Défaite du RPG à Conakry: c’est bon pour la démocratie !

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Un mois après la tenue des élections législatives en Guinée, la configuration de la prochaine assemblée nationale guinéenne commence à se dessiner. La CENI, qui était attendue au tournant, a laborieusement bouclé la compilation du décompte des voix et a proclamé les résultats provisoires qui donnent une courte avance au parti au pouvoir, avec 53 sièges sur 114.

Le RPG a donc nécessairement besoin de ses alliés pour avoir la majorité absolue qui est de 58 sièges. Le cas guinéen vient confirmer une fois de plus que, généralement, les capitales africaines, avec la forte concentration de l’élite intellectuelle, sont le fief et le terreau fertile où l’opposition a le plus de chances de s’implanter. Quand on connaît toutes les récriminations qui ont entouré ces résultats (beaucoup d’acteurs s’accordent à dénoncer les fraudes qui ont émaillé et entaché le scrutin), il faut tirer son chapeau à l’opposition guinéenne pour le score réalisé et la patience et la retenue dont elle a fait preuve jusque-là. Même si elle continue à rejeter ces résultats, en attendant que la Cour suprême, à qui le témoin a été passé, valide définitivement les résultats.

Mais d’ores et déjà, le fait notable de ces législatives, est le basculement de la capitale Conakry dans l’escarcelle de l’opposition. En effet, selon toute vraisemblance, le très attendu décompte de la commune de Matoto, la plus grande circonscription du pays et enjeu majeur pour les candidats, aura finalement vu plus de la moitié de ses sièges échoir aux candidats de l’opposition. L’enseignement majeur que l’on peut tirer de ces élections est que l’opposition guinéenne aura fait preuve de maturité dans sa ténacité. Cela est à saluer parce que, face aux nombreux recours et aux gorges chaudes que la lenteur de la CENI avait provoquées, on avait craint, à un moment donné, le pire pour la Guinée. Et puis, le cas guinéen vient confirmer une fois de plus que, généralement, les capitales africaines, avec la forte concentration de l’élite intellectuelle, sont le fief et le terreau fertile où l’opposition a le plus de chances de s’implanter. En cela, cette prise de Conakry par l’opposition guinéenne n’est pas une surprise en soi. Cela est plutôt le témoignage de la crédibilité des résultats qui reflètent la réalité des urnes. Cette victoire est à l’honneur de la classe politique guinéenne dans son ensemble : principalement l’opposition qui aura fait preuve de ténacité et de pugnacité.

La question que l’on se pose est celle de savoir ce que saura faire l’opposition de sa victoire à Conakry

Secondairement, le parti au pouvoir qui aura montré des signes de fair-play même si on est porté à croire que c’est la réaction de l’opposition qui l’y a plus contraint. Mais la question que l’on se pose est celle de savoir ce que saura faire l’opposition de sa victoire à Conakry et de son score qui est en passe de mettre le RPG en ballotage. Déjà que ses rangs se lézardent en fonction des résultats engrangés par les uns et les autres, l’on ne serait pas surpris qu’avec les marchandages immanquables qui risquent de survenir, on assiste à des tentatives de débauchage par le parti au pouvoir, qui vont consacrer le nomadisme politique dans ce pays comme c’est le cas ailleurs en Afrique. Cela serait simplement déplorable pour la démocratie guinéenne.

A l’heure où tous les regards sont tournés vers la Cour suprême qui devrait proclamer les résultats définitifs d’ici le 11 novembre au plus tard, après avoir vidé tout le contentieux électoral, il faut espérer que le climat d’apaisement dans lequel s’est passé le scrutin, soit préservé dans l’intérêt supérieur de la nation guinéenne. Finalement, même si Alpha Condé sort gagnant de ces législatives, il ne sera pas pour autant sorti de l’auberge. Il risque d’avoir le sommeil bien troublé, contraint qu’il sera à une certaine cohabitation avec l’opposition. Mais cela est bon pour la démocratie. Il faut seulement espérer que l’opposition saura rester unie pour jouer à fond son rôle de contre-pouvoir, et permettre à d’autres oppositions sur le continent de s’inspirer du modèle guinéen. Par ailleurs, cette victoire de l’opposition guinéenne dans la capitale est aussi un appel et un défi aux oppositions africaines à mieux quadriller le terrain si elles veulent se donner de meilleures chances de renverser la tendance par la voix des urnes. Sociologiquement, les oppositions gagnent généralement dans les capitales parce que les élites intellectuelles qui y sont concentrées font que les citoyens ne sont pas facilement manipulables. Aussi, il est impérieux pour elles de cesser d’être des oppositions urbaines et de travailler à mieux s’implanter sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, elles gagneraient à entrer dans les processus techniques des élections, du début à la fin, pour se mettre à l’abri de fraudes en amont et en aval, dont ne se privent généralement pas les partis au pouvoir quand ils en ont l’occasion. Cela permettrait de mieux équilibrer les débats. Cela dit, ces résultats sonnent comme un avertissement pour Condé qui, à mi-mandat, doit constater courageusement que les réformes qu’il a engagées, tardent à porter leurs fruits et à lui valoir la pleine confiance de ses compatriotes. Il devrait « faire contre mauvaise fortune bon cœur », et voir dans ces résultats un stimulant pour améliorer sa gouvernance, surtout s’il veut se porter candidat à sa propre succession et se donner des chances de rempiler.   

Outélé KEITA

Source: Le Pays

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