Le coup d'œil d’Ansoumane Doré…

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…sur le « bilan de deux années de bonne gouvernance de son Excellence Professeur Alpha Condé, président de la République, chef de l'Etat 2011-2012 » par El hadj Ibrahima Diallo, responsable national du RPG-Arc-en-ciel, et Mamadou Camara, président de l'ONG Alphamaniya.

Voici un document totalisant 76 pages réparties en quatre synthèses pleines de redondances et d'alignements de petits faits indignes d'être cités dans un rapport de bilan de gouvernance d'un Etat et d'un parti politique qui se respectent. La quatrième synthèse est exclusivement consacrée auProgramme prioritaire du quinquennat du RPG-Arc-en-cielprincipaux résultats de sa mise en œuvre des deux premières années (2011-2012). Les auteurs auraient franchement gagné en crédibilité en réduisant leur rapport-bilan des deux premières années du quinquennat aux pages 1-3 de la synthèse N° 3 du document. Répondant à une interview récente (mai 2013) d'un journaliste (Le Patriote), le président Alpha Condé a été loin d'être aussi prolixe sur son bilan de deux années de présidence. Sur des secteurs très attendus, par les Guinéens, l'eau et l'électricité à usage domestique, il se contente de dire « nous sommes obligés d'avoir des partenaires stratégiques ». Mais en attendant que ce partenariat produise des effets constatables dans les habitations, une ville comme « Kankan beigne dans l'obscurité depuis un mois », indique, en ce mois de juin 2013, une dépêche. Kankan n'est pas la seule ville dans une telle situation. Même Conakry, la capitale du pays, souffre de délestages fréquents d'électricité. Alpha Condé cite ensuite la réforme de l'armée, comme réussie. Or cette armée se profile encore partout, on la voit, par exemple, en la personne du commandant Gabriel Tamba Diawara plastronnant au palais de justice dans l'interminable procès de l'affaire du 19 juillet 2011 (« attaque de la résidence présidentielle »), qui, sans l'aspect grotesque, rappellerait les célèbres Dadis shows de la tragique année 2009. Autres données du bilan qu'il cite au journaliste: l'unicité des caisses de l'Etat, le fonctionnement de la Banque centrale de Guinée, la stabilité de la monnaie et un meilleur ravitaillement de la population en riz. A cela le Président ajoute cette banalité que le président ivoirien, Ouattara, est son conseiller économique alors que lui est le conseiller politique de celui-ci. Quoi qu'il en soit, le bilan qu'il donne à son interview du Patriote est modeste ; ce qu'on peut comprendre, le pays venant de loin. Mais alors pourquoi cette frénésie de vouloir à tout prix grossir un état de fait qui ne correspond en rien à ce qu'on veut communiquer, surtout à destination de l'étranger ? Les meilleurs juges de l'action gouvernementale d'Alpha Condé, ce sont les Guinéens. C'est évidemment une lapalissade, mais le président guinéen n'en donne pas l'impression, à vouloir au forcing se répandre en communication pour son image, dans la presse internationale. Comme dans cette tribune du 13 juin 2013 dans Le cercle les Echos sur L'impératif de transparence en Afrique ou encore, faire la couverture de l'hebdomadaire Jeune Afrique n° 2736 du 16 au 22 juin 2013.Tout cela c'est du brassage de vent. A l'étranger, l'image de la gouvernance en Guinée est très bien connue du monde politique, économique et des affaires. Cette image n'est pas bonne et c'est de l'intérieur qu'on pourra la corriger. Ce n'est pas à une rencontre du G8 où l'on vient faire tapisserie que les problèmes guinéens trouveront des solutions.

Le zèle débordant d'El hadj Ibrahima Diallo et de Mamadou Camara, auteurs du bilan des deux ans du quinquennat, leur fait établir un gigantesque catalogue de tous les fantasmes qui turlupinent les agents de l'agitprop du RPG-Arc-en-ciel. Dans leur activisme tous azimuts, ils présentent pour ce qu'ils appellent un bilan, un document que des pays africains en meilleure position que la Guinée ne peuvent raisonnablement pas réaliser au cours d'un mandat de cinq ans, dans les conditions de l'environnement international actuel.

Pour une meilleure vision de la gouvernance, il faut, enfin, sortir la Guinée comme d'autres pays africains de cette fausse idée de taille qui consiste à croire qu'un taux de croissance de ce qu'on appelle le produit intérieur brut (PIB) a automatiquement un effet immédiat de réduction de la pauvreté de la grande majorité de la population. Encore faut-il savoir comment est calculé ce taux de croissance. Pour nombre de pays africains, une, deux ou trois années de bonnes exportations de matières premières (notamment minières) dont l'exploitation est dépendante de capitaux étrangers, ont très peu d'incidence sur le niveau de vie des populations locales. Aussi, je pense qu'il faudrait à la Guinée, une croissance annuelle soutenue de son PIB de 5% ou plus, pendant au moins une dizaine d'années, pour engendrer un changement significatif du niveau de vie moyen de la population guinéenne. La référence donc à une période de deux ans et demi pour parler de bouleversements macroéconomiques de l'économie nationale ne peut constituer qu'un leurre de plus.

Revenons au document-bilan des deux zélateurs du pouvoir en place pour dire qu'ils ne rendent même pas service à ce pouvoir en croyant le contraire. Ils ont oublié le proverbe: « Qui trop embrasse mal étreint » (qui entreprend trop de choses à la fois, s'expose à n'en réussir aucune).

C'est l'impression que j'ai retenue du travail de nos deux apparatchiks du RPG-Arc-en-ciel. Ils ont noyé l'essentiel dans un fatras de choses qui n'ont rien à voir avec un bilan facilement lisible.

Comment ont-ils présenté les quatre synthèses que j'ai indiquées plus haut?

Dans la synthèse N° 1 (31 pages) qui est une présentation du bilan par ministère, on a une énumération des 31 ministères et un listing de ce qu'ils sont sensés avoir réalisé ou entrepris au cours de la période 2011-2012. C'est un recensement exhaustif de tous les décrets, toutes les réunions de toute nature (et tout le monde connaît l'ampleur de la maladie de la réunionite dans notre pays) et toutes les intentions mises noir sur blanc, qui sont indiqués comme réalisations. Pour certains ministères c'est un vrai inventaire à la Prévert qui donne le tournis. L'inventaire à la Prévert est une énumération de toutes sortes de sujets sans lien apparent entre eux. Les Guinéens de l'étranger, par exemple, apparaissent bien sous le ministère délégué des Guinéens de l'étranger mais le pouvoir d'Alpha Condé est encore réservé sur leur participation aux élections législatives ; par contre la facilitation pour le transfert d'un malade guinéen de l'Angola à Conakry est mentionnée dans le blanc. C'est bien mais on est en droit d'attendre plus de choses pour ces expatriés. L'énergie à usage domestique et l'eau courante qui sont des attentes fortes des ménages apparaissent encore très souvent dans le bilan sous le chapeau d'organisation de la première table ronde des bailleurs de fonds et on les note quand même comme des faits tangibles. Mais combien de tables rondes de ce type ont-elles été tenues, sans suite, depuis des années en Guinée ? Au titre du ministère des Mines et de la Géologie, le yo-yo des contrats miniers est passé sous silence. Mais « l'exploitation de l'immense potentiel en pétrole de notre pays » n'est qu'un vœu pour l’instant, car la réalité du pétrole guinéen est encore dans les limbes. En fait les évocations des mines guinéennes ont l'air de recouvrir des cénotaphes. Un cénotaphe est un tombeau élevé à la mémoire d'un mort mais qui ne contient pas ses restes. C'est l'image que donne la revue de l'activité de nombreux ministères. En matière des droits de l'homme, les prisonniers et les nombreux tués (notamment des jeunes) par les forces de l'ordre lors de manifestations de l'opposition politique, sont passés sous silence dans le rapport-bilan. Le ministère de l'Agriculture, activité économique essentielle pour un pays comme la Guinée, semble avoir accompli des progrès. Ce ne semble pas être le cas pour l'Education dans son ensemble et pour laquelle, on apprend des joyeusetés comme par exemple, au ministère de l'Enseignement pré-universitaire et de l'Education civique, « l'ouverture d'une école d'excellence au secondaire dénommée Lycée d'excellence professeur Alpha Condé ». A mi-mandat, c'est un lycée qui a été ainsi baptisé, en fin du quinquennat, ça sera une université qui portera le nom du Président. Bref, si je devais relever beaucoup d'autres exemples de ce genre, j'aboutirais au même volume que les auteurs du bilan.

La synthèse N° 2 (14 pages) reprend par classement en fonction, ce qui a déjà été présenté par ministères :

  • gouvernance politique, démocratie et état de droit ;
  • services sociaux de qualité et infrastructures de base ;
  • gouvernance économique ;
  • jeunesse, sports, arts et culture ;
  • politique étrangère et coopération internationale.

Chacun de ces cinq points constitue tout simplement un inventaire simplifié des fonctions citées au niveau des 31 ministères. Tout étant gouvernance pourquoi avoir spécifiquement réservé, ici, ce terme au politique et à l'économique ? Cette synthèse constitue encore un superflu dans ce rapport. Il aurait fallu choisir entre présentation du bilan par ministères ou par grandes fonctions, pour éviter la redondance que je signalais plus haut. Les deux présentations peuvent d'ailleurs se concevoir mais autrement que sous la forme de copier-coller qui a été adoptée.

La synthèse N° 3, qui comporte une page de résultats clés et « des avancées cruciales dans de nombreux domaines », pages 4-10, semble plus claire mais pèche, comme ailleurs, par le penchant de propagande politique. Avoir accompli tout ce qui est énuméré en deux ans, en étant parti de rien comme le souligne souvent le Président, semble une fois encore peu crédible. Pourquoi donc douter de la réalité de ces « avancées » ? C'est que deux pages (2 et 3) à allure d'affiche de profession de foi de candidat à une élection et intitulées « 30 raisons de soutenir les actions du gouvernement », précèdent l'annonce de ces « avancées cruciales ».

Enfin la synthèse N° 4 est consacrée au « programme prioritaire du RPG-Arc-en-ciel. Principaux résultats de sa mise en œuvre des deux premières années (2011- 2012) ».Tout le monde sait que c'est le pari politique RPG qui est au pouvoir à travers le président de la République et les principaux ministres. Mais le titre de ce rapport porte sur de bilan d’Alpha Condé et non sur celui du parti RPG en tant que tel. Le fait d'avoir inclus cette synthèse comme la quatrième partie du rapport, n'est pas anodin. C'est une réalité de parti-Etat-RPG qui rampe insidieusement et gouverne la Guinée, même si cela ne s'écrit pas encore ouvertement comme cela dans les documents. Ce n'est d'ailleurs un secret pour personne d'éclairé dans le pays. La haute administration civile (préfets, sous-préfets, directeurs nationaux, etc.), les corps habillés (armée, gendarmerie, police), les finances publiques et toute la logistique de l'Etat, la radio-télévision (RTG), sont de gré ou de force au service du parti-Etat-RPG. Alors allez parler donc d'improbables élections transparentes ! Les mots n'ont décidément pas le même sens sous tous les cieux

Quand je parle de parti-Etat-RPG, cela transparaît sans ambages dans cette synthèse d'El hadj Ibrahima Diallo et Mamadou Camara, apparatchiks du parti au pouvoir. Ils notent sans ambages, comme si c'était le fait de leur parti en tant que parti, tous les axes d'actions du gouvernement. Ils ajoutent certes aux références des décrets la mention: D/..../..../PRG/SGG, mais sur toute la ligne du rapport, le RPG n'apparaît pas comme l'inspirateur mais comme l'acteur personnifié des actes gouvernementaux (c'était ainsi au temps du parti-Etat du PDG). Voici les principaux axes cités du RPG :

  1. le renforcement de la gouvernance politique, économique et judiciaire ;
  2. assurer les services essentiels, entretenir et développer les infrastructures de base, mettre en valeur les ressources humaines et promouvoir le développement social ;
  3. renforcement des infrastructures socio-économiques ;
  4. rétablissement et consolidation de la stabilité macroéconomique ;
  5. renforcer le secteur financier pour mobiliser davantage l'épargne et financer les investissements productifs ;
  6. libéraliser le commerce et promouvoir l'intégration économique avec l'Afrique subsaharienne; g) mettre ensemble des politiques et réformes durables ;
  7. appui aux secteurs moteurs de croissance ;
  8. appui aux couches vulnérables de la population ;
  9. relations extérieures et diplomatie.

Tels sont les axes du programme du RPG-Arc-en-ciel, assortis d'indications de réalisations, nominations et autres actes d'un gouvernement en place avec signatures de décrets et moult références nominales au président de la République du genre de ce qui se pratique sous les régimes de dictature. Au-delà de cette remarque, c'est vraiment triste qu'un grand parti politique, au pouvoir, puisse construire un programme aussi éloigné du terrain pour certains axes. Il faudrait voir dans le détail pour s'en convaincre. On se rend compte à leur lecture qu'il faut vraiment ne pas avoir les pieds sur terre (de Guinée), aujourd'hui, pour se permettre de recopier ainsi de la littérature qui traîne dans les bureaux d'organisations internationales ou de ministères de pays développés.

Ce qu'il faut à la Guinée dans son état d'aujourd'hui, ce n'est pas une littérature de bonnes intentions, mais un programme d'axes d'actions réalisables de sorte que même des agents de cadre moyen des ministères puissent comprendre et participer à la mise en application. C’est ce qui manque cruellement à l'ensemble de ce rapport-bilan.

Ansoumane Doré Dijon, France

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Commentaires

  • Anzoumane DORE
    • 1. Anzoumane DORE Le 23/06/2013
    Je viens par cette note apporter un complément au texte ci-dessus. C'est à propos de la main-mise du Pouvoir du parti-Etat du RPG sur la Guinée. Depuis l'établissement de la République en 1958 des Guinéennes et des Guinéens, soit par opportunisme, soit par indolence, n'ont jamais voulu entendre autre chose que les sirènes qui les invitaient à une douce somnolence et à des lendemains qui chantent. Ainsi comme par une espèce de fatalité incontournable de 1958 à 2009, trois têtes de dictateurs ont réussi ou tenté de réussir d'imposer à nos compatriotes des systèmes de traitements inhumains que je refuse de considérer dans les toutes les discussions que j'ai eues sur ce sujet comme un peuple de moutons. Ce qui est, cependant, étonnant dans notre cas, c'est de constater que bien de nos concitoyens confortablement installés en Guinée ou hors frontières, semblent se donner une certaine bonne conscience en se faisant complaisants, à chaque fois, des dictatures naissantes dans notre pays . Tirer les leçons du passé, Cela ne leur vient pas à l'esprit.Pour eux seuls ceux qui sont contre la Guinée, critiquent ses dirigeants. Nous sommes à nouveau dans un tel cas de figure.Nous avons un Président en la personne d'Alpha Condé qui, à la différence de ses trois prédécesseurs n'avait aucune expérience professionnelle connue car l'OPPOSITION quelle qu'en soit la durée n'est pas un métier. Or le voilà devenu Président qui se croit subitement capable de tout contrôler ,comme il le proclame dans des interviews . Comment appelez-vous ce défaut, si non une MEGALOMANIE? La mégalomanie a toujours perdu les pays dont les dirigeants en étaient affectés. C'est pourquoi, chers compatriotes, vous ne devez pas vous taire devant des dérapages.

    A propos de la main-mise du RPG et du Président Alpha Condé sur tout en Guinée, celui-ci répond invariablement qu'il s'agit de contre-vérités. C'est ainsi qu'à une interview récente qu'il a accordée à l'hebdomadaire Jeune Afrique (n° 2736 du 16 au 22 juin) à la question du journaliste François Soudan sur l'utilisation des préfets et sous-préfets au seul bénéfice du pouvoir en place, il rétorque: « ...si vous voulez dire par là que le gouvernement nomme les préfets et sous-préfets de son choix vous énoncez une évidence . Tous les pays au monde le font, à commencer par la France ».Voilà le genre d'appréciation gratuite énoncée avec aplomb sur une question qu'il ignore, tout au moins dans le cas de la France où les préfets dans leur totalité ne sont pas nommés à la tête du client comme en Guinée. En France, le Corps préfectoral, composé de préfets et sous-préfets, est issu pour le plus grand nombre de l'Ecole Nationale d'Administration (ENA) ; ils sont nommés (mais pas dans le sens où l'a compris Alpha Condé) dans les préfectures et sous-préfectures par actes du gouvernement pour y représenter la permanence de la République française, depuis 1944

    , quelle que soit la couleur politique au pouvoir. Les nominations politiques ne concernent qu'une infime minorité du corps préfectoral c'est notamment les cas des préfets de police de Paris, Lyon, et Marseille ( encore qu'il arrive qu'un nouveau gouvernement, de couleur politique autre que précédemment maintienne en place un préfet de police) ou quelques autres hautes fonctions. Du reste, si l'on en vient au terme littéral de nomination, tous les hauts cadres de toute la fonction publique française sont nommés, après des concours nationaux pour les jeunes ou de changements de lieux de résidence pour les anciens, à leurs postes d'affectation par des actes gouvernementaux. Cette nomination n'a rien avoir avec la conception de placements dans la fonction publique guinéenne des activistes du pari RPG d'Alpha Condé. C'est ce qui explique qu'on trouve parmi les préfets et sous-préfets guinéens des nommés à ces fonctions qui savent à peine lire. Ces choses doivent être dites pour montrer à quel degré la manipulation est répandue dans les sphères de la gouvernance d'Alpha Condé. Voyez l'interview de Jeune Afrique citée pour découvrir l'étendue des contre-vérités émises par le Président guinéen. Au final, ce Président me rappelle un personnage de la Comédie humaine d'Honoré de Balzac, représentant de commerce du nom de l'illustre Gaudissart. Il est suractif, est allé partout, connaît tout, mais ne comprend pas tout, séduit du monde et a réponse à tout, mais finit par se faire avoir.

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