Alexander Laskaris (USA): «Le principal gagnant est le peuple guinéen»

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A la sortie de la cérémonie officielle de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), qui a confirmé la réélection dès le premier tour d’Alpha Condé, l’un des acteurs importants de la communauté internationale à Conakry, l’ambassadeur des États-Unis en Guinée a accepté de commenter l’ensemble du processus électoral. Alexander Mark Laskaris répond à Guillaume Thibault.

RFI : Monsieur l’ambassadeur, quel est votre premier bilan, à l’annonce de ces résultats ?

Alexander Mark Laskaris : Le taux de participation de 68 % est, pour moi, incroyable. Malgré la mauvaise préparation des bureaux de vote, malgré la chaleur, la pluie, les Guinéens sont allés aux urnes à 6 heures du matin. Ici, à Conakry, il y avait des gens qui devaient attendre jusque dans l’après-midi pour voter. Le jour du scrutin, il n’y a eu aucun incident engendrant des violences. Je pense que cela montre le patriotisme et la maturité politique du peuple guinéen. Ma première réaction, c’est de dire que c’est le peuple guinéen qui a gagné.

Grande victoire pour Alpha Condé. Quel est le regard, un peu politique, que vous avez là-dessus ?

Ce sont des résultats provisoires. Il faut attendre qu’ils soient certifiés par la Cour constitutionnelle. Ceci dit, ce qui, pour moi, est le plus important c’est que, selon mes amis Guinéens, cela a été la première campagne nationale. Les candidats devaient aller dans toutes les régions, dans toutes les préfectures de la Guinée. Le président Alpha Condé lui-même est allé à Fouta pendant huit jours. Je pense qu’il a visité 120 sous-préfectures de la Guinée. Le chef de l’opposition est allé, lui, en Haute Guinée. Tout le monde est allé en Guinée forestière. Tout cela, pour moi, c’est très important.

Je pense que c’est la première fois qu’un parti au pouvoir ou encore un président au pouvoir a été obligé de se défendre face au peuple guinéen et face à une opposition bien organisée et bien équipée, pour faire campagne. Pour le moment, je suis très content que la campagne ait été bien, bonne et cela, malgré quelques problèmes logistiques sérieux. Je pense aussi que le gouvernement, l’Etat et l’Assemblée nationale doivent régler le problème de la Céni pour le prochain scrutin.

Notamment les listes électorales qui ne sont pas classées par ordre alphabétique. Ce genre de choses ?

Je pense que les experts du PNUD qui ont travaillé avec la Céni ont assaini le fichier. Nous avons trouvé des doubles mais nous avons aussi trouvé un taux de mineurs enrôlés extrêmement bas. Par ailleurs, malgré le retard concernant le début de la distribution des cartes d’électeurs, je pense qu’une grande majorité - 95 % des électeurs – a eu sa carte d’électeur. Le grand problème c’était l’organisation des 14 millions et 400 mil bureaux de vote. Beaucoup d’entre eux ont ouvert en retard et puis, ce problème, en particulier, du classement par ordre non alphabétique des électeurs a beaucoup ralenti le processus.

Selon les résultats dans la région de Kankan, le fief d’Alpha Condé, il y a eu entre 90 et 92 % de taux de participation et, parfois, 98 % des voix. Est-ce que ces résultats vous ont, à un moment, alerté ?

Lorsqu’il s’agit d’une analyse statistique, je pense qu’il faut qu’il y ait une étude et regarder. Je sais que les partis d’opposition vont faire leurs objections au Conseil constitutionnel. On va voir. Mais cela a déjà été le cas aussi en 2013. Le taux de participation, en Guinée, était très, très élevé, et en 2010 aussi. Je pense qu’à chaque fois qu’il y a une anomalie statistique, il faut faire une étude pour savoir s’il y a eu des problèmes.

Et respecter les règles... La Cour constitutionnelle est là.

Oui, c’est très important car les derniers jours, il y a eu une rhétorique un peu provocatrice de la part de l’opposition. Pour nous, le plus important c’est de faire objection en passant par le processus légal et constitutionnel. Les menaces de violence sont particulièrement dangereuses. Nous avons vu ce qui s’est passé, vendredi dernier, ici à Conakry. Une seule pierre jetée par un jeune garçon suffit pour relancer les grandes violences. Il faut éviter cette réaction violente.

Justement, vous avez été très actif, à ce niveau-là, avant, pendant le processus et après le scrutin, en interpellant les uns et les autres, autant la majorité que l’opposition. Quel message adressez-vous aujourd’hui à tous ces acteurs politiques ?

Rester calmes. Il faut qu'ils parlent avec les militants, particulièrement avec les jeunes garçons, pour qu’ils restent à la maison. Il ne faut pas sortir dans les rues pour jeter des pierres, pour brûler des pneus ou pour commettre des actes de violence contre les personnes et les biens. Il faut laisser la classe politique et les institutions de l’Etat guinéen faire leur travail qui, dans un premier temps, sera celui de la certification ou de la non-certification du résultat par la Cour constitutionnelle.

Les sages, les imams et les prêtres nous ont beaucoup aidés. Je sais que dans chaque mosquée du pays, vendredi dernier, les imams ont parlé de la nécessité d’une paix et de fraternité. Pendant la messe du dimanche, tous les prêtres ont dit la même chose. Alors oui, nous comptons beaucoup sur les sages, les prêtres, les imams et les chefs de grandes familles.

Pour terminer, Monsieur l’ambassadeur, quel message adressez-vous au peuple guinéen, dans son ensemble ?

Félicitations. Merci. Restez calmes, toujours.

Source: RFI

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