Entre Simandou et Guinée maritime, les défis d’Abdoulaye Magassouba

Abdoulaye magassouba mmg

Dans l'Est, l'exploitation des immenses réserves de fer tarde à démarrer. Dans l'Ouest, en revanche, la bauxite attire les investisseurs. Pour le nouveau ministre guinéen des Mines, ces dossiers sont prioritaires. Dans un pays qui tire 80 % de ses recettes publiques de son sous-sol, le ministère des Mines et de la Géologie est un poste sensible. Comme à son habitude, le pouvoir guinéen a donc nommé, en janvier 2016, un fidèle à sa tête.

 Il s’agit d’Abdoulaye Magassouba, 39 ans, qui conseillait depuis 2013 le président, Alpha Condé, sur les principaux dossiers miniers : le mont Simandou, qui recèle la plus importante réserve de fer au monde, mais aussi la filière bauxite-aluminium ainsi que tous les projets d’infrastructures logistiques.

À Mining Indaba, la grande conférence africaine qui a rassemblé au Cap, du 8 au 11 février, les professionnels du secteur, le nouveau ministre affichait sa sérénité malgré la conjoncture morose : « Les marchés sont cycliques, nous sommes en bas de la courbe des prix des minerais, mais tous les observateurs rationnels savent qu’elle va inéluctablement remonter, nous a-t-il affirmé.La crise peut être vue comme l’occasion de développer des projets miniers à un coût très faible, compte tenu de la baisse du prix des intrants – notamment énergétiques -, des équipements et des services paraminiers. »

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Formé en finance au Maroc, Magassouba a d’abord fait ses classes au sein du cabinet d’audit KPMG à Conakry, avant de s’intéresser à la politique. Sympathisant du parti de l’ancien Premier ministre François Lonsény Fall, il était parmi les manifestants du stade du 28-Septembre, en 2009, sous la junte de Moussa Dadis Camara, lorsque des militaires ont tiré sur la foule, faisant au moins 157 victimes. « Cela a été un événement déclencheur de mon envie de m’impliquer dans les affaires publiques », raconte le ministre, qui dit avoir œuvré au ralliement de Fall à Condé.

Pourvu d’une bourse Fulbright, octroyée par les États-Unis aux jeunes professionnels prometteurs, Abdoulaye Magassouba est parti en 2011 étoffer sa formation avec un master en développement économique au Williams College, dans le Massachusetts. À son retour à Conakry, il fonde son propre cabinet de conseil – effectuant notamment des missions pour la Banque mondiale sur les questions de santé -, tout en gardant du temps pour appuyer le gouvernement sur des questions économiques, avant de rejoindre le cabinet d’Alpha Condé à la demande de ce dernier.

Au sein du gouvernement, il sait qu’il bénéficiera du soutien sans réserve du Premier ministre, Mamady Youla, lui-même ancien directeur général de Guinea Alumina Corporation (GAC, une société détenue par Emirates Global Alumina). « Mamady Youla connaît très bien les défis du secteur minier, il garde un œil averti sur GAC, mais aussi sur Alufer [un autre projet dans la bauxite] et le mont Simandou. Il comprend la situation économique des investisseurs, mais ces derniers ne peuvent pas lui raconter d’histoires », se félicite le ministre.

Il souhaite tourner définitivement la page des affaires de mauvaise gouvernance qui ont défrayé la chronique ces cinq dernières années. Et notamment celles concernant les licences du mont Simandou obtenues à la fin du régime de Lansana Conté par BSGR, le groupe du très controversé Beny Steinmetz, accusé de malversations par l’actuel gouvernement.

Exploitation des ressources

Mais la gestion des quatre gisements du Simandou, montagne de fer située à 800 km de Conakry, dans l’est du pays, reste le dossier prioritaire – et le caillou dans la chaussure – du nouveau ministre. Arguant de la chute drastique des cours du fer (de 39 % en 2015), le consortium chargé du projet Simandou Sud (Rio Tinto, Chinalco et la Société financière internationale) a obtenu de la Guinée, fin novembre 2015, la révision du planning de développement de la mine et des infrastructures. Même si, pour Magassouba, « ce report ne concerne que les études de faisabilité bancaire et pas le calendrier général du projet, validé en 2013 », les connaisseurs du dossier savent que la date d’entrée en production, initialement annoncée pour 2018, ne sera pas tenue. Le ministre ne se risque d’ailleurs pas à donner une nouvelle échéance.

« Rio Tinto va jouer la montre une fois de plus, estime le dirigeant d’un groupe concurrent. Et on le comprend : investir maintenant plus de 10 milliards de dollars [plus de 9,2 milliards d’euros] dans des infrastructures de transport du minerai, ce serait suicidaire dans un marché du fer en pleine déconfiture. » Surtout en l’absence des volumes provenant des gisements repris à BSGR et à son allié brésilien Vale. Le ministère des Mines, qui préparait avec ses avocats le lancement d’un nouvel appel d’offres, prévu en 2015, pour les réattribuer, a d’ailleurs préféré le reporter à 2016, voire à 2017, du fait de l’épidémie d’Ebola et de la conjoncture défavorable.

« Pour les grands projets, nous ne voulons pas être soumis à la dictature de l’urgence, se défend Abdoulaye Magassouba. Nous avons les meilleurs gisements du monde, ils ne vont pas s’envoler ! Nous cherchons des partenaires stratégiques de long terme, expérimentés et financièrement solides. »

Valeur sûre

Reste que les trois géants du fer – qui correspondent le mieux à ce profil – ne se bousculent pas au portillon : Rio Tinto n’a aucune intention d’étendre son périmètre d’activité sur le mont Simandou ; Vale, échaudé par son association malheureuse avec BSGR, préfère se recentrer sur le Brésil ; quant à BHP Billiton, il juge le continent africain trop risqué pour lui…

Pour se consoler, le ministre peut toutefois compter sur la bauxite, dont la Guinée détient les plus importantes réserves mondiales. La filière est l’une des rares à attirer encore des investisseurs, du fait de la hausse des importations chinoises. Les nouveaux projets de groupes émiratis (EGA), chinois (Henan International Mining et China Power Investment), russe (Rusal) et français (Alliance minière responsable) témoignent de cette attractivité de la bauxite en Guinée maritime. Faute d’un démarrage effectif de l’exploitation du mont Simandou, cette zone demeure la région minière phare du pays dont Abdoulaye Magassouba doit piloter le développement.

 

Christophe Le Bec

Source: jeune afrique

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