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Après le passage d’Ebola, les campagnes de Guinée tentent de reprendre des couleurs

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L'épidémie d'Ebola laisse derrière elle un désastre économique, surtout dans le monde rural. Malgré la réapparition du virus dans le sud-est du pays, les producteurs espèrent rapidement remonter la pente. «Pendant la crise sanitaire, rien n’allait plus. Je ne pouvais me rendre ni au Sénégal ni en France. On ne pouvait plus exporter nos produits nulle part. Avec la fin de l’épidémie, nous espérons gagner beaucoup d’argent…

S’il y avait de la musique, je danserais ! » se réjouit Mariama Camara, en esquissant quelques pas au milieu de son champ de pommes de terre de Timbi-Madina (près de Pita), à 350 km au nord-est de Conakry, au cœur du massif du Fouta-Djalon. Comme elle, beaucoup d’agriculteurs guinéens sont optimistes et redoublent d’énergie pour compenser les pertes qu’ils ont subies.

L’agriculture sévèrement touchée par l’épidémie d’Ebola

Depuis l’annonce officielle de l’épidémie d’Ebola, le 23 mars 2014, jusqu’à ce que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclare la Guinée « exempte de transmission du virus », le 29 décembre 2015, les frontières du pays étaient fermées, et ses produits agricoles interdits d’exportation. Pendant vingt et un mois, les acheteurs sierra-léonais et bissau-guinéens avaient déserté le marché Madina, le plus grand de Conakry, où ils s’approvisionnaient habituellement. « Lorsque la crise sanitaire a commencé, nous avions déjà des stocks importants qui n’ont pas été écoulés », explique Thierno Balla Diallo, coordinateur de l’équipe technique de la Fédération des paysans du Fouta-Djalon (FPFD), à laquelle appartient Mariama Camara.

« Il y a évidemment eu un important manque à gagner et une diminution drastique des revenus, qui ont eu un impact sur la capacité des paysans à réinvestir. Ceux qui ont résisté et sont parvenus à maintenir leur production en 2015 n’ont pas réussi à la vendre, parce que les frontières étaient toujours fermées », poursuit Diallo, qui évalue les pertes subies par ses 12 000 membres à 45 milliards de francs guinéens (plus de 5 millions d’euros).

« Déjà, en temps normal, le marché national ne peut pas absorber toute la production de pommes de terre, qui s’élève à 35 000 tonnes par an, renchérit Mamadou Diallo, responsable de la plateforme de stockage et de la commercialisation. Entre début 2014 et fin 2015, nous n’en avons écoulé que 20 000 t. »

Les producteurs du sud-est du pays ont été encore plus durement touchés. Région agricole par excellence, la Guinée forestière, où il pleut neuf mois sur douze, a en effet été l’épicentre de l’épidémie. « Lorsque la crise sanitaire s’est intensifiée, les semis avaient déjà été faits [en avril-mai 2014], et des villages entiers ont dû abandonner leurs champs… Il y a eu des semailles, mais pas de récoltes », déplore la ministre de l’Agriculture, Jacqueline Sultan. Les activités agricoles ont certes repris, mais les producteurs restent inquiets. En effet, à la mi-mars, le virus est réapparu dans la région de N’Zérékoré, et cinq morts y ont été recensés. Ce qui a conduit le Liberia (où la fin de l’épidémie n’a été déclarée que le 14 janvier) à fermer sa frontière avec la Guinée forestière du 22 au 25 mars, par mesure de précaution.

Dans les régions moins affectées par la crise sanitaire, les exploitants ont tous subi de plein fouet la fermeture des frontières. Et, pour tous, la surabondance sur le marché national a fait chuter les prix et les revenus des producteurs.

La transformation des produits, une évolution indispensable

À quelque chose malheur est bon. Pour combler le manque à gagner à l’export induit par la fermeture des frontières, il a fallu trouver une solution : la transformation. En septembre 2015, en tournée préélectorale dans la région, Alpha Condé a posé la première pierre d’une unité de transformation de pommes de terre et de manioc à Timbi-Madina, dont l’investissement est estimé à 14 millions de dollars (12,5 millions d’euros), entièrement financé par l’État. Autonome en énergie, l’usine produira de la fécule, ainsi que du compost et de l’eau fertilisante pour l’irrigation, et doit être opérationnelle fin 2018 – délai que le chef de l’État aimerait voir écourté.

Cependant, passé la cérémonie de pose de la première pierre et la présidentielle, « le site est redevenu désert », confie un riverain. Mais la ministre de l’Agriculture l’assure : « Les travaux vont suivre, l’usine verra bien le jour. » Elle annonce par ailleurs l’engagement imminent d’une autre mesure de relance : « les pistes Ebola ». Doté d’un budget de 3 millions de dollars, ce projet vise à accélérer le désenclavement des zones de production affectées par la crise sanitaire.

« De notre côté, nous avons engagé une campagne de sensibilisation à l’intention des producteurs, explique le président de la FPFD, Moussa Para Diallo. L’épidémie d’Ebola leur a certes porté un grand coup, mais ils doivent reprendre courage. Et, dans cette optique, nous sommes en train de redynamiser notre structure de commercialisation afin de garantir l’écoulement de leurs produits. » Une action qui, il l’espère, sera soutenue par ses partenaires, dont l’Union européenne.

Selon la Banque mondiale, tous secteurs confondus, le montant global, pour le produit intérieur brut (PIB) de la Guinée, des pertes liées à l’épidémie d’Ebola s’élève à 540 millions de dollars.

Diawo Barry

Source: jeune afrique

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