Recensement, réforme de la CENI, quid des législatives ?

 
Au sujet du recensement
Selon l'article 19 du Code électoral, « les listes électorales sont permanentes. Elles font l’objet de révision annuelle. Elles sont établies à partir des registres de recensement et complétées conformément aux dispositions des articles 16, 17 et 18 du présent code... A titre transitoire, les premières élections présidentielles et législatives, depuis l’entrée en vigueur de la Constitution se feront sur la base des listes électorales établies et révisées pendant l’année desdites élections ».
L'article 17 par exemple prévoit que : « la période de révision des listes électorales est fixée du 1er Octobre au 31 Décembre de chaque année ».
Concrètement les textes actuels ne prévoit donc aucun recensement nouveau, et personne n'est en mesure d'aller contre ce texte, sous peine de violation de la Constitution.
Dans son interview à l'hebdo Jeune Afrique et à RFI, Alpha Condé déclarait que « désormais, nul n’est au-dessus des lois en Guinée ». Il a oublié de préciser que cette règle s'applique également à lui-même.
Par ailleurs, tout le monde se souvient des déclarations scandaleuses du Ministre actuel du Matap Alhassane Condé , déclarant – en privé - que les peuls n'étaient pas des Guinéens, d'où son zèle à recenser des Guinéens. Il déclare même – sans prouver quoi que ce soit – que l'UFDG n'a pas de statut, n'est pas un parti en règle.
On imagine donc ce que pourrait être un recensement amputé de 40 à 50% de la population. Par ailleurs quid des Guinéens de l'extérieur ? Enfin, on a du mal à comprendre comment obtenir un résultat probant, avec un recensement passé ayant pris quasiment deux années pleines, sans que tout le monde soit recensé, alors que celui qu'on prévoit, débuterait en Juin, et permettrait la tenue des législatives en Novembre (y compris avec la saison des pluies). La seule solution technique imaginable permettant ceci, serait par exemple, de rayer quatre (4) noms ciblés des listes électorales, car cela, ça ne prend que cinq secondes !!!
Pour résumer, aucun recensement n'est possible actuellement au vu des textes que tout le monde a acceptés, et les éventuelles révisions des listes électorales pour inscrire les nouveaux électeurs (devenus majeurs, ou non inscrits préalablement quelles qu'en soient les raisons), et supprimer ceux qui sont décédés, ne pourraient se faire qu'au dernier trimestre de l'année 2011, ce qui renverrait la tenue des législatives au début de l'année 2012.
 
Alhassane Condé, un Ministre malhonnête et incompétent
 
Pour pouvoir justifier l'injustifiable, on envoie Alhassane Condé (tout le monde aura remarqué ses initiales), essayer d'expliquer les raisons de l'existence d'un Protocole d'accord entre la CENI et le Matap, et on découvre un Ministre malhonnête et incompétent.
Alhassane Condé déclare que la CENI n'a aucune expérience, ce qui est vrai, mais si une institution nouvelle ne fait pas elle-même sa propre expérience, elle ne pourra jamais évoluer. C'est aussi bête que s'il avait dit, on ne peut rien confier aux jeunes, car ils n'ont aucune expérience. De même, il aurait pu dire qu'Alpha Condé n'ayant aucune expérience de la présidence, il faut qu'il quitte la fonction, c'est du même tonneau.
Dire ensuite qu'il existe des décrets d'application pour expliquer des lois nouvelles n'est pas complètement faux, mais ce ne sont que des textes censés rendre exécutable les textes de lois, en aucun cas ils ne peuvent modifier l'esprit et la lettre des textes originaux.
Dire également qu'« un État qui se respecte n'attend pas de l'extérieur qu'on finance ses élections, devant être capable de le faire lui-même » est d'une bêtise affligeante, lorsqu'on examine le budget, qui possède un déficit énorme. Manifestement, mendier pour nourrir sa population, ça ne pose aucun problème à A. Condé ?
Dire enfin que la CENI est un organe administratif, ce n'est plus de la bêtise, c'est de l'incompétence. C'est son Ministère qui n'est qu'un organe administratif, la CENI (à ne pas confondre avec les membres qui la composent) est une Institution. A. Condé ose déclarer être un professionnel du processus électoral, et il ne sait même pas lire (j'ai bien dit lire, et non déchiffrer). Ce n'est pas le Matap qui finance la CENI, c'est le budget de l'État. La CENI a en effet les moyens de ses ambitions, puisque un budget est prévu et inscrit dans le projet de loi de finances de l'année en cours, qui plus est, l'exécution de ce budget n'obéit pas à la procédure d'engagement des dépenses (article 26 de la loi organique de création de la CENI). Les fonds correspondants sont globalement ordonnancés. Le fait que le gouvernement JMD ait fait pression sur la CENI, par l'intermédiaire de la mise à disposition ou pas de son budget, montre à souhait, que les vrais professionnels de la démocratie se comptent sur les doigts d'une main en Guinée, et qu'on dispose au contraire de beaucoup d'individus à l'esprit tordu.
L'État n'organise rien en matière d'élections. La CENI n'est pas un « partenaire », c'est la SEULE organisatrice des élections. A. Condé sait-il ce qu'est la démocratie, lui qui considère qu'il n'y a pas photo entre 17 partis qui s'opposent à un nouveau recensement et 110 partis qui auraient accepté ? La démocratie c'est la loi du nombre en terme de voix. Quand bien même il y aurait 5000 partis contre un seul, si ce dernier représente 60% des voix, il écrase tout sur son passage : c'est ça la démocratie. Ce n'est donc pas étonnant de lire tant d'ineptie de la part d'un Ministre, lorsque l'on voit la manière dont il lit.... de travers.
 
Au sujet du projet de refonte de la CENI
 
En premier lieu, en dehors de son pouvoir exorbitant d'approbation des PV, le Président de la CENI n'a aucun pouvoir autonome (ne pouvant décider seul) hors sa matière, aussi bien pour ce qui concerne la rédaction d'un protocole quelconque (avec le Matap ou n'importe quel autre organisme), que d'un quelconque pouvoir disciplinaire (la mise à pied du sieur Bayo par exemple, est illégale pour manque de base légale). En outre, Louncény Camara montre son incompétence – si besoin était – à vouloir modifier les statuts de la CENI. Lui aussi se prend-il pour un roitelet ?
Le CNT est un organisme provisoire, dont on connaît les lacunes, notamment dans le choix de ses conseillers. Néanmoins, pour résoudre le problème de la poule et de l'œuf, il fallait bien mettre en place un organisme, qui prendrait les premières lois organiques, susceptibles de mettre en place des institutions qu'on voulait démocratiques.
Selon l'article 157 de la Constitution : « le Conseil National de la Transition assumera toutes les fonctions législatives définies par la présente Constitution jusqu’à l’installation de l’Assemblée Nationale ».
Mais l'article 159 précise aussitôt qu' : « il sera procédé aux élections législatives à l’issue d’une période transitoire qui n’excédera pas six (6) mois à compter de l’adoption de la présente Constitution », qui je le rappelle date de Mai 2010.
Concrètement le CNT a parfaitement joué son rôle en amont des élections, avec la production de textes constitutionnels de bonne qualité. Mais désormais son rôle s'arrête là, car chacun a pu s'apercevoir de la décrépitude des institutions et des personnes chargées de les représenter (voir ci-dessous).
Concrètement le CNT n'a donc pas à refondre complètement la loi organique de création de la CENI, qui, si elle a posé de nombreux problèmes (et j'avoue avoir été en première ligne pour le signaler), doit malgré tout terminer sa mission pour être conforme aux textes constitutionnels. Refaire des textes alors que personne ne lui a demandé (sauf peut-être le président du RPG) est suspect. Personne ne pourra m'accuser de sympathie avec les membres de la CENI, dont certains sont incompétents, malhonnêtes, ce qu'ils ont prouvé par leur comportement passé. Il n'empêche, c'est l'Assemblée Nationale élue qui interviendra par la suite pour en modifier éventuellement les règles ou les membres qui la composent.
Le CNT n'a aucune légitimité pour modifier la CENI, qui est une institution qu'elle n'a pas elle-même créé. Le CNT a voté la constitution, et c'est déjà énorme. Pour le reste, seule une Assemblée légitime fera le nécessaire, et notamment de supprimer le pouvoir exorbitant du Président de la CENI, à décider arbitrairement et seul, de la validation des PV (article 162 du Code électoral). Une majorité super qualifiée par exemple, pourrait-être envisagée. La CENI est une instance collégiale, et il apparaît disproportionné que son président ait tous les pouvoirs (au niveau de l'élection), au mépris de ses collègues qui eux, n'en ont aucun.
Les seules modifications éventuelles que tout le monde pourrait accepter, c'est de nommer les personnes manquantes à la CENI (personnes décédées comme Ben Sékou Sylla, démissionnaire comme Fodé Abass Bangoura, statutairement incompatibles comme Cheick Fantamady Condé ou Amadou Oury Baldé). La nomination récente des deux représentants de l'administration est donc normale pour le premier (Cheick Fantamady Condé) pour les raisons évoquées, suspecte, car curieusement opportune pour le second (Abdoul Karim Bah), sauf s'il obtient une promotion, telle que prévue par l'article 9 de la loi organique de création de la CENI en 2007 (affaire à suivre).
Il ne faut donc pas accepter de modification actuelle avant les législatives, la CENI reste la seule instance habilitée à organiser les élections, le Matap n'apportant que ses moyens logistiques. Par ailleurs, ce ne sont pas les militants politiques de l'instance qui posent problème (au moins on sait qui ils représentent), alors que toute personne de la société civile, même si elle n'est pas militante, a des affinités avec tel ou tel parti, ne serait-ce parce qu'elle est électrice. Trouver de vrais professionnels non partisans, donc neutres, est une vraie sinécure en Guinée.
Pour résumer, aucune modification de la CENI n'est acceptable actuellement, et ce d'autant que le CNT s'est discrédité.
 
Un CNT désormais non légitime
 
A l'occasion du vote du budget, chacun a pu voir la décrépitude dans lequel étaient tombés les membres dirigeants du CNT, d'abord par le discours de sa Présidente qui déclare :

  • « notre État ne peut en effet espérer se développer en vivant au dessus de ses moyens » (voter un budget en déséquilibre, avec un énorme déficit, apparaît donc pour le moins incompréhensible).
  • « l’examen du projet de Loi de Finances 2011 par le CNT ... est une claire indication de la volonté politique affichée du gouvernement à restaurer la démocratie… » (le CNT a donc voté des lois organiques, y compris la constitution, sans en comprendre le sens, ce n'est pourtant pas faute de l'avoir alerté).
  • « juguler l’inflation vertigineuse de la monnaie en vue de relever le pouvoir d’achat des populations » (il est prévu au moins officiellement 20% d'inflation, ce qui veut dire concrètement que le pouvoir d'achat des Guinéens va diminuer mécaniquement du même pourcentage, ce que tout le monde est capable de comprendre, mais pas manifestement Hadja Rabiatou Serah Diallo).
Le vote du budget à l'unanimité (moins deux abstentions), nous fait demander où se trouve l'opposition, dont certains sont membres du CNT. Certes il ne s'agit pas de voter systématiquement contre les décisions du gouvernement, mais voter un budget :
  • en déséquilibre, avec un énorme déficit, apparaît pour le moins incompréhensible,
  • qui prévoit une baisse du pouvoir d'achat d'au moins 20%, alors qu'on prône l'inverse, apparaît pour le moins malhonnête.
Sans doute a t-on expliqué aux membres du CNT, que s'ils ne votaient pas le budget, leurs rémunérations qui y figurent, seraient gelés par la force des choses !!!
 
La violation constitutionnelle, une ligne jaune à ne pas dépasser
 
Il paraît que le gouvernement actuel est souverain, et qu'il n'est pas question de céder au diktat de l'UE qui voudrait imposer la date des élections aux Guinéens. Ce gouvernement oublie deux choses :
  • ce n'est pas l'UE qui réclame la date des élections, l'UE ne fait que qu'appuyer ce que réclament les démocrates guinéens à savoir le respect de la Constitution ;
  • si la constitution n'a aucune valeur, il faut dire à tous les Guinéens, que l'élection d'un PRG qui découle de l'application de cette constitution, n'a également aucune valeur : il n'est écrit nulle part ailleurs, ce que sont les pouvoirs du PRG.
Comme la Constitution prévoit le fonctionnement des institutions de manière générale, si celles-ci n'existent pas, c'est donc l'anarchie.
 
Que peut faire l'opposition ?
 
L'opposition devrait systématiquement faire des recours contentieux contre les décisions anti-constitutionnelles du Président du RPG, d'une part pour montrer à la population que le respect des textes fait partie de sa culture. Sinon, elle ne fera que prouver qu'elle se comporte de la même manière. Bien sûr, on ne se fait guère d'illusions sur la compétence et la probité des juges de la Cour Suprême, et donc de leurs réponses, dont chacun a pu apprécier leur « courage » à l'occasion du deuxième tour, mais cela prouvera à tous, que toutes les voies légales ont été utilisées, pour contester les violations permanentes d'Alpha Condé. Personne ne s'étonnera donc ensuite, qu'en l'absence de respect des institutions par la voie légale, il faille utiliser d'autres voies.
Sidya Touré par exemple, a écrit à la Présidente du CNT pour contester tous les projets ci-dessus indiqués. Il devrait donc se mettre plus souvent en première ligne pour s'affirmer comme opposant réel.
 
En définitive, il faut vite terminer la transition avec les institutions telles qu'elles existent actuellement, quelles que soient les difficultés qu'elles rencontrent – il faut bien que jeunesse se fasse. S'il n'y avait qu'une seule raison pour laquelle respecter cette idée, ce serait tout simplement le respect de l'état de droit : les textes priment tout, y compris les hommes, quels que soient leurs titres. La Constitution est claire, pour ce qui est du recensement et/ou de la révision des listes électorales. Modifier la règle, c'est violer la Constitution. Nier la Constitution, c'est nier les institutions qui en font partie – y compris le PRG.
Alors, on efface tout, et on recommence ?
  
Gandhi, citoyen guinéen
  
« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace ». (Robespierre, Discours
sur la liberté de la presse, Mai 1791).
 
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