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Simandou, la Guinée roulée dans la farine


Introduction

Je n'évoquerai pas les polémiques au sujet des promesses non tenues, à savoir que le PRG s'était engagé à ne discuter avec les multinationales minières, qu'après l'élaboration d'un nouveau Code minier. Beaucoup de sites l'ont dénoncé, je ne vais pas y revenir, même si je dois simplement constater que les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent.
Je ne ferais pas davantage de commentaires sur les revirements du gouvernement guinéen, consistant à menacer l'entreprise anglo-australienne Rio Tinto de perdre son titre minier, si elle ne respectait pas ses engagements, avant de se faire rouler dans la farine par cette dernière. Lorsqu'on proclame à tout va que la Guinée is back, encore faut-il être cohérent avec la sémantique. Au vu de ce qui suit, on serait plutôt tenté de dire que la Guinée est encore derrière, parce qu'elle n'a pas obtenu le minimum de ce qu'elle aurait pu. Au lieu de se satisfaire d'une prétendue « magistrale » négociation du PRG, encore faut-il en évaluer les tenants et aboutissants.


Rappel des faits et des critiques
Un permis d’exploration a été octroyé en 1996 à Rio Tinto, pour un projet d'extraction du minerai de fer de classe mondiale à Simandou, situé dans le sud-est de la Guinée. Ce permis a été transformé en concession minière, ratifiée par l’Assemblée Nationale en 2003.

Le 29 Juillet 2010, Rio Tinto et Chalco1 ont signé un accord en vue de créer une co-entreprise pour le développement et l’exploitation de Simandou. Cet évènement fait suite à des éléments conjoncturels et structurels, qu'il faut garder à l'esprit (voir ci-après)2.

Les dirigeants de ces deux entreprises considèrent d'une part, que ce projet permettra d’équilibrer la structure du marché mondial du minerai de fer (grande concentration capitalistique limitée à certains pays : États-Unis, Canada, Brésil, Royaume-Uni & Australie, Chine, Inde, Japon), et d'autre part, de générer une valeur considérable pour les actionnaires (dont la Guinée est absente). En aucun cas, les intérêts de la Guinée sont pris en compte, ils ne sont même pas évoqués. Les entreprises prévoyaient le début de l’exploitation minière d’ici cinq ans.

En vertu de cet accord, la part de Rio Tinto (95%), sera détenue dans la nouvelle co-entreprise, mais Chalco fera l’acquisition d’une participation de 47% dans cette co-entreprise en finançant des travaux de développement continus, à hauteur de 1,35 milliard de $, au cours des deux ou trois prochaines années.

Un nouveau contrat de concession est signé entre Rio Tinto, sa filiale guinéenne Simfer SA et le gouvernement guinéen, et annoncé le 22 Avril 2011. Cet accord concerne la concession sur le Sud du Simandou couvrant 369 km², cette superficie correspondant aux blocs 3 et 4.

Sous réserve de conditions qui seront évoquées ci-après, Simfer s'est empressée de verser 700 millions de $ au Trésor public guinéen pour entériner cet accord, qui lui est largement favorable.


Les critiques de certains spécialistes et l'argumentation du Gouvernement

Les principaux termes de l'accord figurent sur certains sites, notamment boubah.com (guineenews.org), qui s'est utilement emparé du dossier, et dont on peut regrouper les remarques et critiques autour de quelques points essentiels.


La non transparence du gouvernement guinéen et la non utilisation de spécialistes miniers pour des projets de cette envergure
Comme l'ont fait remarquer plusieurs observateurs, il est regrettable que certains détails de l’accord n’aient été dévoilés que par un communiqué de Rio Tinto à la presse, alors que le gouvernement guinéen, aurait du rendre public les détails du contrat, ce qui aurait pu offrir l’occasion à plusieurs spécialistes tant en Guinée qu’à l’étranger, de décortiquer l’accord et d’offrir des conseils précieux gratuits au gouvernement. La transparence est une vertu de la démocratie, et en outre, la Guinée a « réintégré » l'Initiative de Transparence des Industries Extractives (ITIE).

L’État devrait éviter la tentation électoraliste des effets d'annonces et agir en toute transparence dans l’intérêt du pays (à moins que ce ne soit pas le cas ?). Pour ce faire, la consultation de toutes les bonnes volontés, voire l'inspiration des expériences des pays voisins en matière de négociation d’accords miniers, étaient recommandées. La Guinée devait solliciter le concours financier des services des Nations Unies (en particulier le PNUD), la Banque africaine de développement (BAD), et la Banque mondiale, pour se payer les services d’experts techniques, juridiques et financiers, afin de faire le contre poids devant les géants comme Rio Tinto, Vale, ou BHP Billiton.

Toutefois, ne boudons pas notre plaisir : suite à la série d'articles précités sur guineenews, le gouvernement guinéen, par l'intermédiaire du Conseiller juridique du Ministère des Mines et de la Géologie ayant assisté aux négociations, a utilisé un droit de réponse. C'est suffisamment rare pour être souligné, et je dois reconnaître être agréablement surpris. Pour ne faire la synthèse de ce qui ne fonctionne pas (ce papier en constitue une autre illustration), je me dois de saluer cette heureuse initiative. On peut même espérer, comme le suggère ce cadre, de conseiller les acteurs de ce secteur clé, sur ce qui est bon pour le pays et d’attirer leur attention sur les chausse-trappes.

Je ne ferai pas davantage de commentaires désobligeant sur cette initiative, tant sur la forme que sur le fond, me contentant de souligner ma déception, de ne pas voir répondre aux critiques pertinentes évoquées, du fait de l'absence de considérations chiffrées, qui constituent pourtant l'un des aspects les plus importants de ce deal minier.


La négociation et la conditionnalité des 700 millions de $
Le Conseiller indique que le résultat de la transaction est l'aboutissement par les deux parties, de concessions mutuelles. On a peine à voir celles de Rio Tinto, si l'on excepte sa renonciation aux blocs 1 et 2, qu'elle avait juridiquement perdus3 !!!

Pour le gouvernement, il a obtenu :
  • le rapprochement du délai de mise en exploitation du Simandou Sud (fin 2014 au lieu du 31 Mai 2015, ), mais selon l'avis des spécialistes, il est impératif pour la Guinée de mettre des dates butoirs fermes avec des sanctions réelles (perte de concession en cas de non réalisation du projet par exemple), car les termes employés dans l'accord sont suffisamment vagues pour ne pas être contraignants (aucune sanction précise si ce délai n'est pas respecté !!!) ;
  • un Transguinéen choisi sans ambigüité (qui décide du tracé d'un chemin de fer en Guinée, le gouvernement ou une entreprise étrangère ?) ;
  • la participation gratuite de l'État (15%) au projet (quid des redevances et impôts depuis 1996 ?) ;
  • le paiement d’une importante somme transactionnelle : Rio Tinto a reconnu avoir dépensé 650 millions de $ depuis 1996 en Guinée, mais en faisant payer l'entreprise chinoise Chalco 1,35 milliard de $ pour 45% de Simfer, ils les ont largement récupéré, et l'octroi de 700 millions à l'État guinéen, est un pis-aller, compte-tenu de ce qu'ils ont obtenu en retour.
L'accord peut donc se schématiser ainsi : Rio met 700 millions de $ à la disposition de la Guinée, et offre 15% du projet, en échange d’une exemption d'impôts pendant plusieurs années et surtout la confirmation de son contrat de concession sur la partie sud de Simandou, qu’elle s’engage à exploiter au plus tard fin Mai 2015, via un chemin de fer transguinéen qu’elle contrôlera de fait, malgré les 51% annoncés par le gouvernement.


Le régime stabilisé restreint la marge de manœuvre des gouvernants futurs
Rio Tinto obtient du gouvernement guinéen que cet accord ne sera pas « affecté par d'éventuelles modifications proposées par le gouvernement guinéen suite à la révision actuelle du code minier ou de toute révision à venir».

Le régime fiscal stabilisé, très courant dans les années 90 (décidément la nostalgie devient insupportable), exempte la société de tout changement futur du régime fiscal des entreprises. Ainsi, il sera impossible à la Guinée de combattre les contrats léonins ou de récupérer une partie des superprofits qu’une compagnie pourrait réaliser en période de hausse extraordinaire des cours des produits miniers, qui ne manqueront pas de se produire.

Avec ce régime stabilisé, les futurs gouvernants du pays n’auront aucune flexibilité de renégociation des termes du contrat, même si l'environnement économique exigeait des modifications pour les adapter aux réalités du temps.

Les explications du Conseiller concernant cette partie sont proprement ahurissantes. Il déclare que les Guinéens « nouveaux » (donc lui) connaissent les méfaits de ce régime fiscal, mais c'est ce système qui existe en Guinée jusqu'à présent (il conviendrait donc de continuer à copier ce qui est scandaleux pour les intérêts guinéens, parce que nous avons l'habitude d'être les dindons de la farce ?). Il ajoute que nous nous faisons escroquer de manière tellement scandaleuse dans certains projets, qu'il ne faut pas faire la fine bouche ici (quelle honte !!!), et ce d'autant qu'il conclut son intervention en précisant que : « nous sommes dans une dynamique de changement et que tous devraient s’inscrire dans cette logique et éviter que se reprennent des opérations (scandaleuses) ». Si changement, il y a pourquoi ce changement ne s'est-il pas exprimé autrement ?

Enfin, il termine en indiquant que c’est injuste de s’attaquer à un Accord qui n’a fait que reprendre les dispositions des lois du pays, et que nous sommes obligés de respecter nos lois en vigueur. Il oublie que c'est le PRG lui-même qui, pour des raisons politiques (plus d'argent dans les caisses), a bâclé cette négociation, en anticipant la promulgation d'un nouveau Code minier. Or nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes.

On espère pourtant le contraire, comme l'indique guineenews, qui rappelle que les gouvernements du Liberia et de Sierra Leone ont été contraints de revoir et de renégocier les clauses de stabilité du régime fiscal stabilisé, afin de soumettre les sociétés au régime fiscal général, de sorte qu’elles ne soient plus exemptes des lois fiscales votées par les gouvernants successifs.


Le manque à gagner de la Guinée du aux exonérations fiscales, et à une mauvaise négociation
Le gouvernement, dont la vocation est de privilégier le long terme, a t-il résisté à la tentation de sacrifier le projet pour des intérêts électoralistes à court terme ?

Selon guineenews, la somme de 700 millions de $ a été octroyée non pas comme un bonus, mais en échange d’un congé fiscal de 8 ans (à partir de la première déclaration de profit) et d’autres exonérations permanentes qui ne se justifient pas économiquement. C’est donc une avance sur les taxes futures du projet, ce qui rend celle-ci largement défavorable à la Guinée.

Personne n'est contre les congés fiscaux, même s'ils ne doivent être utilisés que pour attirer les entreprises (Rio Tinto est là depuis 15 ans), mais ils gagneraient à être davantage encadrés, pour que les 8 années octroyées ne dépassent pas 8 ans.

En modifiant les données optimistes de guineenews (production de 95 millions de tonnes annuelles à 150$ la tonne), et en les ramenant à des valeurs plus raisonnables, la commercialisation du fer aurait pu rapporter 6 milliards de $ (70 millions de tonnes à 85/90$ la tonne).

En appliquant une marge de 15% (au lieu de 35%), et en tenant compte d'une montée du cours du minerai de fer à 100$ la tonne, le profit annuel moyen pourrait avoisiner le milliard de $ sur une production de 70 millions de tonnes. Si ces profits sont taxés au taux normal guinéen de 35%, le trésor public guinéen recevrait en moyenne annuellement au moins 350 millions de $, ce qui représente environ 3 milliards de $ sur la période 8/10 ans. Il s'en prive donc.

Le gouvernement guinéen a permis la possibilité de payer des impôts à la date de la première déclaration de profit de la société et non à la date de démarrage de la production. C'est offrir à Rio Tinto, la possibilité de « rouler légalement » la Guinée. L'usage de prix de transferts par exemple, permet de minorer l'écart entre prix d'achat et prix de vente dans le but de rendre un profit négatif ou nul. De même le système des prêts partenaires pourrait être utilisé pour financer le projet (Simfer sollicitant sa maison-mère), système permettant de réduire légalement le montant du bénéfice imposable, voire même de le rendre négatif ou nul pendant toute la durée d’amortissement de la dette, qu'on peut faire utilement coïncider avec la durée de la concession. Autrement dit, si on ne déclare jamais de bénéfice ….

Par ailleurs, la production démarrant en 2015, si on ajoute les 8 années d'exonération, cela nous emmène en 2023. Le contrat de concession ayant été signé en 2003 (pour 25 ans ?), il ne resterait que 5 années.

Le Conseiller est plus à l'aise sur le plan juridique – même s'il n'a rien démontré – qu'en matière de gestion financière, car les simulations sur les profits éventuels, tout comme les recettes prévisionnelles de l'État, quelle qu'en soit la nature ne sont pas crédibles. Il faut toujours envisager l'absence de revenus, que de fantasmer sur des superprofits, les intérêts des uns et des autres n'étant pas les mêmes. On aimerait donc en savoir plus.


La gestion des infrastructures constitue une erreur stratégique
Le gouvernement guinéen aurait dû séparer composante infrastructure (10 milliards de $ d'investissements selon lui), de la composante minière (1,5 milliard de $ selon la même source) pour ce qui concerne le financement. Certes juridiquement, ce sont des projets distincts, une société d'infrastructures, dans laquelle l'État possèdera 51%, sera créée. Le Conseiller se contente de dire que l'État sera impliqué dans la gestion et percevra des redevances dès le début de l’exploitation du chemin de fer et du port, mais sans expliquer comment.

Les rails et les ports sont d'un intérêt plus important pour la Guinée que le minerai de fer, qui n'est actuellement qu'une ressource vendue à l'état brut, et sans intérêt particulier, autre que son prix de vente dont la Guinée ne détermine d'ailleurs pas le prix (voir ci-après).

En revanche, les infrastructures sont nécessaires non seulement pour transporter ces ressources minérales, mais peuvent être également une source de recettes (et donc de profits) pour l'État guinéen. Ce dernier pourrait en effet, non seulement facturer Rio Tinto et d’autres sociétés minières, mais également nos voisins (Mali et Burkina pour ne citer qu'eux, mais qui sait, Libéria, Côte d’Ivoire et Sierra Leone).

Or en faisant supporter les infrastructures à un projet, on n'est pas sûr de récupérer des revenus permettant de le financer (voir ci-dessus) et ce d'autant que l'on dépend d'une gestion dirigée par une entreprise étrangère. C'est un état d'esprit que de « se payer sur la bête », en incluant sur le dos du projet, les 10 milliards de capitaux des infrastructures, alors qu'il faudrait trouver des recettes susceptibles de le financer (sans remuer le couteau dans la plaie, c'est une différence de philosophie entre les deux alliances).

Le pays gagnerait à fédérer toutes les organisations intéressées au transport de matières premières, et à les encourager à participer à un consortium public-privé, pour le développement d’un réseau d’infrastructures ferroviaires et portuaires, à l’usage du secteur minier de la Guinée et de la sous-région. L’État n’a pas les moyens actuels pour mobiliser les quelques 10 milliards requis pour la construction des infrastructures, mais il peut solliciter des bailleurs de fonds bi- et multilatéraux pour mobiliser sa part de financement (la Banque mondiale et la Chine notamment, mais aussi les pays du Moyen-Orient intéressés à la fourniture de produits pétroliers aux pays enclavés, mais aussi les constructeurs de véhicules Japonais...).

Ce projet pourrait d'autant plus s'autofinancer, que compte-tenu de la conjoncture actuelle, les projets miniers ne vont plus rester au stade de projet, mais vont se concrétiser. Il y a donc intérêt à investir dans des réalités à venir. La Guinée doit en outre devenir un centre de logistique important de l’Afrique de l’Ouest, et réaliser d'importantes recettes sur les services de transport (d'où l'incompréhension de confier cette gestion à des entreprises étrangères, telles Bolloré par exemple).


L’actionnariat de l’État à 35 % pourrait être une promesse illusoire
Le gouvernement se félicite de l’augmentation de la participation de l’État jusqu’à la hauteur de 35%, ce qui est une bonne chose sur le papier. La participation directe pourrait permettre à la Guinée de générer des bénéfices additionnels sous forme de dividendes, de s’impliquer plus activement dans les décisions des entreprises, et de développer une expertise nationale. Toutefois, la participation de l’État a rarement produit les résultats escomptés, à cause de la politisation de la gestion des entreprises étatiques (on confie parfois des postes stratégiques à des incultes, qui se contentent d'encaisser des revenus pour eux-mêmes, sans être d'aucun apport pour le pays) et du manque de vision de nos dirigeants, qui préfèrent former des pseudo-juristes, inutiles au vu du fonctionnement de la justice, voire du non respect de l'état de droit, plutôt que des ingénieurs des mines, agronomes, ou hydroélectriques (nos secteurs prioritaires).

Une tendance observée dans des pays voisins est de créer des sociétés holdings pour gérer les prises de participation de l'État, et notamment son portefeuille minier.

L'État s'est engagé à payer ses 20% de participation (dont 10% aux coûts historiques4), sans prendre en compte l'exemple de la Mongolie cité par guineenews (l’État avait amené Rio Tinto et ses partenaires à accepter le principe d’un prêt - sous forme d’avance sur les dividendes - pour permettre au gouvernement d’acheter ses actions ; afin de s'assurer de l'existence de dividendes, le gouvernement avait exigé et obtenu des investisseurs qu’il n’aurait pas de responsabilité de remboursement de la dette si la société ne déclarait pas de dividendes). On se demande bien pourquoi, nous ne nous inspirons pas des méthodes qui fonctionnent ailleurs.


Quid des finances publiques ?
Les bailleurs de fonds et les vrais partenaires au développement s’inquiètent souvent de ces rentrées d’argent facile imprévues, et qui encouragent la mauvaise gouvernance et l’indiscipline budgétaire.

D'aucuns ont d'ailleurs dit que la raison de ce forcing pour obtenir des fonds à tout prix, était de ne dépendre de personne (Banque mondiale et FMI notamment) pour conduire une politique dans la lignée des précédentes. Dès lors on peut penser que les recommandations de gestion rigoureuse suggérées par les organismes internationaux (diminution des dépenses de l’État, soutenabilité de la dette, lutte contre la corruption …), vont rester lettre morte.

Pourtant l'allègement de la dette (environ 2,5 milliards de $ seraient annulés), y compris le service de la dette qui diminuerait d'environ 150 millions de $ par an, permettraient aux finances publiques de respirer, et conjugués avec la mise en œuvre des projets, entretiendraient l'espoir de jours meilleurs, et ce d'autant que les financements internationaux redeviendraient possibles.


Le marché du fer, ce qu'il faut savoir
Depuis 2009, un nouveau système de fixation du prix du fer a été mis en place, plus propice à une hausse plus importante des cours du fer. Avec l'ancien système, les prix du fer étaient négociés de gré à gré entre sidérurgistes et producteurs miniers. Voilà pourquoi il a la préférence des aciéristes (la Chine notamment), qui sont extrêmement réticents à tout rapprochement du prix négocié vers un cours spot.

Avec 18% du capital et deux sièges au conseil d'administration, les Chinois ont une minorité de blocage et un pouvoir d'influence bien réel, leur permettant même d'imposer à Rio Tinto, des prix de vente du fer plus « amicaux » pour les « camarades » aciéristes chinois...

Le fer est la quatrième matière première la plus consommée au monde après le pétrole, le blé et le riz. Il est l'un des composants essentiels à la fabrication de l'acier, que l'on retrouve partout (95% des métaux annuellement consommés dans le monde).

Le plus gros consommateur d'acier est de loin la Chine, suivi par l'Inde. Car ces pays sont en train de faire leur « trente glorieuses », c'est-à-dire la période stratégique de développement. La Chine est le plus gros producteur mondial d'acier. Elle produit près de 45% de la production mondiale (626,7 millions de tonnes en 2010 sur 1,414 milliard) et absorbe pour ce faire la moitié de la production mondiale de minerai de fer à elle toute seule. Sa production de fer nationale a beau augmenter, elle représente une goutte d'eau dans l'océan de ses besoins. Donc la Chine doit importer massivement du minerai de fer, à hauteur de 55% de ses besoins ! Ce qui en fait le premier importateur mondial de fer. On comprend mieux la « chasse aux minières » que font les Chinois sur le sol australien, à coups de rachats, d'OPA et de partenariats5.

Une chose est certaine, qu'il s'agisse de Rio Tinto, de BHP Billiton ou de l'Afrique, la Chine avance ses pions les uns après les autres, lentement mais sûrement. Elle sait combien les matières premières seront demain stratégiques. Voilà pourquoi elle met tout, absolument tout en œuvre, pour sécuriser ses approvisionnements futurs. Car ce qui s'est passé ces dernières années sur les marchés des matières premières se reproduira en sortie de crise, à n'en pas douter. Les Chinois l'ont bien compris, à leurs dépens d'ailleurs. C'est pourquoi la Chine s'y prépare...

Pendant une quinzaine d'années, Rio Tinto, compte-tenu du marché de l'acier, des conditions locales guinéennes (avec quelques billets, on solutionne tous les problèmes) et de ses propres intérêts, n'a pas jugé utile de mettre la mine en exploitation. Aujourd'hui, seuls nos dirigeants semblent l'ignorer, mais le droit d'utilisation (un simple papier) est plus important que le produit physique (la mine). Rio Tinto s'est assuré une part de marché (à une époque, il a même contrôlé jusqu'à 40% des réserves mondiales connues), tout en empêchant ses concurrents de les obtenir. Les intérêts de la Guinée ne sont jamais entrés en ligne de compte.... ce qui ne risque pas de changer dans les 5 ans à venir.


Conclusion : ce qu'on pourrait faire de l'argent des mines
Le PRG a fini par succomber à Rio Tinto pour brader une partie du Simandou, au prix de 700 millions dollars US après une quinzaine d'années de présence sans aucun réel projet d'exploitation, et sans paiement de taxes ni d'impôts. Pendant ce temps, Rio Tinto, côté en bourse, valorisait son droit minier pour investir en Australie.

Rio Tinto a reconnu avoir dépensé 650 millions de $ depuis 1996 en Guinée, mais en faisant payer l'entreprise chinoise Chalco 1,35 milliard de $ pour 45% de Simfer, ils les ont largement récupéré. Concrètement cela signifie, que Rio Tinto n'a rien dépensé depuis 15 ans. En effet, bien qu'ils aient octroyé 700 millions à l'État guinéen, ils en ont de leur côté, récupéré autant, soit plus de la totalité de leur investissement annoncé, tout en gardant un contrat de concession d'exploitation exclusive du minerai de fer, et la majorité de Simfer, aujourd'hui valorisé au minimum à 3 milliards de $.

En se débrouillant habilement, cela revient à dire qu'avec ses montages et paiements, elle a obtenu gratuitement une mine exceptionnelle qu'elle va exploiter gratuitement (voir ci-dessus) pour au moins 25 ans. Si certains se glorifient d'avoir obtenu 700 millions de $, je suis loin de partager leur enthousiasme, mais considère au contraire que Rio Tinto a roulé ses différents interlocuteurs dans la farine.

Si nous sommes cohérents, puisqu'il semble que la société BSRG ait vendu les blocs 1 et 2 de Simandou à l'entreprise brésilienne Valé pour 2,5 milliards d'€, on peut espérer que la Guinée en récupèrera au moins la moitié, ce qui ne serait qu'un moindre mal, mais avec des conditions autres, que celles sur lesquelles le PRG s'est engagé. Voilà plus de 50 ans que nous possédons une mine de fer, et nous n'en avons rien obtenu de concret, alors qu'un homme d'affaires qui vient de nulle part (ce ne sont pas ses quelques affaires réalisées dans le diamant, qui en font un acteur incontournable) obtient 2,5 milliards de $ avec un simple droit d'exploitation. Il y a de quoi enrager d'avoir des incapables à la tête du pays.

En définitive, la création d'un Fonds souverain, permettant le financement et/ou la garantie du financement des infrastructures, voire des projets énergétiques pourrait être mis en place. Il serait dommage (voire scandaleux) de voir fondre ces recettes imprévues dans des dépenses de fonctionnement d'une fonction publique disproportionnée, ou des dépenses opaques qu'on appelle abusivement « de souveraineté ».



Gandhi, citoyen guinéen


« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace ». (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, Mai 1791)



1Chalco (Aluminium Corporation of China) est une filiale cotée de Chinalco (premier actionnaire de Rio Tinto avec 18%), dont cette dernière détient plus de 40% du capital.
  
2En Mai 2010, l'Australie a décidé de taxer les supers profits réalisés sur son sol par les minières, à hauteur de 40%.
  
3La Guinée a octroyé ces blocs à Benny Steinmetz Resources Group (BSRG) qui l’a revendu à Vale pour 2,5 milliards de $ sans que la Guinée ne touche un sou dans cette transaction. Selon le nouvel accord, Rio n’est pas tenue légalement de verser les 700 millions de dollars au Trésor public guinéen, s’il n’y a pas « la résolution de toutes les question en suspens ».
  
4La comptabilité ne tenant pas compte de l’inflation, le principe du coût historique implique qu'à leur date d'entrée dans le patrimoine de l'entreprise, les biens acquis à titre onéreux sont enregistrés à leur coût d'acquisition. Autrement dit l'État guinéen pourra payer sa participation de 10% à moindre coût.
  
5On rappelle que la Chine est le premier actionnaire de Rio Tinto et possède des intérêts dans BHP Billiton.
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