en place par une agence américaine pour renforcer les liens entre les États-Unis et les pays en développement. Il prévoit une allocation substantielle en échange de la mise en place de réformes dans les domaines économiques, législatifs et sociaux. Or l’agence de notation américaine Freedom House, dans son dernier rapport publié le 22 mars 2021, a abaissé de deux points la note de la Guinée dans le registre des droits démocratiques.

Cette première sanction indirecte intervient au moment où 32 députés européens interpellent dans une lettre ouverte le chef de la diplomatie de l’UE sur la situation guinéenne. Cette lettre, signée notamment par les députés français Yannick Jadot et Raphaël Glucksmann, pose la question suivante à la diplomatie de l’Union : « Comment l’UE compte-t-elle mettre en action son nouvel instrument de sanction pour sanctionner ces personnalités responsables de violations graves des droits humains en Guinée ? ». Cette demande, alliée à l’exigence d’un meilleur contrôle de l’aide européenne pour vérifier que l’argent ne serve à la répression des populations, pourrait infléchir l’attentisme européen vers une position plus volontariste.  

Tous ces éléments laissent penser à une augmentation de la pression sur le régime d’Alpha Condé. Mais, comme le soulignait récemment le député français Thomas Rudigoz dans le journal Le Monde arabe, une partie des parlementaires européens souhaitent que ces sanctions n’aient pas un impact trop prononcé sur les populations, dont le niveau de vie est déjà extrêmement précaire : « On a cette possibilité d’épée de Damoclès sur un gouvernement, qu’il soit guinéen ou autre, de couper le robinet des aides au développement, mais cela peut être catastrophique pour les peuples. Si des sanctions doivent être envisagées, ce sont des sanctions qui doivent être individuelles ».

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