Les massacres de Zoghota ne sont-ils pas constitutifs de crimes contre l’humanité ?

Makanera_02.jpg

Plusieurs villes de Guinée sont actuellement en ébullition, tant le mécontentement est généralisé. Fidèle et égal à lui-même dans son mépris vis-à-vis des Guinéens et des lois de la République, mépris matérialisé à plusieurs reprises par des exécutions extrajudiciaires de simples manifestants, le régime d'Alpha Condé s’achemine vers des massacres qui, comme le souligne l’ONG Avocats sans Frontières, prennent l’allure de crimes contre l’humanité.

Depuis l’accession d’Alpha Conté à la présidence de la République par la volonté non pas du peuple martyr de Guinée, mais du général Sékouba Konaté et de Tibou Camara, son régime ne cesse de se vampiriser en se nourrissant du sang d’innocents Guinéens. Le nombre de jeunes massacrés pour le seul fait de manifestation dont ils tirent (ou tiennent) le droit de l’article 10 de la constitution, est en constante croissance. Contrairement à beaucoup d’observateurs, je ne suis pas surpris des faits qui irritent et désorientent les Guinéens, à savoir les massacres et pillages de biens publics à l’échelle industrielle par Alpha Condé. S’il est vrai qu’un homme averti se donne les moyens de son ambition, le Président guinéen n’a pas fait exception à cette règle. Pour se donner les moyens de sa volonté de réprimer les Guinéens, il s’est attaché les services de tous les grands sanguinaires du pays en commençant par offrir une protection solide à ceux qui sont accusés par la commission d’enquête des Nations Unies d’être les auteurs des massacres et viols du 28 septembre 2009. Dans sa volonté de piller les biens publics, il s’est aussi attaché les services des plus grands prédateurs que la Guinée ait connus. Tous les spécialistes de cession à vil prix des biens publics contre des commissions occultes faramineuses, se sont retrouvés dans le cabinet présidentiel actuellement infesté de criminels de sang et de criminels économiques dont certains avaient reconnu et payé une partie des fruits de leurs pillages. La multiplication des affaires d'actes de corruption internationale impliquant le Président Alpha Condé témoigne en faveur de mes allégations. N’avez-vous pas constaté qu’il ne parle plus d’audit qui était pourtant son unique arme et argument politique ? Plus corrompu que lui tu rends l’âme sur place. Pour éviter que l’auditeur ne soit audité, on ne parle plus d’audit !

Mais dans cet article, il est question de parler des massacres effroyables de Zoghota perpétrés par les forces de défense et de sécurité d’Alpha Condé.

Selon le rapport des ONG (Avocats sans frontières, Pacem in terris et Mêmes produits pour tous) disponible sur la majorité des sites internet guinéens, il n’y a aucun doute sur la volonté meurtrière des auteurs et commanditaires de ces massacres. Les circonstances liées au nombre élevé d’éléments des forces de sécurité envoyés sur les lieux, l’heure à laquelle ils ont perpétré les massacres (vers minuit) et les raisons apparentes qui auraient motivé ces crimes (simple manifestation), ne laissent aucun doute, non seulement sur le caractère prémédité de ces crimes, mais aussi sur le fait qu’ils ont été commandités au plus haut niveau de l'État. N’oublions pas que le ministre de l’Administration du territoire et plusieurs autres ministres étaient à Nzérékoré, ville de départ des auteurs « présumés » des massacres effroyables dont sont encore victimes tous ceux qui se sentent guinéens. Qui peut nous convaincre que douze véhicules de l’armée remplis d’hommes lourdement armés se sont livrés à de tels massacres sans que l’ordre ne vienne du sommet de l'État ? La timide réaction des autorités et l’inexistence d’enquête sérieuse qui aurait abouti aux arrestations des auteurs qui sont connus des autorités, sont révélatrices du degré d’implication des hautes autorités car, il n’avait pas fallu 5 heures de temps aux forces de sécurité pour interpeller les présumés auteurs de tentative d’assassinat du Président Alpha Condé.

Ce sont entre autres les circonstances de ces horribles crimes qui fondent mes allégations selon lesquelles les massacres de Zoghota ont pris l’allure de crimes contre l’humanité conformément à l’article 7 du statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale.

Si un juriste n’est pas forcément un législateur, il est constant que l’analyse et l’interprétation des textes sont inhérentes à sa profession. Raison pour laquelle je vous soumets le résultat de mon analyse de l’article 7 du statut de Rome portant incrimination des faits qualifiés de crime contre l’humanité. Ensuite, il appartiendra à chacun de se faire son opinion sur l’existence ou non d’éléments constitutifs de crimes contre l’humanité au sujet des massacres de Zoghota, car je ne prétends pas détenir la vérité absolue.

La compréhension de mes arguments exige la reproduction d’une partie des dispositions de l’article 7 du statut de Rome dont les crimes de Zoghota me paraissent relever. Pour ceux qui le souhaitent, la totalité des dispositions du statut de Rome est disponible sur l'Internet.

Les voici, les dispositions de l’article 7 en question :

« Article 7 : Crimes contre l’humanité

1. Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque :

a) Meurtre ;

b) Extermination ;

c) Réduction en esclavage ;

d) Déportation ou transfert forcé de population ;

e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ;

f) Torture etc.……. »

Pour plus de clarté, les auteurs du statut de Rome ont introduit la précision suivante dans l’article 7-2

« 2. Aux fins du paragraphe 1 :

a)- Par « attaque lancée contre une population civile », on entend le comportement qui consiste en la commission multiple d’actes visés au paragraphe 1 à l’encontre d’une population civile quelconque, en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation ayant pour but une telle attaque ; »

Il est important de souligner que les critères qui induisent la qualification des faits de crimes contre l’humanité sont alternatifs et non cumulatifs, c’est-à-dire qu’il n’est pas exigé que les auteurs se rendent coupables à la fois de meurtres d’extermination, de réduction de la population en esclavage. Il suffit que l’un de ces éléments soit constitué. Dans le cas de Zoghota, les meurtres commis sont largement suffisants.

Après avoir pris connaissance de l’article 7 et suivants du Statut de Rome, des réponses à quelques questions s’imposent :

Y a-t-il eu massacres multiples ? Les habitants de Zoghota ont-ils été victimes d’attaques généralisées ? Les habitants de ladite ville constituent-ils une population ? Les auteurs des massacres ont-ils agi en connaissance de causes ? Enfin, tout ce qui précède est-il conforme aux dispositions du paragraphe premier de l’article 7 ci-dessus mentionné ?

Il est évident que des réponses positives s’imposent à toutes ces questions conformément aux exigences de l’article 7 portant incrimination des faits qualifiés de crime contre l’humanité par le Statut de Rome.

Les habitants de Zoghota constituent bien une population locale déterminée, qui ont été victimes d’attaques généralisées car les attaques n’étaient pas dirigées contre telle ou telle personne mais, contre toute la population par des hommes armés qui agissaient en connaissance de cause, le caractère prémédité des massacres étant une évidence. Il suffit de revoir le paragraphe 1er de l’article 7, vous trouverez que les massacres de Zoghota renferment les éléments constitutifs de crimes contre l’humanité.

Il est important de souligner que la qualification de crimes contre l’humanité n’est pas subordonnée aux massacres de centaines ou de milliers de personnes. Il suffit que les massacres soient multiples (plusieurs) et que les circonstances et les motifs des massacres répondent aux exigences du paragraphe 1er de l’article 7 du Statut de Rome reproduit ci-dessus.

Ces massacres sont d’autant plus inadmissibles qu’ils ne sont pas d’être rattachés à quelque légalité que ce soit. Ce qui en fait des massacres hors toute légalité.

Les victimes de Zoghota sont accusées de manifestation non autorisée, fait qui est prévu et réprimé par le code pénal guinéen en son article 109 alinéa 2 qui dispose que :

« Seront punis d'un emprisonnement de 2 à 5 ans et d'une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs guinéens ceux qui auront participé à l'organisation d'une manifestation non déclarée ou qui a été interdite.

Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, les coupables pourront être condamnés à l'interdiction de séjour dans les conditions prévues à l'article 40 du présent Code ».

Conformément au code pénal, une manifestation non autorisée relève du tribunal correctionnel avec les peines mentionnées ci-dessus. En aucun cas et dans aucune situation les auteurs de manifestations ne peuvent légalement être réprimés dans le sang, notamment par des exécutions extrajudiciaires qui se multiplient en Guinée. Ces massacres sont des crimes horribles que tout Guinéen doit, au nom de notre droit de résistance à l’oppression sur le fondement de l’article 21 alinéa 4 de la constitution, doit condamner et exiger que leurs auteurs et commanditaires soient punis à la hauteur de leurs crimes.

Si pour le moment nous ne connaissons pas les auteurs et commanditaires de façon individuelle, il est quand même évident que ces crimes sont l’œuvre des forces de défense et de sécurité. Ce seul constat nous permet de citer les nids de possibles responsabilités des massacres en question.

Où faut-il rechercher les responsabilités des massacres de Zoghota ?

Sans enfreindre le principe de la présomption d’innocence, nous estimons que les responsabilités de ces massacres peuvent être recherchées dans les institutions désignées ci-dessous :

Président de la République

Le Président de la République est aussi le chef suprême des armées et ministre de la défense. En cette qualité, l’armée est censée traduire sur le terrain, l’ordre qui lui vient du Président de manière directe ou indirecte. La timide réaction par simple communiqué du Président de la République, alors qu’il se déplace facilement quand le siège de son Parti subit les coups de pierres des jeunes adolescents et l’absence de mise en cause dans cette affaire, font peser un fort soupçon sur lui. Ce sentiment est renforcé par le compte rendu du dernier conseil des ministres relatif aux massacres. Il a été simplement dit ce qui suit :

« Abordant les malheureux événements de Zoghota et Siguiri, le conseil a décidé d’envoyer sur place des missions multipartites. Tous les aspects liés à ces tentatives de remise en cause de l’autorité de l’Etat et de manipulations de citoyens feront l’objet d’enquêtes approfondies et les présumés coupables poursuivis ».

Il est clair que le sort des victimes n’est pas la préoccupation du Pouvoir. Aucune mention relative aux auteurs des massacres. Ce qui intéresse le Pouvoir, c’est de chercher les coupables dans la population victime tout en accordant une fois de plus l’impunité aux criminels.

Dès lors, on peut envisager la responsabilité du Président Alpha Condé, éventuellement devant la Cour Pénale Internationale car, l’article 27 du Statut de Rome fait échec à la qualité d’officiel. C’est-à-dire que la qualité d’officiel (chef d’Etat, chef de gouvernement, élus, etc...) n’est ni une cause d’exonération, ni une cause d’atténuation des peines. La C.P.I., ne connaît pas d’immunité.

Chef d’état-major des armées

Le chef d'état-major est l’un des maillons de cette longue chaîne de commandement. Les ordres venant de la Présidence transitent en principe par là, avant d’aller sur le terrain. Par conséquent, l’ordre manifestement illégal qui serait relayé par le chef d'État-major, servirait d’élément qui engagera sa responsabilité. Conformément à l’article 28 du Statut de Rome, les chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques doivent répondre des crimes commis par leurs subordonnés. Il est à noter que les supérieurs hiérarchiques civils et militaires sont responsables des faits de leurs subordonnés non seulement s’ils ordonnent des faits criminels, mais aussi s’ils ne prennent pas les mesures nécessaires pour les en empêcher.

Dans le cas guinéen, les supérieurs hiérarchiques civils et militaires ne peuvent pas soutenir à la fois qu’ils n’ont pas donné l’ordre de massacrer ou qu’ils avaient tout fait pour les empêcher, car les massacres ont été commis à plusieurs reprises sous la présidence d’Alpha Condé. Ils avaient tout le temps et tous les moyens pour éviter d’autres massacres après avoir constaté les premiers. Le fait qu'Alpha Condé protège les auteurs présumés des massacres du 28 septembre 2009, révèle sa difficulté à condamner les crimes qui ne le touchent pas personnellement. C’est pourquoi on peut estimer que les supérieurs hiérarchiques civils et militaires sous la subordination desquels se trouvaient les militaires assassins de Zoghota n’auront pas la tâche facile pour s’exonérer si cette affaire arrive devant la CPI.

Les subordonnés exécutants

Il s’agit de soldats exécutants. Malgré leur obligation de soumission aux ordres venant des supérieurs hiérarchiques, l’exécution d’un ordre manifestement illégal engage leurs responsabilités pénales sur le fondement de l’article 33 du Statut de Rome. C’est la consécration de la théorie de la baïonnette intelligente qui interdit aux subordonnés d’exécuter un ordre manifestement illégal. Un ordre manifestement illégal est celui dont l’illégalité saute aux yeux au premier coup d’œil. Par exemple, le massacre de populations civiles non armées. L’article 11 de l’ordonnance N° 17 du code guinéen de la fonction publique, interdit aux fonctionnaires d’exécuter des ordres manifestement illégaux. Tous les militaires qui se sont comportés en robots sans réfléchir et se sont livrés aux massacres sur la paisible population de Zoghota qui n’a fait que protester contre les discriminations à l’embauche dont elle est victimes, auront fort à faire avec la Cour Pénale Internationale si cette dernière s’en saisit.

Il faut souligner que le cas des auteurs et commanditaires de ces massacres est aggravé par l’article 6 de la Constitution qui dispose :

« L'être humain a droit au libre développement de sa personnalité. Il a droit à la vie et à l'intégrité physique et morale; nul ne peut être l'objet de tortures, de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Nul n'est tenu d'exécuter un ordre manifestement illégal. La loi détermine l'ordre manifestement illégal. Nul ne peut se prévaloir d’un ordre reçu ou d’une instruction pour justifier des actes de tortures, de sévices ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants commis dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. Aucune situation d’exception ou d’urgence ne doit justifier les violations des droits humains ».

En conclusion, nous tenons le président de la République en sa qualité de chef des armées et ministre de la Défense, responsable des massacres de Zoghota tant que les auteurs et commanditaires ne sont pas traduits et jugés par la justice nationale ou internationale.

Le peuple de Guinée doit exiger et obtenir que justice soit rendue à nos compatriotes lâchement massacrés en pleine nuit sur la terre de leurs ancêtres. La politique de sac de riz, de distribution de billets de francs guinéens et de nomination dans l’administration de certains ressortissants de la Guinée forestière ne doit pas nous conduire à trahir la mémoire de nos martyrs de Zoghota. Exigeons la vérité, quel que soit le prix à payer, car on n’a pas le droit de faire sa carrière sur les cadavres ses frères.

Pour finir, je voudrais savoir où sont passés les ministres originaires de la Guinée forestière qui, pendant la campagne électorale, se disaient défendre les habitants de cette région ? Ils sont pourtant nombreux dans le gouvernement. Qui d’entre eux a condamné les massacres de ceux dont ils se réclamaient défenseurs, à plus forte raison démissionner de son poste ministériel ? C’est pourtant le quatrième massacres dont est victime la population de cette région sous le règne d’Alpha Condé.

Les Guinéens doivent se servir entre autres de cet exemple pour comprendre que les ethno-stratèges ne défendent que leurs intérêts égoïstes. Le sort de la population dont ils se réclament défenseurs est loin de leurs préoccupations. La preuve en est faite suite aux massacres de Zoghota où aucun membre du gouvernement originaire de la forêt n’a condamné les massacres, ce qui ne dédouane pas le silence coupable des autres ministres car ils sont tous des ministres de la République et non de telle ou de telle région. La condamnation devait venir de tout le gouvernement.

Makanera Ibrahima Sory Juriste Fondateur du site « leguepard.net »

Ibrahima Sory Makanera

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire