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JT, alias Malick Condé, jeune frère d'Alpha Condé est mort

HOMMAGE

« ..Intellectuels africains, intégrons-nous aux masses populaires, apprenons en leur sein.. ».

C’était le catéchisme de la FEANF que tout néophyte devait « parcoeuriser » avant toute prise de parole. Je ne sais plus à quelle dernière occasion mon cher JT tu m’as chahuté avec ce sésame devenu rappel à l’ordre quand mes analyses te semblaient sortir de la ligne du « Parti ».

Naturellement ceux qui ne savent pas la longévité de notre compagnonnage, voire notre amitié, pensent au RPG dont je n’étais pas membre. Jamais je ne le fus. Mais j’ai même des frères et des neveux qui n’en démordent toujours pas. Ne parlons même pas des rumeurs. Je suis membre du RPG !

JT, les souvenirs se bousculent.

D’ailleurs d’où vient ce sobriquet, JT ? Jeune Turc. C’était après quelque débat houleux à la FEANF, au tournant des années soixante, où les deux Alpha, Sow et Condé, et autres ténors sénégalais, béninois, congolais, etc., se relayaient pour nous mettre plein la vue, en faisant le tour de la planète où les guerres de la  Tricontinentale avaient maille à partir avec « l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme » (Lénine). Rien que pour nous expliquer qu’il fallait bouter dehors, les futurs putschistes suscités par Foccart et la déjà Françafrique. Alors les grandes orgues de la FEANF, brassaient les bambous du Mékong au Vietnam et de Tsé Chouan en Chine. Les murailles lépreuses de La Porte Dorée ou de Lucien Paille où la Négraille anti-impérialiste avait colonisé quelques locaux, étaient soulevées par les mélodies liquides des gamelans de l’Extrême Orient, qui nous rappelaient les douceurs des xylophones lobis du pays des hommes intègres qui donnera plus tard un Sankara.

Donc les géniteurs idéologiques de ce dernier, thuriféraires de Moumié, Ouandié, Ossendé Afana, Cabral, ces derniers nettoyés par la Françafrique, nous séduisaient et nous endormaient jusqu’à ce qu’on ce qu’on se rende compte qu’on venait d’avoir presque à notre insu, un nouveau président de la FEANF, « démocratiquement élu », avec un score coréen ! Justement en ce temps là, Kim Il Sung était fréquentable. Staline était toujours le Petit père des peuples et la dictature du prolétariat n’avait pas été balayée par le fameux bulldozer communiste de je ne sais quel squat de bidonvilains qui abîmaient  le décor de l’habitat baptou, avec leurs odeurs et leurs bruits.

Pas question de faire bouger l’ordre impeccable de la photo de famille : Marx-Engels-Lénine-Staline. Trotsky ? Blasphème ! Il était une fois donc une bande de jeunes Turcs. Plato, Malick, Ahmed Tidiane  Cissé, Souleymane Koly, Sampil Saliou, votre serviteur et.. Kerfalla Yansané, qui préférait militer à Guinée foot-ball-club. Tiens ils étaient sept, comme « Les sept mercenaires". Atypiques, pour reprendre le vocable à la mode. Lequel parmi eux se hasarda donc lors d'une houleuse réunion, à lever un doigt timide pour dire au grand dam de « la belle unanimité révolutionnaire" :

Ca suffit, ce tour du monde en 80 jours. Nous aussi nous avons fait le tour des tomes du grand barbu, nous avons participé à la grande marche et franchi la muraille de Chine. Nous avons même lu les Grundrisses de Marx de 1844..

A l’évocation des fameux manuscrits de Marx, on entendit les mouches voler, eh oui, des mouches, car quand la négraille et ses odeurs, même à Paris..Coïncidence, c’est à ces moments cruciaux, qu'Alpha fait irruption dans la salle. Il avait une tactique imparable de nous faire faire un tourisme planétaire, de sortir et aller avaler un café au Chalet du Lac, et de revenir pile, au douzième round pour asséner le KO à son contradicteur. Mais là, tomber sur les manuscrits de 1844 de l’idole, c’était fort de café. Le jeune Turc poursuivit imperturbablement son propos lèse-majesté :

« Donc ici, des bords de la Seine, on affirme qu’il existe une aile gauche du PDG qui mérite notre soutien, il faut le prouver..

« Comment cela, c’est irresponsable, dit un des Grands, ils travaillent dans la clandestinité..

- Eh bien, reprit le jeune Turc, n’en parlons plus ici, dans ce brouhaha infiltré. Ou alors il faut dire les moyens d’établir une jonction avec cette prétendue aile gauche..

- De toute façon, asséna un autre Grand,  il s’agit là d’une nouvelle étape dans laquelle nous nous engageons, nous ne sommes plus des étudiants..

En effet on songeait à créer des Partis. Au seuil des années 70, la FEANF mourait de sa mort glorieuse.

Jeunes Turcs, c’était une invention d’Alpha. Et Malick en était. Il est resté atypique même dans l’appareil du RPG, pas seulement à cause des rapports privilégiés que j’entretenais avec lui. C’était, au sens noble du terme, le rabatteur du Parti. Il avait de l’entregent pour démarcher positivement par delà les ethnies, les sensibilités et défendait les causes transversales. Comme pour  Odyssée 2010, dont il était une cheville ouvrière, travaillant dans l’ombre, chaque semaine faisant signer des dizaines de Guinéens de toutes frontières politiques, ethniques ou géographique. Solidarité Guinée, cette ONG incluant des partis, syndicats et société civile français, c’est Malick. Depuis le début de notre initiative de fédérer la Diaspora, notre Conseil national des Guinéens de l’Extérieur (CNGE) en gestation dans l’ombre, Malick  me soutenait même contre des caciques qui lui sont plutôt plus particulièrement proches.

A toutes les réunions, lors des meetings, les marches, quand il voyait un cadre qui intervenait de façon pertinente, je voyais JT l’entreprendre, parfois il me disait,

« JT, il faut qu’il soit avec nous.. ».

Nous ? Je n’étais pas du RPG. Il le savait bien évidemment. Il paraît que  des caciques, de l’Arc-en-ciel, voire du RPG, astakhfirlalhi, ne voient pas d’un mauvais œil la disparition de JT. Je dis, ce serait dommage pour Alpha, ou plutôt pour le président, donc pour la Guinée, s’il laissait béant le portail laissé par la disparition de ce patriote. Il y a des prises en otage bénéfiques. Malick n’était pas un tisserand de cordon fait de mailles filées dans la médiocratie. Son cordon sanitaire à lui était salutaire pour « le président démocratiquement élu ». J’entends les ricanements :

« Doyen de quoi je me mêle ! »

Je mêle de la mémoire de JT, un ami, libéré de toute alliance, que je sache.

Wa Salam JT, ton

 JT-Sénior

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