Blaise Compaoré-Sékouba Konaté : Petits réglages avant le grand saut

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Le général Sékouba Konaté, qui assure l’intérim à la tête de la Guinée, séjourne depuis hier jeudi à Ouagadougou. A trois semaines de l’élection présidentielle, il est venu échanger avec son homologue burkinabè, médiateur dans la crise politique guinéenne. L’homme fort de Guinée doit rencontrer l’ancien chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, en convalescence à Ouagadougou. Conformément aux us et coutumes, le général Konaté présentera certainement ses condoléances à son ami et compagnon d’armes. Cela, suite à la mort tragique de son fils au Canada.

A Ouagadougou, il discutera avec le médiateur Blaise Compaoré du processus de sortie de crise qui a subi de sérieux revers ces derniers temps. En effet, l’opinion guinéenne était apparue fort divisée, et la classe politique partagée autour de la pertinence ou non d’encadrer la CENI en vue du second tour de l’élection présidentielle. Au sortir du premier tour, l’institution avait fait l’objet de critiques véhémentes quant au déroulement du scrutin.

La CENI avait subi les foudres de toutes parts. Les altercations ayant mis à mal l’administration du Premier ministre Jean Marie Doré chargé de la transition, ce dernier a pris sur lui de rectifier le tir, de réhabiliter l’administration électorale en modifiant les règles du jeu. Son projet de modification vise précisément à associer le gouvernement à l’organisation du second tour de l’élection présidentielle, ce qui retire à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) l’exclusivité de l’organisation du scrutin. Pour lui, il importe de définir le rôle du ministère de l’Administration du territoire et des Affaires politiques (MATAP), et d’autres ministères concernés par le processus électoral, en collaboration avec la Commission électorale nationale indépendante (CENI).

Cette implication du gouvernement à travers un rôle prépondérant assigné au ministère de l’Intérieur, a suscité des réactions négatives. Le rôle de justicier de M. Doré a été mal apprécié de la classe politique dont il fut pourtant l’un des ténors avant de se voir propulsé à la tête du gouvernement de transition. Son initiative a été condamnée par l’ensemble des acteurs de la transition : le Conseil de transition en tête, la société civile, les organisations de défense des droits de l’homme ensuite et l’UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée) de Cellou Dalein Diallo. Certains ont même exigé sa démission.

Toutefois, Jean-Marie Doré est demeuré sur sa position. En dépit des multiples contestations, le chef du gouvernement de transition a cherché à rassembler les acteurs de la vie politique pour une explication de texte. Adversaires et partisans de son projet ont donc fini par se retrouver pour des explications directes. Suite à un accord, les participants ont envisagé de mettre sur pied une commission d’adaptation des textes. Ainsi, la Guinée semble à nouveau s’acheminer vers « des élections où chacun connaîtra exactement le rôle qu’il aura à jouer : la CENI, le MATAP et les autres ministères, en synergie », selon les propos mêmes du Premier ministre guinéen. Il reste à présent aux acteurs politiques guinéens à cheminer de manière plus sereine vers la véritable sortie de crise par l’organisation réussie du second tour de l’élection présidentielle.

Simple briefing ou encouragements, le séjour à Ouagadougou de l’actuel numéro un guinéen permettra à ce dernier de faire d’une pierre deux coups. D’abord, le général Konaté pourra faire sa part de compassion suite au deuil qui frappe son ancien compagnon Dadis Camara. Ensuite, il saisira l’opportunité du séjour à Ouagadougou pour opérer les derniers réglages du processus en cours avec la médiation burkinabè. Plus on tend vers le second tour, plus la médiation joue un rôle actif en Guinée. Le premier tour de l’élection présidentielle, faut-il en convenir, a été empreint d’une certaine discrétion de la part de la médiation.

Le second tour qui est prévu pour le 19 septembre 2010, soit près de trois mois après le premier tour du 27 juin dernier, promet d’être fort animé. Il va falloir donc mettre les bouchées doubles. Pour les partisans de Cellou Dalein Diallo, arrivé en tête du premier tour avec 43,69% des suffrages, il s’agira de respecter le calendrier électoral pour rester dans la dynamique du premier tour. Arithmétiquement, le candidat Diallo fait figure de favori. Le leader de l’UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée) pourra aussi compter sur les soutiens de Sidya Touré, qui a totalisé plus de 13% des suffrages, et de plusieurs autres candidats.

Chef du parti du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG), Alpha Condé qui n’a totalisé que 18,25% à l’issue du scrutin du 27 juin dernier, espère que le temps jouera en sa faveur. Il bénéficie d’un soutien de poids : celui de Lansana Kouyaté, leader du PEDN (Parti de l’espoir pour le développement national). Alpha Condé se dit sûr de sa victoire, étant donné le taux d’abstention et les votes annulés du premier tour. En tout cas, le général Sekouba Konaté, lui, peut se flatter de la bonne compréhension et de l’estime de la communauté internationale. Lui qui a reçu mercredi des mains de l’ambassadrice américaine en poste à Conakry, Patricia Moller, son passeport diplomatique frappé d’un visa d’un an et une invitation à se rendre aux Etats-Unis à sa convenance. Qui dit mieux ?


par Le Pays

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