Les 100 jours sur le plan économique, beaucoup de bruit pour rien (partie 2)

 
 
Traditionnellement, les cents jours correspondent aux trois premiers mois qui suivent l'élection d'un nouvel élu, période pour prendre la mesure de ce que sera son programme à venir. Souvent des décisions sont prises rapidement avec des mesures d'urgence qui visent souvent à réaliser deux objectifs ambitieux : la stabilisation économique d'une part (qui constitue l'objet de ce papier), et un retour à la confiance de la population d'autre part, ce qui a constitué l'architecture de mon propos, dans une première partie déjà publiée. Il conviendra de rappeler le retard de ce que l'on a appelé improprement la déclaration de politique générale.
Une nouvelle violation de la constitution : le retard de la déclaration de politique générale, non suivie de débats
Il aura fallu quelques textes émanant de la Société civile, relayés par le CNT, pour que le PM daigne venir présenter - ainsi qu'il l'est prévu constitutionnellement dans l'article 57 - une déclaration de politique générale. Il existe plusieurs manières de procéder pour présenter son programme, qui peuvent aller même jusqu'à détailler les mesures prévues, voire les budgéter. A tout le moins, on attendait un exposé des axes prioritaires, ainsi que la méthodologie suivie pour y parvenir.
Le PM, a sans doute été bousculé pour agir, alors qu'il n'est ni le responsable de la politique suivie - on se demande même à quoi a servi la constitutionnalisation de son poste -, ni le maître d'œuvre, au vu du pouvoir qui lui est conféré de fait. Il est néanmoins intervenu pour brosser un tableau de vœux pieux (des « faut qu'on » et des « y' a qu'à »). Son discours était intéressant... sur le papier, mais rien de concret n'en est retiré. Il nous a refait un état de tout ce qu'il y a à faire - Dadis avait fait le même constat - que tout Guinéen connaît. En revanche, dire que changement il y a, c'est leurrer le monde.
A l'écouter, ce sera le paradis dans 5 ans. Si on ajoute, que cette déclaration n'a pas été suivie de débats - on en imagine les raisons -, on devient de plus en plus inquiet au vu des promesses chroniques, dont on ignore comment on parviendra à les concrétiser.
Il ressort de cette déclaration que les ministres n’ont pas de feuille de route, naviguent à vue, et n'ont - à commencer par le PM lui-même - aucun pouvoir de décision : tous les décrets sont de nature présidentielle, y compris la nomination des plantons de certains ministères.
Clamer sur tous les toits qu'on a été (et qu'on reste) opposant historique pendant plus de 40 ans, se préparer en conséquence pour obtenir le pouvoir, et lorsqu'on l'obtient, ne pas être capable, ne serait-ce qu'amorcer un début d'exécution d'un programme – rédigé il est vrai en catastrophe -, c'est affligeant.
Des mesures pas forcément mauvaises sur le fond, mais controversées sur la forme
Certaines des mesures symboliques qui suivent, non exhaustives, sont censées donner le la, de la future politique économique du PRG. Non seulement, elles sont loin de permettre le décollage tant attendu du pays, mais elles peuvent même être contre-productives, ce qu'il convient de voir maintenant.
La récupération du patrimoine bâti de l'État est en soi une bonne mesure, à condition qu'elle s'accompagne de transparence et du respect des formes. Il y a en effet une différence à faire entre ceux qui n'ont pas les moyens de se loger, et ceux qui profitent du système. Il faudrait aussi comprendre, pourquoi certains secteurs et/ou quartiers sont concernés (Coléah-Cité, Gbessia), mais pas d'autres (la SIG Madina par exemple). Discrimination, quand tu nous tiens... De toutes façons, à la différence des criminels qui courent toujours, et qui peuvent continuer à nuire, les biens immobiliers se trouvent en Guinée et ne vont pas se sauver. Il n'y a donc pas urgence absolue à les récupérer de façon énergique, sans passer par la justice.
Concernant le recouvrement des dettes de l'État, il n'y a pas beaucoup de transparence, mais en revanche de trop nombreux effets d'annonces, or l'État est également débiteur (d'où une inflation d'ailleurs suspecte), et les procédures ne sont pas forcément respectées.
Du reste celui qui connaît le fonctionnement d'une entreprise, avec ses crédits fournisseurs, ses délais de paiement, son besoin en fonds de roulement, ses accords de paiement pour règlement des dettes fiscales ou sociales... n'ignore pas, qu'il y a pas mal d'argent en circulation (je te dois, tu me dois), ce qui ne signifie aucunement une quelconque malhonnêteté de la part des opérateurs économiques.
Vouloir liquider des commerçants, c'est prendre le risque d'assécher des circuits de distribution, mais également d'approvisionnement de certains produits, et ce ne sont pas les commerçants qui en pâtiront, mais la population. Faute de réflexion préalable, guidée simplement par la jalousie, ou l'esprit de revanche (on se demande bien pourquoi ?), on aboutit à des décisions incohérentes, voire anti-économiques, à moins que l'État veuille nationaliser toutes les activités économiques, mais dans ce cas, il faut le dire clairement.
Le commerce direct de l'État
L’État s'est lancé - à titre temporaire a t-il dit (jusqu'aux législatives probablement) - dans le commerce du riz, ce qui se traduit par sa distribution à une partie de la population (Conakry pour l'essentiel) : c'est une solution temporaire pour un problème permanent. Tout a été improvisé, le seul avantage apparent étant d'occuper la population (de Conakry) avec du riz accessible. Aujourd'hui, on utilise le riz importé pour indexer les commerçants qui ne vendent pas au même prix que l'État. Quelle est l'utilité de cet égalitarisme forcené ? A quand des ministres payés comme les petits fonctionnaires pour montrer l'exemple ?
Quant aux prix imposés (en dessous du prix de revient ?), cela ne se conçoit que pour les produits achetés par l'État (carburant), mais pas pour ceux sous le régime concurrentiel des opérateurs économiques. Quand Alpha Condé dit qu'il veut reprendre le régime de Sékou Touré, là ou ce dernier s'est arrêté, sans doute veut-il nous expliquer sa nostalgie de l'époque précédant la chute du mur de Berlin, mais veut-il également instaurer la guerre froide au pays ?
Si l'idée de prix subventionnée peut partir d'un bon sentiment (ce qui est loin d'être le cas en Guinée, où on mélange lutte contre certaines cibles déterminées et bien-être de la population, sinon il suffirait de diminuer le prix du carburant), on aboutit à un non sens économique. Avec l'augmentation des prix du transport, des intrants et autres frais divers, la production artisanale cessera d'être rentable. Avec une forte demande liée à la baisse des prix, la pénurie va vite avoir lieu (sans compter les problèmes de distribution non pensés en amont), avec des prix au « marché noir » (c'est-à-dire des prix non imposés) supérieurs. Mais comme ce marché noir comprend des surcoûts et de nombreux risques (chasse aux « mauvais » commerçants), la production ne rejoindra jamais la demande, et la pénurie de riz subventionné persistera. Pourtant la terre et les bras disponibles pourraient aisément à un prix intermédiaire, produire deux fois plus de riz que la population pourrait en consommer. Cette subvention bête et mal (ou bien, c'est selon) intentionnée, créera artificiellement une pénurie pour la population, et de surcroît corruptrice. Les médias en ont suffisamment parlé, qu'il n'est pas utile de revenir sur cet exemple.
L'économie est un système qui se « boucle » sur lui-même. Toute modification, même volontaire apportée à un élément du système (par exemple un prix), se répercute nécessairement sur d'autres éléments du système, modifiant par exemple un pouvoir d'achat, une marge bénéficiaire, une propension à investir ou à produire, qui peut se traduire par des effets pervers tout à fait contraires à l'intention de départ. Suivant les cas, cet effet pervers peut être immédiat (c'est le cas du riz) ou différé (l'inflation est souvent décalée de 4 à 6 mois). Dans tous les cas, il est inévitable. On aimerait que nos docteurs en macro-économie, le fassent savoir au décideur, avant toute prise de décision, dans le domaine économique.
Un exemple parmi d'autres : la fourniture d'engrais pour l'agriculture
Le gouvernement fournit les agriculteurs en engrais, des tracteurs éventuellement seraient en vue. Questions :
  • les agriculteurs sont-ils demandeurs ?
  • la présence d'engrais signifie que les sols sont trop pauvres. Est-ce le cas ?
  • cette politique de fourniture va t-elle se poursuivre pendant 5 ans, ou est-ce un feu de paille pour cette période préalable aux législatives ?
  • si les résultats ne sont pas obtenus (et il ne le seront pas, même avec la fourniture d'engrais), que se passera t-il ? Parlera t-on de sabotage ?
Il faut aider les entrepreneurs (dont font partie les agriculteurs) en fonction de leurs besoins, et non en fonction de décisions prises par le haut, sans lien avec la réalité du terrain. On a déjà vu ce que cela donnait sous la première république, et si on doit s'en inspirer, encore faudrait-il imiter ce qui a fonctionné réellement sur le terrain, et non dans la tête de nostalgiques invétérés.
L'auto-suffisance alimentaire ne s'obtient pas en fournissant les agriculteurs en engrais, voire en tracteurs qu'ils n'ont pas demandés, mais en investissant (plusieurs années) en fonction d'objectifs clairs et définis (on n'investit pas dans le riz en même temps que l'on en subventionne l'importation, car on paie deux fois sans développer localement le secteur). Le problème c'est que lorsque l'État veut décider de tout, il se heurte aux intérêts contradictoires des entrepreneurs, qui ont l'esprit d'indépendance, et un certain égoïsme nécessaire à la recherche du profit. Mais l'entreprise privée est pourtant la seule voie pour s'en sortir, l'État ne doit faire qu'accompagner dans certains secteurs, et non décider à la place des acteurs.
La création d'entreprises publiques
On entend ici et là, que sous la première république, existaient de nombreuses entreprises qui ont disparu. Je ne reviens pas sur l'état dans lequel elles se trouvaient, ni les conditions dans lesquelles elles ont été bradées sous la deuxième république. Mon propos est de rappeler que la création d'entreprises publiques est une mauvaise idée, particulièrement en Guinée.
Généralement le personnel de l'entreprise publique a un statut quasiment de fonctionnaire pour tous (emploi à vie), un traitement égal, quelle que soit l'efficacité des uns et des autres, et une faible motivation, proportionnelle à son degré de contact physique avec les « usagers » (ou les clients). Quand les besoins changent et qu'il faut s'adapter, l'État ne sait pas obtenir les efforts nécessaires du personnel, ne sachant qu'augmenter les moyens, qui conduiront à terme à l'impasse financière.
Pourtant il arrive à l'entreprise publique d'investir, mais soit c'est l'État qui fournit un don gratuit (et dans ce cas les comptes sont faux), ou l'entreprise emprunte, mais les coûts sont tels, que l'État doit souvent le prendre à sa charge, sous couvert de recapitalisation (et dans ce cas, les comptes sont truqués).
Bref, il n'y a jamais d'urgence à faire, à agir, à investir, à s'adapter … puisque l'État paiera. Le statut incite à l'immobilité. Certes, il existe aussi des entreprises publiques bien gérées et rentables (surtout si elles ont un monopole!!!), mais la création et le développement d'entreprises est un état d'esprit que peuvent posséder une grande partie de notre jeunesse, mais cela ne suffit pas, il faut également quelques notions de gestion.
La stabilisation économique
Concernant les mesures d'urgence, rien en apparence n'a été fait de rationnel. La vieille technique du bouc émissaire a encore été utilisée : les commerçants seraient selon le PRG, responsables de tous les maux. Heureusement, le PM dont la culture économique est plus avancée que celle du PRG, a reconnu que les causes de l'inflation étaient essentiellement d'origine budgétaires (augmentation des dépenses - dites de souveraineté !!! notamment - et accroissement de la masse monétaire).
En dehors des quelques mesures précitées, il faut agir de manière globale, ce qui suppose de faire une politique cohérente, comme vouloir équilibrer le budget en refrénant le gaspillage, réduire les dépenses par des économies, augmenter les recettes par des impôts, cesser toute émission de papier-monnaie (planche à billets ou avances de la BCRG au Trésor Public), mais encore mettre fin aux emprunts éventuels pour pouvoir alléger progressivement le poids des arriérés et provoquer la confiance des créanciers de l'État.
L'existence d'une loi de finances : un budget déséquilibré
A ce jour, le budget n'est pas public. On se contente de demander un vote au CNT de la loi de finances 2011, un CNT qui non seulement n'est pas spécialiste de la question, mais qui se préoccupe de plus en plus de ses indemnités (le budget à voter le prévoit), davantage que de la défense de l'intérêt général, consistant à scier la branche sur laquelle il est assis : des législatives pour nommer une Assemblée Nationale qui va le remplacer, cruelle perspective !!! Le gouvernement voulait même associer le CNT à ses opérations financières opaques, en sollicitant son autorisation pour emprunter un demi milliard d'euros. Avec les 700 millions de $ de Simfer, ce n'est plus la peine.
Selon les données indiquées sur différents sites, les recettes totales prévues en 2011 se chiffrent à 5.533,7 milliards de GNF1, alors que les dépenses totales atteignent 7.496,63 milliards de GNF2. Si la soustraction est correcte, il manque près de 2000 milliards de GNF (7496,63 - 5533,7 = 1962,93 milliards de GNF).
Selon les responsables guinéens, ce trou sera financé partiellement (donc le trou ne sera pas comblé autrement que par la planche à billets) par de possibles (rien n'est moins sûr) appuis budgétaires attendus de la BAD, et de l’UE pour un montant total de 1.166,86 milliards de GNF et des réaménagements nets sur la dette extérieure à négocier (donc non obtenus) pour au moins 303,82 milliards. Si tout va dans le bon sens, il manquera environ 500 milliards de GNF (une paille!!!).
Ce budget opaque est pourtant présenté comme un budget en équilibre (sic) et de rigueur (re sic). L'équilibre existe si le trou est comblé, ce qui ne sera pas le cas (c'est déjà indiqué), et on assure que Dieu est grand et viendra sans doute au secours du gouvernement. Toutefois, il prendra l'apparence vraisemblable de ceux qu'on toise habituellement, dont on crie à la face, qu'on peut se passer d'eux car la Guinée est souveraine. Chacun connaît l'expression : qui commande paie. Il n'y a qu'en Guinée, qu'on s'imagine qu'il en ira autrement.
La réduction des dépenses pourtant nécessaire, a constitué pour l'essentiel à demander aux Ministres de refréner les mamayas, ce qui est une bonne mesure sur le plan symbolique, mais pèse peu - en principe – sur le plan financier.
Certes l'augmentation des recettes est à l'ordre du jour, faire rentrer celles qui sont dues n'étant qu'un principe lui aussi de bon sens, mais on a en outre supprimé de manière anti-constitutionnelle d'ailleurs, l'impôt de capitation (qui est pourtant sur le plan des principes un bon impôt, même si les conditions de sa mise en œuvre nécessitait une réforme drastique et non sa suppression).
A t-on pris en compte la diminution des recettes, puisque l'État décourage l'initiative privée locale (par des subventions à certains secteurs ou des prises en charge directes de secteurs - le riz par exemple -, par des déclarations incendiaires qui découragent les opérateurs économiques de se lancer). Le taux de croissance attendu prend-il en compte ces nouvelles équations ? L'augmentation des recettes provient donc de l'augmentation des ressources minières. Avec un budget qui ne compte que sur ce type de ressources, on se demande comment on fera lorsqu'on n'en disposera plus. Manifestement ce n'est pas le souci de nos visionnaires.
L'initiative PPTE et le principe d'unicité de Caisse
Sans entrer dans les aspects techniques, la finalité de cette initiative est d'annuler une partie de la dette extérieure (avant les années scandaleuses de 2009 et 2010, il s'agissait de faire passer celle-ci de 3,4 milliards de $ à 1 milliard de $), avec un allègement du service de la dette (les intérêts) de 135 millions de $ annuels.
On oublie souvent la dette intérieure, et avec les deux années de transition, dont on n'a pas encore mesuré l'étendue des dégâts, celle-ci a littéralement explosé pour atteindre plus de 15 000 milliards de GNF (soit plus de 2 milliards de $), qui ne font pas l'objet de l'initiative précédente, et qu'en l'absence de Caisse d'amortissement, on résorbera entre autres par de l'inflation (le taux attendu atteint quand même 15%), d'où l'idée perverse de ne plus permettre la comparaison du GNF avec les devises internationales.
Les commerçants (non subventionnés) n'accepteront pas de jouer ce jeu, car ils savent compter, donc l'État devra prendre en charge cette différence, sauf à augmenter le prix des produits alimentaires. Mais s'il est le seul à commercer, il n'y aura plus de bouc émissaire pour stigmatiser une catégorie responsable de la hausse des prix. Voilà un problème qu'Alpha Condé n'a évidemment pas dû anticiper, j'ignore si ses conseillers lui parlent sincèrement, ou s'ils l'entretiennent dans l'ignorance, mais comme il n'a pas de culture économique, plus dure sera la chute ultérieure.
Par ailleurs, la suppression d'une partie de la dette publique extérieure suppose quelques conditions, qu'il nous est difficile de vérifier, en l'absence d'accès au projet de budget (il s'agit par exemple du déficit budgétaire qui atteignait 13% du PIB et qui doit être ramené à 2%). En gros, il existe une dizaine d'indicateurs qualitatifs (par exemple un rapport annuel de l'Agence nationale pour la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption), dont la moitié est atteinte, mais d'autres non (l'audit des grands marchés publics, la fin du gré à gré par exemple).
Le principe d'unicité de Caisse (au profit du Trésor public) est tellement une idée normale, de bon sens et donc de bonne gestion, que je m'étonne que l'on puisse la présenter comme une mesure extraordinaire !!! Il faut veiller toutefois à la définition exacte qu'on entend lui donner. Les budgets autonomes (PAC, Sogeac...) sont-ils soumis à cette règle, ou constituent-ils des dérogations au principe ?
Concernant les marchés scandaleux passés de gré à gré, il a été décidé de les revoir. C'est bien, mais quid des auteurs de surfacturation ? Des gens ont touché de l'argent, mais ils n'ont rien entrepris en contrepartie. Et l'État qu'a t-il commencé à faire contre eux ? Connaît-on même l'identité de ces auteurs ?
Alsény Barry (ferme avicole) par exemple avait – semble t-il - construit des habitations sur le terrain qu'il louait, mais au lieu d'annuler le bail, il était facile - même dans le pire des cas - de casser ces habitations, d'où le deux poids, deux mesures.
La lutte contre l'inflation
L'accroissement de la masse monétaire (par la planche à billets) peut-elle cesser du jour au lendemain ? En l'absence de recettes, y compris en provenance des soutiens extérieurs3 (il ne faut pas compter sur l'épargne intérieure), les avances de la BCRG au Trésor Public peuvent-elles s'arrêter au risque de ne pas payer les salaires des fonctionnaires, dont font partie les militaires, les seuls privilégiés des différents régimes ?
Bien entendu, l'inflation galopante entraîne une chute de la monnaie guinéenne par rapport aux devises étrangères (euro, dollar ou francs CFA), qui, combinée à l'augmentation des prix des produits pétroliers (donc du transport des marchandises), a pour conséquence, une augmentation du prix de tous les produits sur le marché.
Les banquiers jouent contre la monnaie parait-il, pourquoi ne les a t-on pas fermé ?
Le relèvement économique nécessite une rigueur indispensable, car il faut reconstruire le pays, et les maigres ressources ne doivent pas aller aux satisfactions immédiates de la consommation, mais être dirigées vers l'investissement, sous peine d'aviver l'inflation (mais c'est peut-être le but recherché) et de retarder le redressement. Comment ?
Toujours de la même façon : dire que l'inflation ne sera vaincue que si les revenus n'évoluent pas plus vite que les capacités de production, en bref dire la vérité. Il s'agit d'en appeler à l'effort de tous pour accroître la production et freiner l'inflation. Le problème est que le travail et la production sont pratiquement inexistants en Guinée, et que cela ne constitue apparemment pas un objectif pour le gouvernement, autre qu'un vœu pieu. La création d'emplois productifs (donc non publics) est pourtant la seule façon de s'en sortir, mais cela suppose de faire confiance et de soutenir éventuellement les opérateurs économiques, ce qui ne semble pas être le cas du gouvernement actuel. Ce dernier décide quand, comment et qui il aide, sans tenir compte des besoins réels de ceux-ci.
On oublie facilement que l'inflation peut jouer un rôle (qu'il soit voulu ou pas), celui de pénaliser les salaires fixes, que ce soient des retraités ou des fonctionnaires, voire même les salariés du privé. Seuls les entrepreneurs, les commerçants ou les professions libérales ont la capacité de s'ajuster à la hausse des prix, en suivant automatiquement celle-ci.
Faire campagne et gouverner sont deux choses différentes : des boucs émissaires en guise de politique économique
On ne peut pas répondre aux problèmes des gens par l'incantation, des déclarations ou des séminaires. Au lieu de s’attaquer aux problèmes de fond, le PRG cherche encore des boucs émissaires, en la personne des cambistes et des commerçants. Pourtant casser le thermomètre ne fera pas descendre la température. Les commerçants sont-ils responsables des prix du carburant, puisque c'est l'État qui gère ce commerce ?
Déclarer par ailleurs de mauvaise foi, que les problèmes monétaires sont résolus - sous-entendu par l'interdiction de l'activité des cambistes - est tout proprement scandaleux. Il ne suffit pas de dire que le $ est aujourd'hui à tel niveau de GNF, alors qu'il était supérieur auparavant pour dire que le problème est résolu. En l'absence de comparaison, autant dire que 1$ égale 1 GNF et que demain on rase gratis.
Conclusion
Le changement ne s'est pas réalisé avec la nomination d'un gouvernement resserré de technocrates dont l'objectif aurait dû être de mettre sur pied, dans le délai le plus bref possible, des mesures annonciatrices du règlement des nombreux problèmes sociaux de base de la Guinée (éducation et santé), ainsi que certains problèmes récurrents (eau et électricité). Rien ne peut évidemment se faire en trois mois, mais tout agriculteur sait que l'on ne récolte que ce que l'on a semé. Pour le moment, rien n'a été semé, le PRG est concentré uniquement sur sa volonté d'éliminer tout adversaire politique, et notamment le premier d'entre eux. Or on ne construit pas une politique sur la haine de l'autre, surtout lorsqu'il est Guinéen, pour s'offrir sans contrepartie aux étrangers comme dans les années 60, comme si nous en étions encore au même stade de notre évolution (je reviendrai sur les audits dans un prochain papier).
Le gouvernement n'était pas prêt (pour preuve son retard dans sa déclaration de politique générale), il a pris certaines mesures symboliques qui peuvent donner l'illusion que le gouvernement travaille (récupération du patrimoine bâti ; chasse aux débiteurs de l'État ; retour au commerce étatique y compris avec des prix imposés dans certains secteurs, ou la volonté de créer des entreprises publiques, ou les décisions unilatérales de fournitures d'engrais), mais qui ne sont pas à la hauteur des besoins de la population.
Le budget présenté n'est pas en équilibre, on va donc continuer à dépenser ce que l'on n'a pas en espérant que la Communauté internationale, dont on écoute pas les conseils, va boucher les trous, et on s'imagine qu'une partie de notre dette va être annulée, non pas parce que l'on fait des efforts de rigueur et de bonne gouvernance, mais parce qu'il paraît que la Guinée est devenue une démocratie !!!
Qu’on ne s’y trompe pas : le peuple de Guinée acceptera des réformes, même si elles peuvent être douloureuses, mais à condition qu’elles soient justes et surtout qu’elles lui donnent l’espoir qui lui permette d’endurer sa douleur. Malheureusement un temps relativement proche, va leur permettre de constater que l'on est loin du compte.
Gandhi, citoyen guinéen
« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace ». (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, Mai 1791)
1Soit 5,5 milliards d'€ ou 8 milliards de $ (on considère de manière arrondie que 1000 GNF = 1€ ou 1,5$).
2Soit 7,5 milliards d'€ ou 11 milliards de $.
3A titre de comparaison par exemple, la Côte d'Ivoire a reçu des promesses :
- 100 millions $ par la Banque mondiale,
- 400 millions d'€ d'aide de la France,
- 4,5 milliards d'€ d'allègement de dettes (soit 50% de sa dette),
- 200 millions d'€ de l'UE.
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