Guinée: le difficile compromis politique

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En Guinée, le champ politique n’est jamais un long fleuve tranquille. Entre les détenteurs du pouvoir et ceux qui aspirent à le leur ravir, les relations ne sont jamais simples. L’actuel détenteur du pouvoir suprême, le président Alpha Condé, élu en 2010 a, en effet, fort à faire avec les autres acteurs politiques et notamment, Cellou Dalein Diallo qui fait office de chef de file de l’opposition.

Entre le locataire du palais de Sékhoutoureya et l’opposition, c’est le bras de fer constant. L'opposition exige une inversion du calendrier électoral, avec dans un premier temps la tenue des élections communales, avant le scrutin présidentiel, dont le premier tour a été fixé au 11 octobre prochain. Concrètement, les opposants soupçonnent le régime de Condé de vouloir utiliser les exécutifs communaux désignés par lui- il n’y a pas eu d’élections locales depuis 2005- pour orchestrer des fraudes massives. Du côté du pouvoir, il est hors de question d’accéder à cette demande. Du reste, le pouvoir guinéen dément catégoriquement toute intention perfide. Pour Alpha Condé, les délégations spéciales désignées par ses soins ne joueront « aucun rôle » dans la présidentielle.

Depuis de longues semaines, on assiste à un véritable dialogue de sourds entre Alpha Condé et ses opposants. Dans un camp comme dans l’autre, on affirme toutefois être disposé au dialogue. Mais jusqu’ici, aucun accord n’a été trouvé. Même la rencontre au sommet entre Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo du 20 mai dernier n’offre aucun gage d’une réelle décrispation. Bien au contraire, dans les deux camps, on s’invective à l’envie. Par ailleurs, l’opposition qui a choisi les manifestations de rue comme mode d’expression pour infléchir la position du gouvernement maintient la pression. De son côté, le pouvoir n’hésite pas à faire régner, parfois brutalement, l’ordre dans le pays. Et depuis, les Guinéens retiennent leur souffle, sans savoir de quoi demain sera fait. L’inquiétude est même à son paroxysme. Il y a quelques jours l'imam ratib et l'archevêque de Conakry, les deux principaux chefs religieux du pays ont déclaré ensemble que « les responsables de la mouvance présidentielle et de l'opposition ne se considèrent plus comme des frères, mais comme des ennemis ».

D’où viendra la lumière ? Nul ne peut le dire pour l’instant. La situation politique de la Guinée s’est même complexifiée, il y a quelques semaines, avec l’annonce de la candidature de l’ex-chef de la junte Moussa Dadis Camara. Les Guinéens ont encore à l’esprit la répression sanglante du 28 septembre 2009 au cours de laquelle, plusieurs dizaines de personnes avaient perdu la vie. C’est à la suite de ces évènements malheureux que Dadis Camara avait quitté le pouvoir. Mais l’ancien chef de la junte reste populaire dans certaines zones du pays, notamment en Guinée forestière. Mais, s’il a toujours été ménagé par le régime de Condé, plusieurs personnes réclament qu’il rende gorge de sa gestion du pays et surtout de sa responsabilité dans les événements du 28 septembre. Le retour de l’ex-chef de la junte dans le jeu politique est un motif supplémentaire d’incertitudes.

Pour autant, ni la candidature annoncée de Moussa Dadis Camara à la présidentielle, ni l’entêtement de l’opposition à voir le calendrier électoral inversé, ne semblent empêcher Alpha Condé de dormir. Le président guinéen, à maintes reprises, a même laissé entendre que celui qui l’empêchera de réussir n’est pas encore né. Pas moins ! Pour lui, « Gouvernement et opposition ont signé en juillet 2013 un accord concernant les élections législatives et la présidentielle. Nulle part, il n'y est question des communales ». On ne devrait s’en tenir qu’à cet accord. Mais à quelques mois de la présidentielle, les tensions entre majorité et opposition qui se sont ravivées, ne changent-elles pas la donne ? Du reste, en 2013 avant les législatives, les deux camps s'étaient violemment affrontés laissant une soixantaine de morts sur le carreau avant de finir par s'entendre sur le recensement des électeurs. Les Guinéens s’accrochent à cet espoir que leur classe politique, une fois de plus, finisse par entendre raison. Mais, ce n’est pas gagné…

Simon Pierre ETOUNDI

Source: Camerou-Tribune

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