L'opposant guinéen, Cellou Dalein Diallo, sur RFI: «Alpha Condé m'a toujours méprisé et ignoré»

En tournée aux États-Unis, Cellou Dalein Diallo, président de l'Union des forces démocratiques de Guinée répond depuis Washington aux questions de RFI. Cellou Dalein Diallo, principal adversaire politique du président Alpha Condé, avait obtenu près de 48% des voix au second tour de la présidentielle, en novembre dernier. Il fait le bilan des six mois de mandat du nouveau chef de l'État, interrogé hier par RFI.

RFI : Cellou Dalein Diallo, bonjour. Quel bilan faites-vous des six premiers mois de présidence Alpha Condé ?

Cellou Dalein Diallo : Le bilan de monsieur Alpha Condé est plutôt décevant. On ne va pas lui demander de régler les questions d’électricité en six mois, mais on peut apprécier les actes qu’il a posés. Nous avons d’abord constaté la violation fréquente de la Constitution et des lois de la République. Il a dissous les conseils communaux dont les maires n’ont pas voulu lui apporter le soutien pendant la campagne du deuxième tour et il a installé en place des délégations spéciales composées de gens à sa dévotion. C’est une violation flagrante de la loi et c’est pour permettre naturellement d’organiser la fraude électorale dont il aura besoin pour se donner une majorité au Parlement. A l’occasion de mon arrivée*, les militaires qui ont été arrêtés et qui ont été condamnés à deux ans de prison ferme, ce sont des militaires qui étaient en tenue. Ils étaient revêtus de leur uniforme, ils avaient leurs armes légères. Ils étaient là pour assurer ma sécurité. Ils ont été arrêtés et condamnés en tant que manifestants et on leur a interdit l’armée. Les 70 autres militants de l’UFDG (l'Union des forces démocratiques de Guinée) qui ont été arrêtés*, dont 7 enfants de 8 à 10 ans, ont été pour la plupart condamnés à des peines fermes et à des peines avec sursis. Et tout cela, c’était en violation, je crois, des dispositions de la Constitution qui donnent le droit aux partis politiques d’organiser des manifestations pacifiques. Ce n’était pas une manifestation revendicative. Le président Alpha Condé, chaque fois qu’il était à l’extérieur, en tant qu’opposant, à chaque fois qu’il est rentré, ses militants l’ont accueilli et l’ont conduit chez lui.

RFI : Pendant plus de quarante ans, Alpha Condé a été victime de la dictature et de l’arbitraire. Il dit qu’aujourd’hui, il ne fait qu’appliquer la loi. Pensez-vous qu’il puisse vraiment bafouer la loi ?

C.D.D : Justement, c’est là notre grande déception parce qu’il revendique 40 ans de combats pour la démocratie. Le monde est déçu parce qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce qu’Alpha Condé, qui a effectivement subi un emprisonnement, puisse se livrer à la même chose.

RFI : Sur le plan économique, l’assainissement des finances publiques, la révision du code minier, l’obligation pour le groupe minier Rio Tinto de payer une pénalité de 700 millions de dollars. Est-ce que tout cela, ce n’est pas un bon point pour Alpha Condé ?

C.D.D : L’assainissement des finances, on n’a pas encore vu. La réunification des comptes publics au niveau de la Banque centrale, c’est une décision qui a été souvent prise, mais on attend de voir par ce que c’est le comportement des comptables publics et des ordonnateurs des différents budgets qui va montrer si effectivement il y a un changement. C’est trop tôt pour se prononcer pour ça. En ce qui concerne les 700 millions de dollars de Rio Tinto, c’est une bonne chose qu’on l'ait demandée mais il s’agit de paiements anticipés d’impôts et de taxes. C’est une anticipation dans le paiement des impôts qui auraient dû être payés plus tard. C’est ça l’explication qu’on a reçue de certains experts.

RFI : Pour les législatives de novembre prochain, le président Condé dit que le fichier électoral est mal fait et qu’il faut refaire un recensement général ?

C.D.D : Oui, bien sûr. Mais là, on s’étonne parce que c’est à partir de ce fichier qu’il est élu. S’il estime que ce fichier n’est pas à même de conduire à une élection crédible et valable, alors il faut qu’il renonce à sa fonction. A ce moment-là, on reprend le recensement et on reprend l’élection présidentielle. Je pense qu’il faut qu’on respecte d’abord la Constitution parce que ce n’est pas légal, La réorganisation des élections, de tout le processus, incombe à la Commission électorale nationale indépendante (Céni). Personne ne peut se substituer à la Céni. Mais la tendance aujourd’hui du gouvernement d’Alpha Condé, c’est de se substituer à la Céni et d’organiser encore un hold up électoral.

RFI : L’an dernier, vous avez frôlé la victoire. Quel est votre objectif de ces législatives ?

C.D.D : Mon objectif, c’est de remporter la majorité de l’Assemblée.

RFI : Votre alliance avec Sidya Touré de l'Union des forces républicaines (UFR) tient toujours ?

C.D.D : Oui elle tient toujours. Ce n’est pas les mêmes termes. Notre alliance pour la présidentielle est terminée. Maintenant on est en contact, on est tous opposés par exemple à la reprise intégrale du fichier et au transfert des compétences et des prérogatives de la Céni. Maintenant, on travaille ensemble étroitement, on n’a pas encore défini clairement les termes de notre alliance mais on est en contact permanent, on travaille ensemble.

RFI : Souhaitez-vous une concertation avec le pouvoir pour préparer ces législatives ou pas ?

C.D.D : Nous l’avons demandé, mais le pouvoir ne veut pas dialoguer. On n’apprend tout par la presse. On a appris que les législatives sont en novembre. On a appris qu’ils veulent reprendre le recensement alors que ce n’est pas la compétence du gouvernement. D’ailleurs, lorsque Alpha Condé dit que ce fichier n’est pas à la disposition de la Guinée, quand même ? Ce fichier est à la disposition de la Guinée. La Céni dispose de ce fichier.

RFI : Alpha Condé dit que sa porte est ouverte, mais que c’est vous qui refusez de le rencontrer ?

C.D.D : Alpha Condé a gagné les élections. Il ne m’a pas invité à son investiture. J’ai accepté les résultats, j’ai accepté de le considérer comme le président de mon pays malgré tous les éléments qui me fondaient à contester ces résultats. Il m’a toujours méprisé et ignoré !

RFI : Quand Alpha Condé dit que vous êtes un petit-frère et qu’un jour ou l’autre, vous vous reparlerez. Comment réagissez-vous ?

C.D.D : J’espère que s’il change d’attitude, s’il me respecte comme j’ai essayé pendant longtemps de le respecter, il n’y a pas de raison qu’on ne parle pas. Mais j’ai des difficultés aujourd’hui à comprendre que Facinet Touré, qu’il a nommé médiateur de la République, en violation de la loi, organise une conférence de presse et affirme haut et fort que c’est inconcevable que les Peuls pensent au pouvoir politique, qu’ils n‘ont qu’à se contenter du pouvoir économique et que le pouvoir politique doit être partagé entre les autres communautés. Il dit que si les Peuls prennent le pouvoir politique, pour lui c’est la guerre. En conférence de presse officielle et qu'Alpha Condé, qui est le gardien de l’unité nationale, qu’il n’ait aucune réaction à l’endroit de cet homme qui est en train de détruite l’unité de la Guinée, je ne comprends pas.

RFI : Cellou Dalein Diallo, merci.

Propos recueillis par Christophe Boisbouvier

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