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La CENI, un nouveau « coup tordu » du PM

Certains sites ont apporté certains éléments explicatifs à l'affaire Louncény Camara de la CENI. Je vais essayer d'en faire une présentation – forcément subjective, mais qui est soumise à la contradiction -, et sollicite évidemment l'avis et les commentaires de celles et ceux qui pourraient compléter et/ou approfondir la réflexion, voire apporter des éléments nouveaux (notamment le PV de réunion du 21 Septembre). J'ai en effet attendu d'avoir un maximum d'informations pour ébaucher ce commentaire, notamment de ceux qui défendent cette élection.

Rappel partiel de quelques faits

La CENI est une Institution indépendante, créée par la loi organique du 29 Octobre 2007, et dont les 25 membres sont nommés par décret : 10 membres l'ont été par le pouvoir en place de l'époque (le PUP), 10 l'ont été par l'opposition, elle aussi de l'époque, 2 représentent l'Administration et 3 représentent la société civile (Ben Sékou Sylla, ancien Président de la CENI, aujourd'hui décédé et non remplacé, Maître Fodé Abass Bangoura, démissionnaire à l'issue des décisions du premier tour, non remplacé et Louncény Camara, dont l'élection est aujourd'hui controversée et contestée).

À la suite des problèmes de santé de Ben Sékou Sylla, des présidents intérimaires se sont succédé pour assumer la tâche, notamment ses vice-présidents Amadou Oury Baldé, puis la dernière en date, Aminata Mame Camara.

Sur un site plutôt favorable au PM d'ailleurs repris sur le site du RPG, il est indiqué que ce dernier a : « instruit le Matap de réunir les membres de la CENI, conformément à la loi pour élire un président ».

De quelle loi s'agit-il ? Je pensais naïvement que c'était la Présidente par intérim qui convoquait en Assemblée plénière les membres de la CENI (en vertu de l'article 14 du règlement intérieur de la CENI). Ceux qui veulent évoquer l'article 15 du même règlement qui stipule que « le Ministre de l'intérieur convoque la CENI pour l'élection de son président par bulletin secret », oublient de préciser que ce n'est que lors de « la première session ».

Le PM indique qu'il a : « pris cette initiative, et le Matap a écrit aux membres de la CENI, sous couvert de la présidente de la CENI, Mme Aminata Mame Camara ».

Il faudrait que le PM nous explique le signification de l'expression « sous couvert », car le Matap n'est pas membre de la CENI, et il n'a aucun pouvoir sur elle. On pensait que le PM l'avait compris dans des épisodes précédents. On dirait qu'il est incorrigible, si cela n'avait pas une influence sur des millions de Guinéens.

Une réunion a donc bien eu lieu le 21 Septembre pour évoquer la date du deuxième tour de l'élection présidentielle, et certains comptes-rendus indiquent que la Présidente de la CENI n'a pas souhaité discuter autre chose que de ce seul point de l'ordre du jour accepté par elle. Pour ce qui concerne l'élection d'un nouveau président de la CENI, elle a suggéré qu'on reporte l'élection au lendemain.

J'avais dit dans un autre papier, que j'imaginais mal en effet, Mme Camara, convoquer une réunion pour procéder à son propre remplacement, c'est-à-dire scier la branche sur laquelle elle est assise. Les choses sont plus claires maintenant, et on y voit une nouvelle fois la patte du PM.

La suite, tout le monde la connait, certains membres considérant représenter les 2/3 des membres de la CENI, se sont crus autorisés à tenir la réunion, et à procéder à l'élection d'un nouveau président. Certains sites se sont même précipités pour afficher le PV de l'élection, comme pour justifier du caractère démocratique de celle-ci, faisant une nouvelle fois - mais cela devient une habitude - une confusion entre la forme et le fond.

Nous allons essayer d'examiner les nombreux problèmes soulevés par cette élection, compte-tenu des textes et malgré de nombreux vides juridiques étonnants !!!

Certains articles du règlement intérieur de la CENI donnent des réponses

Pour certains membres de la CENI, l'article 49 stipule qu'« en cas de démission, de décès ou d’empêchement définitif d’un membre de la CENI, son remplacement est fait dans les mêmes conditions qui ont présidé à sa nomination ». Aussi 18/25 membres de la CENI ont procédé à une élection – comme on l'avait fait pour Ben Sékou Sylla - pour procéder au remplacement du président de la CENI, en nommant Louncény Camara.

Malgré l'ambiguïté réelle de l'expression « son remplacement » - et certains ne manquent pas d'en jouer -, cet article signifie que Ben Sékou Sylla devait être remplacé physiquement, et non pour sa fonction, qui était déjà occupée par Mme Camara. A ce jour, Ben Sékou Sylla, tout comme Maître Abass Bangoura, n'ont d'ailleurs toujours pas été remplacés. En fait, il n'existe aucun texte prévoyant le remplacement fonctionnel du Président de la CENI.

Quant à l'article 14, il indique que la Présidente (par intérim) est la première responsable de la CENI, et qu'à ce titre elle convoque et préside les réunions des assemblées plénières et celles du Bureau.

Selon certaines déclarations, Mme Camara aurait indiqué que cet ordre du jour était possible lors de la session ordinaire du lendemain. La discussion devait donc être close. Il ne tient qu'à ceux qui contestent cette affirmation de produire le PV de réunion, seul élément probant, mais il semble, au vu des éléments suivants, que cela ne changera pas grand chose.

En effet, en vertu de l'article 6 du règlement intérieur de la CENI, 17 des 25 membres de la CENI peuvent demander la tenue d'une session extraordinaire, mais en tout état de cause, même en étant très tolérant avec le formalisme, celle-ci n'aurait pu se tenir au plus tôt que le lendemain, 22 Septembre (puisque le 21 c'est une session ordinaire).

Certains membres de la CENI auraient-ils confondu le quota nécessaire à la capacité de réunir une session extraordinaire contre l'avis de la Présidente (et donc avec un ordre du jour préparé par eux), et la capacité de faire ce qu'ils veulent dès lors qu'ils représentent les 2/3 ?

C'est l'impression que les éléments à ma disposition me donnent. Sauf à changer le règlement intérieur, ce que 17 membres sur 25 peuvent faire (article 50), dans l'état actuel de celui-ci, les membres ayant procédé au vote pour un nouveau président, n'avaient pas la possibilité de le faire ce jour-là.

Il parait d'ailleurs incroyable que 17/25 membres aient une majorité pour modifier LÉGALEMENT les choses par exemple dès le 22 Septembre, mais qu'ils abusent de cette possibilité pour ne pas respecter les textes, en forçant la situation sous prétexte de majorité des 2/3 dès le 21 Septembre.

Le non respect des formes

 Comme indiqué précédemment, toute assemblée de ce genre – celle qui procède à l'élection de son président, ce qui n'est pas une décision banale - doit être prévue à l’avance. Tous les membres doivent être informés de l’ordre du jour – si possible par écrit, pour lui donner une valeur probante -, notamment pour l'élection d'un nouveau président, alors qu'il existe une présidente intérimaire. Les membres qui le désirent doivent pouvoir présenter leur candidature aux postes qui les intéressent. La Société civile (le CNOSCG et le Barreau) aurait pu présenter deux nouveaux membres et solliciter la présidence de la CENI pour l'un de ceux-ci. Ce n'est évidemment pas possible en l'absence d'informations.

Par ailleurs sur certains sites, le « PV pour l'élection du président de la CENI » est non conforme au formalisme standard classique. En effet, ce PV ne transcrit qu'un élément de la session ordinaire du 21 Septembre (et non la session proprement dite). Il manque certains éléments obligatoires et/ou pertinents, tels que :

  • la nature de la session, et notamment son caractère ordinaire ou extraordinaire,

  • la date et l'auteur de la convocation à l'Assemblée plénière,

  • l'heure de début de la session,

  • les points à l'ordre du jour,

  • les raisons pour lesquelles cette session n'est pas présidée par sa Présidente (et non la vice-présidente) par intérim,

  • les interventions de la Présidente, puisqu'elle y est indiquée comme présente, et qu'on imagine bien qu'elle a des arguments à faire valoir pour contester son éviction,

  • les raisons de son retrait de la séance, qui n'est présenté que pour justifier la nomination d'un autre président de séance,

  • la feuille des présence et non la liste des votants (on a au moins l'avantage de voir qui n'a pas participé à cette mascarade, ou qui n'a pas bénéficié de … compliments),

  • tous autres éléments permettant de comprendre le contenu un peu plus exhaustif de la session.

On comprend au vu de ce qui précède pourquoi ces éléments manquent. Comme d'habitude, on ne nous montre qu'une facette des évènements pour justifier auprès du public sa bonne foi, laissant dans l'ombre le plus important. Il est vrai aussi qu'avec une justice aux ordres, on peut finir par transformer – au moins provisoirement – des décisions illégales, en procédures « démocratiques ».

Des éléments troublants

Il y a par ailleurs des choses qui me gênent, n'ayant pas la preuve de ce que des rumeurs sous-entendent. Par définition, je ne prêterai donc pas foi à celles-ci, mais je remarque que :

 

  • le nombre exact de « putschistes » (17) correspond exactement à celui qui est nécessaire pour agir, même si je me répète, cela ne permettait pas l'élection d'un nouveau président dans les conditions évoquées. Il n'y a pas eu pas la moitié, 15 ou 16, mais 17 ou 18, c'est-à-dire la majorité nécessaire à la possibilité de modifier pas mal de choses, bref une belle coïncidence, d'autant que le RPG n'avait pas arrêté de vilipender le PUP, à travers la Présidente de la CENI notamment, mais ces critiques continues ont subitement disparu depuis le 21 Septembre ;

  • le fait qu'une candidature ait été proposée, dénote des discussions préalables concertées ;

  • si Louncény Camara était en charge des finances de la CENI, il lui faut donc un quitus de sa gestion, avant de se voir confier éventuellement la présidence de la même structure : on ne peut être juge et partie ;

  • la présence de Cheick Fantamady Condé, qui fut membre du gouvernement, entraine sa démission de plein droit, en vertu de l'article 9 de la loi organique précitée, qui exclut les incompatibilités entre les fonctions de membre de la CENI avec une autre fonction publique. Il a pourtant assisté aux plénières de la CENI !!! et il a opportunément « oublié » de voter le PV de l'élection du 21 Septembre. A t-il eu peur que ce fait puisse invalider l'élection ? En tous cas, il est d'une lucidité incroyable !!! en oubliant que les décisions de l'assemblée plénière ne peuvent de toutes façons être validées en sa présence.

  • il faut vérifier également la présence de l'ex président par intérim Amadou Oury Baldé, qui avait été remplacé par Mme Camara, pour cumul avec d'autres fonctions à la Fossepel. Si ce cumul est également incompatible (article 9), il deviendrait démissionnaire de plein droit également, avec les mêmes conséquences que précédemment, ne pouvant ni participer aux assemblées plénières, ni voter (il fait pourtant partie des 17 qui ont voté).

Il ressort de cette confusion (entretenue ?), que le respect des formalités n'a donc pas été respecté : convocation écrite non conforme, ordre du jour décidé par le Matap, présence obligatoire des 25 membres (article 5) non respectée, présence de membres démissionnaires...

On comprend mieux avec le recul, l'empressement du PM - à travers son Ministre de l'information -, à présenter ce nouveau président de la CENI, ainsi que le fait que le RPG - qui ne trouve rien à redire à cette élection - essaie de forcer son destin. Cela consiste à présenter - avec la complicité du gouvernement - le nouvel « usurpateur » comme le président de la CENI, à lui faire rencontrer les corps constitués pour ancrer dans l'esprit des gens, que changement il y a eu, et accessoirement, de délivrer sur certains sites certains documents, censés justifier ce coup de force pourtant présenté comme démocratique. C'est une malhonnêteté intellectuelle de plus (qu'on se rappelle l'affaire Boubacar Diallo au tribunal de Dixinn), car le PM use de subterfuges et manie les « coups tordus », alors que les textes auraient permis au RPG par exemple, d'obtenir satisfaction le plus légalement du monde. Mais quand on veut forcer la situation, tous les moyens illicites sont bons.

Que faut-il faire pour la CENI …

Comme je le disais, il n'y a pas de fatalité à toujours faire les choses sournoisement et en dehors de la légalité (une seconde nature ?), alors que des solutions qui peuvent satisfaire le plus grand nombre existent.

Dans un premier temps, il paraissait opportun de nommer les personnes manquantes à la CENI, pour compléter à 25 (même si en temps normal, ce n'est pas une obligation). J'ai toujours dit qu'on ne change pas les règles entre les deux tours, ni les hommes en l'absence d'infraction. Malheureusement, certains membres de la CENI qui sont responsables des élections et du respect de la loi électorale viennent de violer de manière flagrante - une expression à la mode - leurs propres règles. Des membres de la CENI s'étaient déjà disqualifiés aux yeux de certains - qui bizarrement recommencent à trouver des vertus à la CENI, on se demande bien pourquoi ? - et viennent de le faire aux yeux des autres.

Dès lors, il paraît inconcevable – terme ô combien politiquement correct – de laisser faire des spécialistes du « faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais ». Ils n'ont plus aucune crédibilité et surtout légitimité pour dire à un candidat, les règles à respecter, alors qu'ils sont incapables de le faire eux-mêmes. Pire ils ont violé la loi, et ont le culot de revendiquer le caractère démocratique de cette élection, ce qui est doublement insupportable. Ils ont procédé à une élection non crédible, non libre (suggérée par le PM ou autre ?) et non transparente.

Il faut donc les remplacer tous, par équité pour les deux camps, même si cela semblera anormal pour certains membres, afin d'éviter des discussions possibles lors du deuxième tour, sans oublier un audit des finances. Quelle que soit la solution choisie (représentants des deux camps, mini CENI à effectifs limités présidée par une personne neutre), elle ne doit être que temporaire, le temps de ce deuxième tour. Dans le pire des cas, on peut les laisser faire de la figuration – sans aucun pouvoir opérationnel – afin de sauver la face. Il sera indiqué ultérieurement d'y inclure des jeunes et des femmes.

Enfin et surtout, il paraît nécessaire de supprimer le pouvoir exorbitant du Président de la CENI, à décider arbitrairement et seul, la validation des PV (article 162 du Code électoral). Une majorité super qualifiée par exemple peut-être envisagée. La CENI est une instance collégiale, et il ne faut plus de disproportion avec un président manitou.

.... et pour aller au deuxième tour ?

La tutelle du PM, évidemment sans jeu de mot par rapport à son age, devient inévitable ; le général Konaté semble en avoir enfin pris la mesure.

Par ailleurs, l'initiative d'un compatriote sur la rencontre des deux leaders – et souhaitée par le général Konaté -, apparaît essentielle aujourd'hui, car :

 

  • tout ce qui peut apaiser des tensions de plus en plus vives devient primordial ;

  • ils doivent prouver par des actes, qu'ils sont capables de mettre l'intérêt général des Guinéens au-dessus de leurs intérêts personnels égoïstes, sous peine de montrer qu'ils n'ont rien d'hommes d'État ;

  • la priorité est davantage dans l'effet d'entrainement collectif, la dynamique suscitée par la première élection qu'on veut démocratique, que dans le choix des hommes qui vont conduire le changement, même si la personnalité de l'un ou de l'autre a forcément une influence sur ce qui précède.

En conclusion, il est temps de revenir au respect des différents textes qui ont été élaborés – parfois à la va vite -, car ils ont le mérite d'exister et de fixer un cadre clair. Dès lors qu'on ne respecte pas ces textes, outre la question de savoir pourquoi on les a fait, se pose inévitablement la crise de confiance entre les hommes. Ce que l'on devait faire va t-il se faire ? Sans référence aux institutions, on s'en remet inévitablement aux hommes, avec tous les risques que cela suppose, et donc sans aucune garantie d'aboutir à l'essentiel.

 

Gandhi, citoyen guinéen

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