Guinée Conakry: un nouveau départ de feu

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En Guinée Conakry, les élections législatives n’auront plus lieu le 12 mai 2013. Par décret pris le 13 avril dernier, le chef de l’Etat, Alpha Condé, les a repoussées au 30 juin prochain. Comme il fallait s’y attendre, l’opposition est sortie de ses gonds, le lendemain 14 avril, pour dénoncer « un déni de démocratie ».

Les législatives continuent donc de constituer une pomme de discorde nationale. Pouvoir et opposition n’arrivent pas à s’accorder sur des points comme l’opérateur technique chargé du fichier, le caractère libre et transparent du scrutin, le vote des Guinéens de l’étranger, etc. Les périodes d’accalmie se succèdent à celles de tension qui mettent parfois à mal la paix et la cohésion sociales. La nouvelle surchauffe provoquée par la nouvelle date a précédé une période de détente marquée par un début de dialogue entre les protagonistes. Un dialogue au cours duquel on pensait que le contentieux allait être vidé une bonne fois pour toutes. Malheureusement, c’est mal connaître la méfiance entre le pouvoir et l’opposition, la passion et le radicalisme suscités par le sujet des législatives.

En la matière, il suffit d’un rien pour remettre en cause des acquis, des concessions laborieusement obtenues. Avec la nouvelle date que l’opposition estime avoir été unilatéralement fixée par le pouvoir, le fil du dialogue que l’on avait réussi tant bien que mal à nouer est (définitivement ?) rompu. Et ce, malgré l’assurance donnée par le porte-parole du gouvernement, Albert Damatang Camara, sur le maintien dudit dialogue. Pour marquer son désaccord, l’opposition compte réinvestir à nouveau la rue, son espace de prédilection, pour exiger des élections « libres et transparentes ». Le jeudi 18 avril prochain, elle compte se faire entendre à travers des marches qu’elle veut pacifiques et des meetings. Il suffit que le pouvoir lui interdise de battre le macadam pour que l’on assiste encore à des violences, des scènes de course-poursuite entre manifestants et agents des forces de l’ordre. Comme toujours dans ces situations, les biens publics et/ou privés en pâtissent. Des pertes en vies humaines, des blessés sont souvent aussi enregistrées.

Si rien n’est fait dans le sens de la recherche d’un compromis, on assistera inévitablement à un nouveau départ de feu. Qui acceptera mettre suffisamment de l’eau dans son vin dans l’intérêt de la Guinée ? Pour le moment, on n’en voit pas. Pense-t-on un seul instant, par exemple, que le pouvoir va repousser la nouvelle date afin d’en fixer une autre plus consensuelle ? Pas sûr, parce qu’en arrêtant la date du 30 juin, Alpha Condé semble exprimer son dépit face à une opposition qu’il trouve radicale, pas prête pour les élections et qui passe le temps à multiplier les obstacles, à demander l’impossible. Exaspéré sans doute, il a décidé de prendre ses responsabilités pour que ces élections tant attendues puissent enfin être organisées. Quant à l’opposition, on la voit difficilement accepter la nouvelle date arrêtée par un pouvoir qu’il qualifie de dictatorial. Comme un seul homme, elle se dresse contre le pouvoir soupçonné de préparer des fraudes à travers des actes comme le « choix unilatéral » de l’opérateur sud-africain Way Mark.

Tous contre le fraudeur, semble être le mot d’ordre de l’opposition. C’est dire que les positions sont tranchées, la méfiance grande pour que l’on puisse entrevoir une sortie de crise pacifique. L’espoir reposait sur le dialogue laborieusement entrepris avant que tout soit remis en cause par la nouvelle poussée d’adrénaline. Il ne reste plus qu’à prier pour que la sagesse visite la classe politique guinéenne afin qu’elle sache raison garder.


Séni DABO

Source: Le Pays

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