QUE DEVIENNENT LES GUINEENS DANS LA TOURMENTE LIBYENNE?
- Par Administrateur ANG
- Le 07/03/2011 à 21:11
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Il s'agit naturellement des Guinéens vivant en Jamahiriya libyenne du Colonel Mouammar Kadhafi. Un texte du site www.guineenews.org les estime à 1 300. Mais quel diable a conduit un si grand nombre de nos compatriotes à immigrer sous une dictature connue de longue date de tous?
A part quelques dirigeants politiques subsahariens qui s'y rendaient comme d'autres se rendent à La Mecque ou au Vatican , tout le monde savait les ingrédients que le tyran libyen condérait comme une stratégie du pouvoir. Mais si les croyants se rendent dans les deux lieux saints cités pour prier le Seigneur, les politiciens qui se rendaient à Tripoli, le faisaient (j'utilise le passé à bon escient), pour obtenir, non seulement l'onction de Kadhafi dans leur exercice du pouvoir mais et surtout pour obtenir du Crésus Libyen, tout plein d'argent quelques liasses de billets de banque qui valent bien, à leurs yeux, la traversée de l'immense Désert du Sahara. Pensaient-ils à la démocratie qu'ils galvaudent tous les jours que Dieu fait et à la liberté du peuple libyen dont un grand nombre vit dans le chômage et la misère? Pas le moins du monde! L'ampleur de l'insurrection qui secoue le pays, depuis le 15 février, atteste d'ailleurs les frustrations accumulées en plus de quarante et un ans par un grand nombre de libyens. C'est l'étincelle du réveil qu'ils attentaient. Elle est venue de Tunisie et d' Egypte. Cette révolution arabe, personne ne l'avait prévue; même pas dans les grandes démocraties qui s'accommodent bien de situations démocratiques parfois contraires à leurs grands principes tant que leurs intérêts nationaux, économiques et autres ne sont pas remis en cause.
La réalité d'un Etat de dictature comme celui que Kadhafi a exercé sur la Libye depuis plus de quarante et un ans ne pouvait pas échapper à des hommes d' Etat dignes de ce nom en Afrique subsaharienne. C'est en effet dans cette Afrique où la recherche de la dignité et de la réhabilitation de l'homme noir, ( tant bafoué dans l'Histoire depuis ce que certains ont appelé la malédiction de Cham ) , étaient devenues une ardente obligation morale dans la lutte politique depuis 1945. C'est dans cette zone géographique de la planète où l'on était en droit d'attendre une conformité des professions de foi et des comportements des dirigeants politiques. Hélas! la lignée de quelques grands leaders du passé, vite éteinte, ( Senghor du Sénégal, Julius Nyerere des premières années de sa présidence en Tanzanie, Gamal Abdel Nasser d'Egypte) a fait place le plus souvent à des arrivistes sans vision politique pour leur pays. Tout en critiquant « l'Occident colonialiste ou néocolonialiste », ces politiciens de bas étages, ne cessent de lui tendre leur sébile pour le moindre projet de « développement » dans leur pays. C'est cette quête de moyens financiers, rarement utilisés pour l'intérêt général, qui a conduit nombre d' entre eux à fermer les yeux et à se soumettre aux caprices d' un dictateur fantasque du genre de Mouammar Kadhafi du moment que la « générosité » dont il faisaitt preuve à leur égard et au détriment des besoins des Libyens leur a semblé supérieure aux vagues principes généraux de liberté et de démocratie. C'est ainsi que la majorité des sujets de Kadhafi, et des enquêtes le prouvent,en sont venus à manifester un profond mépris pour les noirs africains dont certains ont déjà subi la vindicte populaire sous l'accusation de mercenaires du tyran libyen . Y a-t-il des mercenaires noirs en libye? Toujours est-il que des pays sont cités mais ce mercenariat ne peut pas concerner des étudiants dont des Guinéens qui se trouvent coincés dans ce pays depuis le 15 février dernier. Des pays ont déjà évacué leurs ressortissants. La Guinée elle n'a pas trouvé mieux que de faire appel , par son Ministre des Affaires étrangères, à des gouvernements étrangers (Maroc,Arabie Saoudite, Algérie, Chine) pour le rapatriement de ses ressortissants. Et pourtant certains de nos malheureux compatriotes ont lancé des appels au secours pour les sortir d'une situation qui pourrait se transformer en une somalisation de la Libye.
La nouvelle réalité de la révolution qui déferle sur le monde arabe depuis la fuite de Ben Ali de Tunisie, le 14 janvier, aurait pu constituer une sérieuse alerte pour le gouverment d'un pays comme la Guinée qui a connu la dictature.
Au lieu de scruter et de tirer rapidement des leçons du signal avertisseur de la nouvelle donne du monde arabe , le manque d'imagination s'est encore manifesté dans notre pays. Le nouveau Président de la République de Guinée , Alpha Condé, dont le fonds de commerce politique a été sa longue opposition aux dictateurs guinéens, a déclaré promptement son soutien au dictateur libyen. C'est dire qu'à la déclaration de ce soutien autour du 21 février, il ne croyait pas aux vagues de fond insurrectionnelles qui avaient déjà emporté Ben Ali de Tunisie et Moubarak d'Egypte. La realpolitik aurait donc pu consister pour Alpha Condé à s'abstenir de soutien (devenu sans doute encombrant pour lui) à un dictateur dont les méthodes sont connues de tous. Ce soutien ne sera pas oublié par des membres de l'insurrection et pourrait se retourner contre des Guinéens étudiants ou simples travailleurs au pays de Kadhafi.
Quoi qu'il en soit de l'issue de l'insurrection libyenne en cours, on peut, sans risque de se tromper, penser qu'on ne reverra plus la flamboyance théâtrale et loufoque du guide de la jamahiria, personnage aux rêves insensés (comme son intention de devenir le roi d'Afrique). Cela sera aussi la fin de la distribution grand-guignolesque de “sucettes” humiliantes à ses homologues venus du sud. Car la méthode Kadhafi était, à présent , bien huilée . A une époque, chef d'Etat voyou , commenditaire d'attentats sur deux avions commerciaux avec passagers (Pan Am et UTA) dont il reconnaîtra plus tard le bien-fondé jusqu'à aller indemniser des victimes, il fut mis au ban des nations, hors l'Afrique où, il apparaîtra aux yeux de certains comme le parangon du panafricanisme bien qu'il ait souvent tenté de déstabiliser quelques Etats. Mais la mésaventure arrivée à un autre dictateur, Saddam Hussein d'Irak et qui se terminera par son exécution par pendaison , le 30 décembre 2006, à Bagdad, pour crime contre l'humanité va fortement impressionné Kadhafi. C'est alors qu'il va franchir en 2007, les dernières étapes de sa réintégration dans la communauté internationale. Comme l'écrit François Soudan dans l'hebdomadaire Jeune Afrique (n° 2616 du 27 février au 5 mars 2011) : « Afin d'éviter le sort de Saddam Hussein, dont les images l'obsèdent , il se rend aux Américains , livre ses armes de destruction massive ainsi que les noms et adresses de tous les mouvements terroristes qu'il a hébergés et financés. C'est au prix de la trahison de ce qui lui restait d'idéal qu'il négocie sa survie » et d'expliquer aux Libyens ,déjà le 1er septembre 2002: « Nous devons nous conformer à la légalité internationale même si elle est truquée, sinon nous serons tous égorgés. ». Voilà des paroles qui commençaient à troubler bien des Libyens. Mais pas un nouveau venu dans le Syndicat des Chefs d'Etat africains comme le Président guinéen Alpha Condé. Il est bien vrai qu'au Sud Sahara, sont nombreux dans ce Syndicat les obligés de Mouammar Kaddafi, on l'a déjà dit, à travers divers investissements immobiliers (hôtels) notamment, liasses d'espèces sonnantes er trébuchantes etc. Toute cette politique de corruption au sommet de quelques Etats africains vaut - elle la liberté et la dignité des Guinéens? En aucune façon, il faut répondre massivement Non et Non comme en septembre 1958, si d'autres l'ont oublié avec le calice du pouvoir.
C'est pourquoi, tout doit être entrepris pour sortir les étudiants guinéens de l'enfer libyen et faire en sorte de ne plus envoyer des étudiants dans tout pays à régime dictatorial. Tout régime de dictature est un régime en sursis. Même si Mouammar Kadhafi se sort, au mieux pour lui, de la nouvelle donne libyeenne en cours, sa faconde en sera profondément flétrie et l'état sociétal qui suivra ne sera pas des plus favorables pour des étudiants étrangers.
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