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Que font Alpha Condé et « sa » nouvelle alliance ?

Depuis quelques temps, la pression semble être retombée entre le pouvoir et l'opposition. Pourtant, même si rien de spectaculaire ne semble se passer, un certain nombre d'éléments montrent que ces élections se préparent, même indirectement. C'est ce qu'il convient de voir, tout en essayant de comprendre la finalité de la nouvelle alliance, qui se proclame être dans l'opposition, alors que rien ne montre qu'il en aille ainsi.

Les manœuvres d'Alpha Condé pour organiser ses élections législatives

 

Depuis le 17 Août dernier, à l'issue de la rencontre entre le Collectif des 20 partis de l'opposition et le MATD, Alhassane Condé avait promis de faire examiner par Alpha Condé, le mémorandum qui lui avait été remis par le Collectif.

 

Comme ces revendications n'ont pas été suivies d'effet, on peut en conclure qu'elles ont été implicitement refusées par Alpha Condé, qui cherche un autre moyen de le signifier, plutôt que d'exprimer publiquement un refus.

 

Pour se faire, il essaie de diviser l'opposition et s'y emploie d'au moins 8 manières différentes :

* accepter le dialogue avec l'opposition de manière globale,

* accorder une audience à certains responsables de l'opposition,

* se conformer à la Constitution par la révision du fichier électoral existant,

* solliciter le soutien des commerçants,

* gracier des militants de l’UFDG,

* désigner les responsables de la Commission de réflexion sur la réconciliation,

* faire des effets d'annonces pour occuper l'espace médiatique,

* susciter la création d'une nouvelle alliance.

 

 

1°) - Accepter le dialogue avec l'opposition de manière globale

On pourrait être tenté de croire qu'il s'agit là d'un signe de décrispation d'Alpha Condé. Ceux qui le connaissent savent qu'il n'en est rien. Par contre, en vrai politicien qu'il est, il sait toujours tirer profit des contraintes qui s'imposent à lui, pour présenter celles-ci comme des actes d'apaisement, en l'occurrence une ouverture au dialogue. C'est accessoirement la fermeté de l'opposition qui a payé, mais surtout la communauté internationale dont on parle peu, mais qui est pourtant omniprésente, qui fait pression pour que les élections se déroulent dans un climat apaisé. Il n'est pas question pour cette dernière de revivre des conflits post-électoraux, comme certains pays africains ont pu en connaître.

 

La mamaya organisée mi-Août avec certains partis politiques pour ne déboucher sur rien, et qui n'a effectivement débouché sur rien, a donné lieu à une rencontre ultérieure avec le Collectif, c'est-à-dire les partis qui comptent.

 

Pour ceux qui se posent des questions sur le poids électoral des partis, chacun peut évidemment fantasmer sur le score potentiel de son parti, mais la réalité prise en compte par la Communauté internationale, que cela plaise ou non, est constituée des statistiques officielles du premier tour de l'élection présidentielle. De ce fait, le Collectif représente plus

de 60% du corps électoral. Encore une fois, chacun pourrait, à juste titre, contester ou argumenter dans un sens ou dans un autre, en fonction de critères qui lui sont propres, mais la Communauté internationale ne s'embarrasse pas de ces fioritures, et fonde ses analyses sur des chiffres officiels, en attendant d'autres à venir.

 

 

2°) - Accorder une audience personnelle à certains responsables de l'opposition

Tout homme politique devrait avoir à son chevet « le Prince » de Nicolas Machiavel, qui constitue un vade mecum cynique de tout détenteur de pouvoir. Mais on oublie trop souvent que si les conseils au prince peuvent être utiles, ils sont transparents et fonctionnent donc dans les deux sens.

 

On a beaucoup médiatisé la rencontre avec Sidya Touré. Il ne faut pourtant pas se tromper. Il sera difficile pour Sidya d'être un PM d'Alpha Condé, essentiellement à cause des divergences de vue sur la politique économique (l'un est libéral, l'autre prône un engagement important de l'État), mais surtout la manière de travailler de l'un, s'accorde difficilement avec celle de l'autre, qui a déjà donné en tant que PM. Il est quasiment le seul (si l'on excepte Lansana Kouyaté et JMD), à connaître la différence entre un PM autonome et un PM bridé dans ses prérogatives par un supérieur hiérarchique.

 

Il n'empêche, en l'absence d'informations qui n'ont pas fuité, sauf rumeurs savamment téléguidées, il est facile de fantasmer sur différents scenarii.

 

Mon sentiment est que Sidya Touré, qui doit reconstituer son parti, ne peut pas prendre le risque de se noyer dans une alliance avec Alpha Condé, qui parasiterait ses résultats personnels, et dont on a vu que l'électorat était partagé. Même certains responsables de l'alliance ADP (Kouyaté et Sylla) ont fait ce calcul, qu'ils obtiendraient davantage en dehors de l'alliance Arc-en-ciel, qu'à l'intérieur1.

 

De la même façon, Sidya Touré se sent un peu à l'étroit au sein du Collectif, dont beaucoup ont beau jeu de n'y voir que l'UFDG, et par extension les peuls. Tous les politiciens de Guinée ont découvert avec les premières élections libres, les règles de la démocratie, dont la première est la loi du nombre. Et beaucoup n'acceptent pas ces nouvelles règles.

 

Sidya Touré est donc partagé entre son désir de faire respecter les règles démocratiques, et de rester au sein du Collectif où il est de moins en moins à l'aise cependant, et celui d'intégrer éventuellement la nouvelle Alliance, qui cherchera à l'amener vers elle, qui a peut-être été créée pour cela (voir ci-après), et au sein de laquelle il en serait l'un, sinon le leader. Cela serait même davantage facilité avec la décision de Lansana Kouyaté de ne pas faire d'alliance politique (élus au compte de l'ADP), mais une alliance électorale (où chaque parti compterait les siens).

 

On apprend également que Saliou Bella Diallo, surtout présenté comme un des vice-présidents de l'UFDG, a aussi rencontré Alpha Condé (sans mandat de l'UFDG), après intervention d'Ahmed Tidiane Souaré. Le but est double, d'une part montrer qu'en dehors des deux leaders de l'UFDG que sont Cellou Dalein Diallo et Oury Bah, le dialogue est possible avec des hommes présentés comme « raisonnables ». D'autre part, essayer de débaucher des responsables de l'opposition, pour là encore, montrer une ouverture aux autres.

1 En effet, ceux qui veulent sanctionner Alpha Condé et le RPG, pourront aisément se reporter sur l'alliance, alors que c'eût été plus difficile si tout le monde était resté à l'Arc-en-ciel.

 

Il se trouve que je ne connais pas Saliou Bella Diallo. Certes cela ne signifie pas qu'il n'ait aucune notoriété. Mais en dehors du fait d'avoir été ministre représentant l'UFDG dans le gouvernement de transition de JMD, où son bilan est d'ailleurs inexistant (mais ce n'est pas le seul), ce monsieur ne s'est pas fait connaître pour des actes politiques de premier, et même de deuxième plan. Beaucoup – même ceux qui ne le connaissent pas – n'ignorent pas son appétit pour les apparences, son désir presque indécent d'être ministre à tout prix, quel que soit le régime, bref un politicien guinéen tel qu'il en existe à chaque coin de rue. J'avais cru comprendre que le changement consistait à balayer tous ces gens, préoccupés davantage par leur avenir personnel que par celui du pays.

 

Tout le monde peut travailler avec Alpha Condé, mais chacun doit le faire en connaissance de cause, à savoir rejoindre le camp des anti-démocrates, qui en outre, ne respectent pas l'état de droit par violation régulière de la Constitution.

 

 

3°) - Se conformer à la Constitution en acceptant une révision du fichier électoral existant

Là encore, ce qui est présenté par certains comme une ouverture d'Alpha Condé, n'a pas pour moi la même vertu. Il ne fait qu'appliquer la Constitution qui interdit expressément un nouveau recensement pour les élections législatives. Cette acceptation est donc un non événement, puisqu'il ne pouvait pas en être autrement.

 

Toutefois à l'image de Laurent Gbagbo, qu'on a appelé « le boulanger » pour sa propension à rouler ses opposants dans la farine, Alpha Condé est tenté d'en faire autant, en indiquant par la bouche de son homonyme, que recensement et révision sont quasiment la même chose.

 

En outre, en voulant lier la révision électorale faite exclusivement par la CENI, et la distribution de cartes d'identité, qui devrait être obligatoirement faite par les représentants du MATD, on entretient une confusion volontaire et malsaine. La vigilance s'impose donc.

 

 

4°) - Solliciter le soutien des commerçants

Comme je l'ai indiqué dans mon précédent papier, Ahmed Tidiane Souaré a été envoyé en mission commandée pour rencontrer certains commerçants et les amener à travailler avec Alpha Condé. Cela semble difficile idéologiquement parlant, car par définition les commerçants souhaitent le minimum d'intervention de l'État, ce qui n'est pas l'idée principale d'Alpha Condé. Par ailleurs, Alpha Condé a exprimé tout haut ce que – paraît-il - beaucoup pensent tout bas... mais il a oublié que lui ne pouvait plus le dire, en tant que président de tous les Guinéens. En continuant ses diatribes d'opposant politique et en se présentant comme le président du RPG (qu'il est toujours, ce qui constitue une faute symbolique grave), il a coupé les ponts (définitivement ?) avec ces commerçants, et par extension avec la grande majorité de la communauté peule.

 

 

5°) - Présenter la grâce des militants de l’UFDG injustement arrêtés en Avril comme un signe d'ouverture vers l'opposition et une première réponse à leurs revendications

Contrairement au titre de ce paragraphe, l'amnistie du 15 Août n'est pas, comme le signalent certains sites, un geste de réconciliation nationale, mais le simple rétablissement d'une injustice. Depuis quand le simple fait d'aller à l'aéroport constitue t-il un délit ?

 

Par ailleurs, il existe de nombreux autres prisonniers « politiques », les étudiants grévistes de l’Institut des arts de Dubréka, voire les civils enfermés à la suite, mais également la veille des « évènements » du 19 Juillet.

 

Les militaires qui saccagent les domiciles privés, qui volent les boutiques de commerçants, qui rackettent les automobilistes, sont eux, amnistiés d'office et a priori.

 

 

6°) - Désigner les deux premiers responsables de la Commission de réflexion sur la réconciliation nationale

La réconciliation nationale est un travail de longue haleine, dont de nombreux internautes ont expliqué en détail, comment elle pouvait être mise en œuvre. Je réitère mes commentaires précédents : créer une Commission, non pas pour résoudre ces situations, mais pour réfléchir est une fumisterie. En outre, l'archevêque Vincent Coulibaly, n'est pas ce qu'on appelle une personne intègre et impartiale. Ceux qui l'ont oublié n'ont qu'à rechercher ses scandaleuses déclarations après les massacres du 28 Septembre 2009. L'avantage d'Internet, c'est que l'informatique est indélébile, et beaucoup devraient s'en souvenir.

 

 

7°) - Faire des effets d'annonces pour occuper l'espace médiatique

Faire la campagne sans en avoir l'air. C'est l'un des avantages du pouvoir que de se faire sa publicité, notamment avec les projets chinois et brésiliens, les ministres multipliant les apparitions publiques, à la faveur du lancement de projets (barrage hydroélectrique de Kaléta, projet minier de Boffa avec la China Power Investment, projet minier de Faranah-Forécariah avec Belzone).

 

Néanmoins, comme je l'ai signalé précédemment, il existe deux problèmes : un problème financier et un problème d'intérêt pour la Guinée.

 

Le problème financier est simple : comment s'engager sur 6 milliards de $ par exemple, alors qu'on est incapable de rembourser 3,5 milliards de $ ? Sur le plan théorique, cela ne pose aucun problème puisque personne ne s'est levé pour critiquer cette décision, mais sur le plan macro-économique, cela risque de faire grincer des dents à l'extérieur. Et comme Alpha Condé n'écoute pas les reproches internes (il n'en fait qu'à sa tête), il est heureux que le FMI s'en mêle ultérieurement.

 

Le problème d'intérêt est le suivant : pour être efficaces, les Chinois importent souvent leur propre main d'œuvre, d'où l'intérêt pour la jeunesse guinéenne qui est posé. Par ailleurs la maintenance et l'entretien seront-ils assurés ensuite par des Guinéens ?

 

Enfin le projet d'usine d'alumine, rapportera davantage de recettes à l'État, mais chacun sait que cela n'est pas un gage de développement de la Guinée. Et pourquoi pas directement l'aluminium, dont le marché local pourrait tirer profit ?

 

 

8°) - Susciter la création d'une nouvelle opposition : l'ADP

Cela fait l'objet d'une deuxième partie ci-après.

 

 

Une alliance de circonstance et opportuniste

 

A peine créée, l'Alliance pour la démocratie et le développement (ADP) s'est montrée telle

qu'elle est, du point de vue de Jean-Marie Doré (JMD), en fustigeant ses rapports avec le Collectif, qu'il qualifie d'extrémistes et de va-t-en-guerre, et accusant ses membres de distiller des discours incendiaires.

 

Le but de cette alliance (du point de vue de JMD), c'est d'apparaître comme une opposition responsable pour pointer du doigt le Collectif, dont ils vont essayer progressivement d'amener à eux, tous ceux qui ne sont pas de l'UFDG (synonyme de peuls). Tous les petits partis, les individualités et même Sidya Touré seront incités à les rejoindre. C'est la seule finalité de ce groupe pour JMD, habitué à nager en eaux troubles.

 

Il faut donc rappeler cette alliance à ses déclarations originales. Soit ils sont – comme ils le disent - pour des modifications à la CENI, pour une simple révision du fichier électoral, et pour le rétablissement des élus locaux, et dans ce cas on ne comprend pas ces déclarations hostiles au Collectif, dont ils partagent les idées, soit ils ont changé d'avis, auquel cas, on ne comprend pas pourquoi ils ne retournent pas rejoindre l'alliance arc-en-ciel.

 

S'il existe deux groupes distincts, c'est bien parce qu'il n'existe des nuances, sinon ils ne feraient qu'un. A moins que les politiciens qui découvrent tous les règles de la démocratie, constatent que s'allier à l'UFDG, c'est nécessairement se situer en numéro 2, ce que beaucoup ont du mal à admettre ou même à concevoir. On a donc du mal à comprendre, si une opposition se bat contre un régime en place, ou si ceux qui se font appeler opposition (modérée), se battent contre la vraie opposition. À JMD de nous éclairer et de rester tranquille, tant qu'il n'aura pas solutionné ces problèmes de sémantique.

 

Si l'opposition de JMD est réelle, qu'il le dise clairement. Mais s'il veut encore faire des coups tordus, comme il fut le spécialiste sous la transition, il faut qu'il sache que personne n'a oublié. On ne reviendra pas sur son gouvernement, qui non seulement n'a pas dénoncé les exactions qui se sont produites pendant cette période, mais a en outre été l'un des acteurs ou des instruments de ces politiques.

 

Les trois leaders de cette alliance (Kouyaté, JMD et Sylla) critiquent la politique d'Alpha Condé, mais seulement celle qui risque de limiter leur influence à l'Assemblée nationale. Concernant les nombreuses violations de la Constitution, et les atteintes à l'unité nationale, on n'a entendu personne, preuve qu'ils ne sont préoccupés que par leurs résultats électoraux.

 

Certains commentateurs sous-entendent que cette alliance n'est qu'une simple mise en scène, concertée avec Alpha Condé, pour jouer le rôle d'opposition, si le Collectif venait à boycotter les législatives, dans l'hypothèse où les conditions d’une élection libre et transparente ne sont remplies. C'est mal connaître l'histoire de la Guinée, ou la volonté de l'opposition de parvenir à des élections libres, crédibles et transparentes, telles que les voulaient Alpha Condé entre les deux tours. L'arroseur arrosé devra donc subir les mêmes règles qui s'appliquent à tous.

 

D'autres évoquent une alliance destinée à rallier des personnalités de l'opposition (vu ultérieurement). C'est à la fois un mélange de tout cela. Les objectifs des uns (JMD) n'étant pas forcément les mêmes que ceux des autres (Sylla et Kouyaté), mais ce qui est clair, c'est que la structure existante aura à défendre ses intérêts propres, et ils ne seront pas toujours conformes aux intérêts des deux camps de départ. C'est donc la conjonction de tous ces intérêts contradictoires, qui ont amené à la création de cette nouvelle alliance, dont malgré les déclarations de JMD, on a du mal à voir les nuances.

 

 

 

Conclusion

 

La vraie opposition (le Collectif) doit donc resserrer sa cohésion pour obtenir la satisfaction de ses revendications, dont il faut rappeler, qu'elle n'est que l'application stricte du respect de la loi. Il n'y a rien donc rien d'extraordinaire dans celles-ci.

 

La nouvelle alliance qui a déclaré s'inscrire dans ces mêmes revendications, doit prouver qu'elle ne désire pas autre chose que le respect des textes.

 

Qu'Alpha Condé tente de déstabiliser l'opposition, fait partie des péripéties classiques de la vie politique, mais il serait stupide de croire que les gesticulations du pouvoir, peuvent faire oublier le contenu des revendications.

 

 

 

 

Gandhi, citoyen guinéen

 

« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au

moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace ». (Robespierre, Discours

sur la liberté de la presse, Mai 1791).

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