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Législatives guinéennes: en attente du coup suprême ?

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Après la mascarade électorale du 28 septembre 2013 et la proclamation hors délais de résultats contestables et contestées, les responsables des partis politiques attendent bêtement le verdict de la Cour Suprême.

Singulière Guinée où tout mot, même  de portée universelle, revêt un sens particulier. Partout ailleurs l’adjectif « suprême » qualifie ce qui est au-dessus de tout et qui, de ce fait, sert de référence.  Par exemple, aux USA, la Cour Suprême étant l’organe juridictionnel le plus élevé, son indépendance est reconnue même par ceux qui en contestent  les arrêts. Dans l’ex URSS, le Soviet Suprême qui faisait office de Parlement jouissait d’un prestige certain même si sa représentativité était discutable.

En Guinée, la pyramide de valeurs étant inversée, la Cour Suprême n’est pas au-dessus mais en dessous de tout. Dès lors, comment voulez-vous qu’elle dise le droit ? Elle dira ce que M. Alpha Condé, l’actuel « guide suprême » voudra bien qu’elle dise. Ceux qui s’attendent à un miracle le 11 novembre 2013 n’auront même pas droit à un spectacle, à moins d’être dans une contrée où se commémore l’armistice de 1918.

Les résultats déjà annoncés seront confirmés, peut-être avec une légère modification pour afficher un semblant d’indépendance de la Cour. Une adaptation mineure et minable. Un tordu ne peut dire le droit. Tous les partis politiques, y compris – comble de l’ironie – le RPG, ont déposé des recours à la Cour Suprême, faisant de ce « machin » un véritable dépotoir.

En organisant son « vote du 28 septembre », le « Pr. » Alpha a voulu faire passer un message en plusieurs points. Pour lui :

1°) la transition est arrivée enfin à son terme.

Après « le Président démocratiquement élu » de 2010, nous avons maintenant « l’Assemblée Nationale démocratiquement constituée » de 2013. La Guinée est maintenant un Etat où la démocratie est bien enracinée.

2°) les investisseurs étrangers peuvent venir.

Si la Guinée n’a pas décollé économiquement, c’est parce que les investisseurs se méfient d’une transition pleine d’incertitudes. En matière de développement elle va rattraper le Danemark.

3°) le RPG est la première force politique du pays.

Le parti présidentiel n’a pas la majorité absolue des députés, ce qui prouve bien l’absence de fraude, mais la mouvance présidentielle aura cette majorité par le jeu des alliances avec d’autres formations politiques. Donc la stabilité du régime est assurée.

4°) en tant que Président de la République, il dispose d’au moins 52% de l’électorat national.

Ce pourcentage étant le même que celui qui l’avait porté au pouvoir, il avait donc gagné à la loyale la présidentielle de 2010.

Face à cette stratégie du « Pr. » Alpha, que veulent et que valent ses « élèves » de l’opposition ?

Difficile de savoir vraiment ce que veut l’opposition. D’ailleurs, le sait-elle elle-même ? En revanche, elle a la certitude de ce qu’elle vaut : un limiteur de dégâts. C’est à croire que pour elle, l’essentiel était de participer et non de gagner. Cette stratégie risque de lui être fatale.

Bien entendu, il y a eu une fraude massive car tout porte à croire que l’opposition est nettement majoritaire sur l’ensemble du territoire. C’est elle qui s’est sabordée en laissant, par passivité et cécité, le pouvoir créer et améliorer les conditions de la fraude : maintien de l’opérateur sud-africain Waymark allié à Sabari, noyautage de la CENI par le pouvoir, tripatouillage du fichier électoral, etc.

Le score législatif ne reflète pas le poids électoral de l’opposition mais l’image de ses dirigeants. Lorsque vous acceptez d’être perçu par votre adversaire comme un faiblard, il vous perce directement ou vous transperce indirectement en vous infiltrant.

Dans ces conditions, je repose la récurrente question de savoir ce que devrait faire l’opposition. Deux points me viennent à l’esprit :

1°) l’opposition devrait tenir compte de la nature du régime en place.

En Guinée nous ne sommes pas dans un régime parlementaire. Même avec une majorité de députés, l’opposition ne peut chasser AC du pouvoir. Mais elle pourrait certainement mettre fin à sa dictature en le confinant à ses prérogatives constitutionnelles. Dans la nomenclature des régimes politiques, celui de la Guinée peut être qualifié de présidentiel mais il s’agit d’un abus de langage. En pratique il s’agit d’un système « condémentiel », unique en son genre : le chef de l’Etat est président d’un parti politique ; ses décrets discutables ne sont jamais discutés ; il signe des contrats pour uniquement récupérer des commissions ; il est plus intéressé par les ressources du pays que par le sort de ses habitants ; il donne la primauté à l’appartenance ethnique plus qu’à la compétence, etc.

2°) l’opposition devrait demander l’annulation pure et simple d’un scrutin entaché de fraude massive.

Encore faut-il sortir de l’ambiguïté. On ne peut pas demander en même temps l’annulation d’un scrutin et la modification de ses résultats. Si la Cour Suprême concluait à la victoire de l’opposition, celle-ci demanderait-elle une annulation?

Le Dr Oussou Fofana de l’UFDG, évoquant les résultats électoraux, vient de faire cette déclaration qui reflète bien la qualité de ses pairs de l’opposition : « ….le minimum qu’on pouvait avoir, c’est une quarantaine de députés ». De quoi se plaint-il puisque son parti, crédité de 37 députés, a obtenu la quarantaine ? Même AC, qui sait que « quarantaine » n’est pas synonyme de « quarante », serait capable d’accorder à l’UFDG les 3 députés supplémentaires, en sacrifiant les moins zélés de sa mouvance,  pour permettre à ce parti d’atteindre son objectif. Certains politiciens mériteraient bien d’être mis en quarantaine !

Quoi qu’il en soit, la future Assemblée, telle qu’elle se dessine, ne sera pas qu’une simple chambre d’enregistrement permettant d’habiller les décrets d’AC en lois. Elle risque surtout d’être un centre d’empoignades où l’opposition va s’autodétruire.

Avec ces législatives l’opposition va encore nous administrer la preuve de sa capacité à avaler des couleuvres. Résistera-t-elle au coup suprême qu’AC s’apprête à lui asséner ou assimilera-t-elle le cours magistral que ce « Prof » continue à dispenser? Notre opposition est toujours en retard d’un train et même lorsqu’elle veut s’embarquer, elle se trompe de quai.

Il a toujours été demandé à cette opposition d’être ferme face à Alpha Condé. Elle reste fermée comme le prouve sa décision irresponsable de sursoir à toute manifestation pour faire valoir ses droits avant même de connaître la décision finale de la Cour Suprême. Elle vient, une fois de plus, de capituler avant le début du combat.

Pour terminer un portail entrebâillé sur le web m’a permis de redécouvrir 3 personnalités imposantes : une dame en pagne, un homme en uniforme et un religieux en robe.

D’abord, honneur à la dame : Rabiatou Serah Diallo.  

Avec la fébrilité de la campagne des législatives du 28 septembre 2013 et la cacophonie post-électorale qui nous tympanise, beaucoup ont oublié l’existence d’un machin qui fait office d’Assemblée Nationale : le CNT (Conseil National de Transition). Sa présidente Rabiatou qui ne porte pas le voile vient de se dévoiler en défendant le bilan de son institution dont les jours semblent comptés. En fait, elle veut une indemnité de départ. Est-ce moral d’accompagner financièrement une personne dont le silence coupable a favorisé l’installation de la dictature ?

Ensuite, le cas du Général Lamine Cissé considéré comme le « père de la réforme du secteur de sécurité en Guinée ». Dans le cadre de l’élaboration de la Politique Nationale de Défense et de Sécurité (PNDS), il aurait déclaré le 21 octobre 2013 à Coléah que « …le poumon intellectuel d’un pays se trouve en général dans son capital. » Je n’ai rien compris à ce verbiage mais je reste persuadé que ce Général joue un rôle nocif dans la restructuration ethnique des forces de défense et de sécurité par le régime d’AC.

Enfin, l’archevêque Vincent Coulibaly qui vient de montrer un aspect peu chrétien de sa liturgie discriminatoire. Même s’il ne buvait que du vin et du sang, l’archevêque Vincent ne pouvait ignorer les atrocités couvertes par AC. Ses propos actuels ne sont qu’hypocrites. Croit-il que Jésus aurait approuvé un « hypo christ » qui prie « au nom des Pourris, des faux culs et des sans-gêne »?

 

Je vous salue.

Ibrahima Kylé DIALLO

Responsable du site « www.guineeweb.net »

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