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Le drame malien et le spectre du syndrome de Munich

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« A force de tergiverser, d'hésiter et de faire des concessions à Adolf Hitler dans l'espoir de préserver la paix, la France et ses alliés avaient connu, au final, à la fois la défaite militaire et l'humiliation en 1939 », déplorait un célèbre résistant français dans un chapitre de ses mémoires consacré à la Seconde guerre mondiale.
C'est la conséquence majeure du fameux syndrome de la conférence de Munich tenue du 29 au 30 septembre 1938. L'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l'Italie y étaient représentés respectivement par A. Hitler (1889-1945), Edouard Daladier (1884-1970), Neville Chamberlain (1869-1940) et Benito Mussolini (1883-1945).
Récemment, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté le 21 décembre 2012 le projet de résolution porté par la France sur le Mali. Cette résolution 2085 autorise, sous certaines conditions cumulatives difficiles à tenir, le déploiement d’une force africaine pour permettre à l'ex-Soudan de recouvrer son intégrité territoriale par la reconquête du Nord, tombé aux mains des narco-terroristes et en proie à des fondamentalistes.
La Résolution 2085, prise après près d'un an d'atermoiements et de mésentente au sein de la communauté internationale, s'apparente à bien des égards au spectre du syndrome de Munich et repousse une éventuelle offensive militaire à l’automne 2013.
En effet, d'une part, la défaite est déjà concédée au Mali et les populations y vivent un calvaire quotidiennement.
Par ailleurs, les populations maliennes et africaines ont été humiliés par leurs gouvernants respectifs et la communauté internationale qui n'ont pas été à la hauteur des enjeux, ni atténué les souffrances et humiliations infligées dans cette région septentrionale.
J'ai toujours été favorable à l'intervention militaire de la CEDEAO avec une assistance technique des Etats occidentaux, de crainte d'un « effet domino » qui déstabiliserait toute la sous-région, et même au-delà plus tard, si l'on reste inerte face aux exactions des « Islamistes » obscurantistes qui progressent sur le plan militaire et consolident leur implantation dans la zone conquise.
Dans l'émission « La Grande Matinale » d'Eugénie Diécky du lundi 19 septembre 2011 dans la rubrique « Le club des indignés d'Africa n°1 », je mettais déjà en garde sur les effets induits, collatéraux de la guerre en Lybie avec des facteurs de déstabilisation, d'insécurité dans la zone sahélienne, au regard notamment de la dissémination, la circulation des armes.
Le Sahel, qui était déjà un épicentre du trafic de drogue, de faux billets et d'êtres humains, était devenu, à son tour, une zone de trafic d'armes de toutes sortes.
La guerre en Lybie, où l'esprit et le contenu de la résolution onusienne n'ont pas été respectés, a malheureusement engendré la déstabilisation des Etats voisins de la Libye, à l'instar du Mali.
La complexité du conflit malien résulte de l'enchevêtrement de problèmes internes structurels, d'une part, et d'éléments conjoncturels, d'autre part. L'avenir du Mali ne dépend pas uniquement de la réussite de l'intervention armée mais des Maliens eux-mêmes. L'enjeu est bel et bien la reconstruction d'un vivre ensemble qui ne pourra pas être imposé de l'extérieur.
Pour mieux appréhender le drame malien, il serait judicieux de souligner quelques constats et observations. Mais l'intervention militaire de la CEDEAO est, à mon humble avis, un préalable au règlement de la crise politique interne ; avant la tenue d'une hypothétique élection dont l'ex-junte menée par le capitaine Amadou Haya Sanogo ne voudra pas. La réalité du pouvoir au Mali se trouve toujours entre les mains des militaires qui gouvernent par procuration.
1) Le délitement et la déliquescence continuels de l'Etat malien : un pays pauvre, enclavé, démuni de ressources naturelles à l'instar de la R.D. Congo et la Guinée-Conakry, ou bien de l'uranium nigérien.
Le coup d’État du 22 mars dernier contre le président Amadou Toumani Touré (ATT) a précipité la chute du Nord aux mains de groupes islamistes armés qui ont balayé l'armée malienne en trois jours.
La réalité du pouvoir au Mali se trouve toujours entre les mains de l'armée qui est toujours omniprésente au sein des rouages de l'Etat qu'il gouverne par procuration. Pour exemple, le premier ministre malien Cheick Modibo Diarra a été contraint à la démission mardi 11 décembre après avoir été arrêté par les putschistes.
Cette ex-junte craint de perdre le pouvoir à l'issue d'une éventuelle intervention militaire de la CEDEAO dont elle ne voulait pas d'ailleurs la présence dans la capitale Bamako pour des raisons stratégiques sur le plan militaire.
2) La consolidation du pouvoir des islamistes obscurantistes : dans le Nord sous la férule du mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) et de Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) qui ont profité des atermoiements de la communauté internationale.
Par ailleurs, j'estime et tiens à souligner que la religion est une affaire de conscience individuelle, de foi, de lien direct entre DIEU L'OMNISCIENT et tout individu. Ce n’est pas un ménage à trois où toute interférence extérieure ne saurait être admise ; que cette interférence provienne d’une personne physique ou d’une institution quelconque.
Tout Etat ou groupement humain, à l'instar des « Salafistes » obscurantistes du Nord du Mali, devrait observer le sacro-saint principe de laïcité républicaine qui doit garantir, dans une stricte neutralité, toutes les convictions philosophiques et religieuses. Cette garantie passe notamment par la protection des lieux de culte et des monuments historiques.
3) La faillite des institutions africaines : elles sont actuellement inopérantes à l'image de la Force africaine en attente (FAA) censé n'être opérationnelle qu'en 2015 et dont la CEDEAO, déjà confrontée à des obstacles logistiques, humains et financiers, est chargée de la mise en œuvre de l'une des composantes régionales.
Un engagement de la Mission de la CEDEAO au Mali (MICEMA), inscrite dans un cadre légal (résolution 2071 des Nations unies), serait l'occasion d'effectuer un test grandeur nature. Son déploiement effectif sur le terrain doit s’engager sans tarder.
4) Le laxisme coupable du « machin » onusien, comme ironisait Charles De Gaulle (1890-1970), face au drame du peuple malien : presqu'un an (après le coup d'état contre ATT et la défaite militaire au Nord) pour adopter la Résolution 2085, pour approuver une intervention militaire avec 3 300 soldats avec des conditions cumulatives qui pourrait retarder son déploiement :
- les autorités de transition à Bamako doivent d’abord rétablir l’ordre constitutionnel et organiser des élections avant avril 2013 ;
- elles sont invitées aussi à engager des négociations « crédibles » avec les groupes présents dans le Nord, essentiellement les Touaregs ;
- la remise en marche de l’armée malienne ébranlée par le coup d’Etat du 22 mars et humiliée par sa défaite face aux Islamistes ;
- sur tous ces points précités, l’ONU demande à l’Union Africaine de lui faire un rapport tous les 60 jours sur les progrès accomplis ;
- le Conseil de sécurité ne permettra le déploiement que lorsqu’il s’estimera « satisfait » de l’état de préparation de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA).
L'Algérie et la France trainent les pieds pour se prémunir, de crainte, parait-il, d'actes terroristes sur leur territoire national, également pour préserver la vie de leurs nationaux pris en otages par l'AQMI. Le sort des populations maliennes semble secondaire.
« Les colonies coûtent trop cher, il vaut mieux financer la Corrèze avant le Zambèze ! » préconisait dans les années 50 déjà dans « Paris-Match » le journaliste français Raymond Cartier (1904-1975). L'histoire est, parait-il, un éternel recommencement et « celui qui ne sait pas tirer les leçons de trois mille ans d'Histoire vit seulement au jour le jour » prévenait le poète et dramaturge allemand Johann Wolfgang Von Goethe (1749-1832).
5) L'intervention militaire de la CEDEAO est un préalable au règlement de la crise politique interne : il faudra appliquer ici la fameuse « Théorie de la contradiction principale face à la contradiction secondaire » qu'utilisa Mao Tsé-toung (1893-1976) contre Tchang Kai Chek (1887-1975) pour la conquête du pouvoir lorsque la Chine fut envahie par le Japon dans la région de la Mandchourie. Durant la guerre sino-japonaise (1937-1945), les communistes s’allièrent aux nationalistes contre les Japonais dans le cadre du « deuxième front uni chinois ». Cette trêve interrompit la longue guerre civile chinoise (1927 à 1949) et permit la défaite de l'envahisseur nippon.
Des élections ne feront qu'attiser les tensions et les rancœurs, aggraver le tissu social malien qui est déjà fortement altéré. Il faut d'abord vaincre les envahisseurs avant de procéder à une quelconque élection dans un pays en partition de facto.
CONCLUSION :
« Nous assistons, impuissants, au naufrage du Mali sans comprendre ce qui arrive », témoignait un habitant de Bamako joint au téléphone par le journal « La Croix », quelques heures après l’annonce de la démission du premier ministre C. M. Diarra. « Nous sommes comme des spectateurs sur la berge qui observent ce pays se dégrader de jour en jour », poursuit-il désolé.
Le peuple malien est en situation de « non-assistance à peuple en péril » et nous interpelle tous.
Le conflit malien apparait aujourd'hui comme une juxtaposition du temps militaire, à savoir lutter contre les groupes terroristes d'une part, et du temps politique, à savoir reconstruire un projet, un nouveau contrat social, un nouveau pacte de société malien, d'autre part.
Mais le drame que vit ce peuple a engendré des gagnants et des perdants.
On relève trois gagnants que sont les Islamistes du Nord-Mali : l'ex-junte militaire du Mali qui continue de tirer les ficelles et de gouverner par procuration ; et les populations françaises et algériennes prémunies, préservées pour le moment contre d'éventuelles attaques terroristes.
Mais on déplore deux perdants, à savoir le peuple malien et le continent noir humiliés et abandonnés, une fois de plus, par leurs gouvernants autocrates et corrompus.
Que Dieu préserve le Mali et l’Afrique !
Nabbie Ibrahim « Baby » SOUMAH
Juriste et anthropologue guinéen
nabbie_soumah@yahoo.fr
Paris, le 28 décembre 2012

Nabbie Ibrahim « Baby » Soumah

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