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Rabiatou Serah Diallo : "Je crains des affrontements entre communautés"

À moins d’un mois de l’élection du chef de l’État, la présidente du Conseil national de transition (CNT) de Guinée revient sur le chemin parcouru, sur ses craintes et sur ses ambitions personnelles.

Jeune Afrique : Quelle est aujourd’hui votre mission, après la révision de la Constitution et du code électoral ?

Rabiatou Serah Diallo : La réconciliation nationale et la défense des droits humains sont nos nouvelles priorités. Notre objectif est de lancer très rapidement le Forum sur la réconciliation nationale, impliquant les associations des victimes des différents régimes.   Si nous ne posons pas les bases de cette réconciliation, aucune autorité ne pourra travailler correctement.

Craignez-vous des troubles pendant la période électorale? 

Je crains des affrontements entre communautés, entre militants, et même au sein des familles. 70 % de la population est analphabète, et les gens n’ont pas de culture démocratique, donc pour une question d’intérêts, ils peuvent déraper. Et puis il y en a qui ne veulent pas des élections et qui profitent des troubles pour gagner leur vie.

Récemment, vous avez menacé de démissionner si la date du 27 juin n’était pas respectée. Malgré les risques que vous évoquez, vous tenez à l’élection…

Oui. J’y tiens beaucoup et à la date prévue. Cette élection est un passage obligé pour sortir de la crise. Les populations sont impatientes. On ne peut pas aller de report en report. 

La classe politique a critiqué le nombre élevé de membres du CNT et le profil de certains d’entre eux…

Oui, au début. Mais les partis politiques n’ont pas claqué la porte et ils ont participé aux travaux. Aujourd’hui, tout le monde est content. La nouvelle Constitution que nous avons élaborée ramène le mandat présidentiel de sept à cinq ans, instaure la séparation des pouvoirs et rend obligatoire la déclaration de patrimoine pour le président élu. Nous avons aussi créé la Cour constitutionnelle et la Cour des comptes. Le prochain président ne pourra pas faire n’importe quoi ! Nous ne voulons pas que la jeunesse vive ce que nous avons vécu pendant plus de cinquante ans.

Il y a 24 candidats à la présidentielle, est-ce trop ?

On ne s’attendait pas à un nombre aussi élevé, mais ce n’est pas étonnant vu le nombre de partis politiques [plus de 120, NDLR]. Les leaders auraient pu avoir pitié du peuple et s’entendre pour nouer des alliances. Autant de candidats, ça pose problème. Comment couvrir la campagne de 24 candidats et prendre en charge leur sécurité ?

Que pensez-vous de la candidature de Saran Daraba Kaba, seule femme engagée dans la course ?

Ce qui me gêne, c’est justement qu’elle soit la seule, mais c’est déjà pas mal. Les femmes doivent participer aux prises de décision, car elles font moins de dégâts [que les hommes]. Confions les Finances ou la Défense à une femme et on verra. On dit que la nuit porte conseil, ce n’est pas vrai. C’est la femme qui porte conseil la nuit, sur l’oreiller !

Vous avez souvent déclaré n’avoir aucune ambition politique, est-ce que ça pourrait changer ?

Chacun marche avec son destin. Mais, pour le moment, ma seule ambition est de sortir le pays de la crise. Et mon seul souci est le bonheur de mon peuple. Je veux que mes petits-enfants aient ce que nous n’avons pas eu. Mais, si Dieu le décide, peut-être qu’un jour je me retrouverai sur la scène politique.

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