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Une proposition de sortie de crise

Index 204

Dans un texte précédent intitulé « Pourquoi les délégations spéciales posent problème ? », j'avais indiqué que l'opposition devait imposer la modification du calendrier des élections communales et présidentielles, d'abord pour faire respecter la loi – le plus important pour le citoyen, même s'il ne s'en rend pas compte -, et accessoirement pour espérer avoir une chance de remporter ces deux scrutins.

Pour être en phase avec l'état de droit et la démocratisation du pays, tous les citoyens devraient soutenir ce combat, sous peine de continuer à voir la Guinée dériver en république bananière. On ne peut pas accepter de voir la loi bafouée lorsqu'elle concerne les autres, et protester seulement lorsque l'injustice s'abat sur vous. Il faut se rappeler que les bourreaux peuvent devenir victimes.

 

Que faire maintenant ?

On a vu que des délégations spéciales (40% des communes urbaines) avaient été installées illégalement en lieu et place des conseils communaux, pour placer des RPGistes à leur tête. On a moins vu, car la manœuvre a été sournoise mais néanmoins réelle - que faisait l'opposition ? - le Ministre de la décentralisation, soit imposer l'allégeance des dirigeants locaux au RPG, soit installer des délégations spéciales dans des CRD, dont certaines sont plus importantes en nombre d'électeurs que la préfecture, d'où le fait de ne pas les négliger.

Le gouvernement veut respecter la Constitution, et on lui en sait gré. L'opposition veut – et on lui en sait gré – respecter l'état de droit. Existe t-il une solution qui puisse satisfaire tout le monde ?

Je ne reviens pas sur les raisons pour lesquelles l'opposition et les citoyens veulent cette modification. J'en ai suffisamment parlé dans le texte précité. En résumé, et contrairement à ce qu'affirme le gouvernement, les délégations spéciales jouent un rôle considérable pour influencer les élections, quand bien même ce rôle ne figure pas dans le Code électoral.

Il convient donc d'analyser les 4 arguments principaux du pouvoir pour reporter les élections communales, et donc de ce fait, violer tant la loi (en l'espèce le Code des Collectivités locales), que l'esprit institutionnel :

  • le manque d'argent,
  • le manque de temps,
  • le manque de magistrats,
  • le respect de la Constitution.

 

Le manque d'argent

Le gouvernement affirme que le financement des élections n'a pas été prévu dans le budget 2015. Il y a pourtant un financement prévu pour les présidentielles. Il suffit donc de réaffecter ce budget à celui des communales et de prévoir un budget pour Mars 2016 pour les présidentielles, la Communauté internationale assurant par ailleurs participer au financement de ces dernières.

 

Le manque de temps

Il suffit de décaler la tenue des présidentielles de 3 à 4 mois (voir ultérieurement les modalités), pour faire les communales en fin d'année 2015. D'ici là toute la procédure d'enrôlement et de révision pour les deux scrutins peut-être effectuée.

 

Le manque de magistrats

Il manquerait une trentaine de magistrats, ce qui prouve bien que le gouvernement n'ayant pas embauché ceux-ci en 2014 ou 2015, n'avait nullement prévu (anticipé) la tenue des élections communales. Et il ose évoquer le fait qu'il manque des magistrats. Il n'a même pas honte de se prévaloir de ses propres turpitudes.

On rappelle qu'il existe des Commissions administratives de centralisation des votes (CACV) dans chacune des circonscriptions électorales, composées de 5 membres, et obligatoirement présidées par un magistrat proposé par la Cour suprême.

Mais quand bien même on nommerait des magistrats en 2015, il paraît invraisemblable de les former en si peu de temps. On pourrait donc mettre des juristes expérimentés pour les remplacer. S'il serait sans doute malvenu de prendre des avocats, en revanche des officiers ministériels1 pourraient très bien faire l'affaire. Cela éviterait aussi d'alourdir le budget de l'État en nommant des magistrats, dont le ministère n'aurait pas forcément besoin.

Il est d'ailleurs curieux de voir le Ministre de la fonction publique (Sékou Kourouma) se plaindre d'effectifs pléthoriques, avec des recrutements anarchiques et incontrôlés dans l'administration2, et vouloir quand même en embaucher 10 278 en 2015 !!! Est-ce un moyen de réduire le chômage l'année des élections ?

 

Le respect de la Constitution

La Guinée n'a pas besoin de réitérer des transitions violentes ou anticonstitutionnelles, car il faut des modèles vertueux pour les générations futures, et c'est un chemin de longue haleine. Cela passe néanmoins par des élections libres, crédibles et transparentes.

Tout le monde réclame le dialogue. Une solution pourrait donc être de négocier un accord, qui satisfasse tout le monde et qui mette fin aux violences. Cela passe nécessairement par la fin des délégations spéciales, car sinon cela consacrerait la violation de la loi. Or dès lors que celle-ci est violée, le gouvernement perd toute légitimité à réclamer à l'opposition le respect de cette même loi, que lui viole allègrement. Mais la solution doit aussi être conforme à la Constitution.

Car si on s'arrêtait là, cela reviendrait à violer la loi par consensus. Or il faut absolument en finir avec ces méthodes d'un autre siècle. L'opposition est également concernée, car il faut qu'elle comprenne qu'il ne faut pas violer la loi (même par consensus) pour corriger d'autres violations. Elle a pourtant subi ce principe à ses dépens.

Lorsqu'on veut mettre en avant le respect de la Constitution dans tous les cas, cela pose un problème de conscience quasiment insurmontable de vouloir agir par consensus. En outre, Alpha Condé non plus ne veut pas violer la Constitution, sic… non pas par respect de ce texte, mais parce que, dit-il, il risquerait « de devenir un chef d'État hors délai constitutionnel ». Si c'est l'unique – la vraie – raison, il y a pourtant une solution toute simple.

Un accord entre les deux parties pourrait donc convenir d'élaborer un nouveau chronogramme, incluant toutes les étapes devant conduire à des élections communales au dernier trimestre 2015 et présidentielles au premier trimestre 2016 (cartographie des bureaux de vote, distribution des cartes d’électeurs, révision de la liste électorale, enrôlement et prise en compte des réclamations sur le fichier électoral, etc...).

Évidemment cet accord politique obtenu par consensus, aurait pour finalité de modifier de façon exceptionnelle la Constitution, d'où les craintes « officielles » d'Alpha Condé, qui n'avait pourtant pas été dérangé à l'époque, lui qui s'offusque que l'opposition ne puisse pas respecter la Constitution aujourd'hui, alors que lui, pourtant garant des Institutions, la viole régulièrement. Qu'il soit cette fois rassuré, s'il est de bonne foi – et on le saura cette fois -, une loi organique sera votée obligatoirement par l'Assemblée Nationale, et permettra de respecter sa volonté et le maintien de l'ordre constitutionnel, pour ne pas réitérer l'anticonstitutionnalité de 2010.

 

En conclusion

L'opposition veut l'inversion du calendrier électoral proposé par la CENI, pour simplement respecter la loi, on vient de voir que c'est possible. Le gouvernement veut le respect de la Constitution concernant les élections présidentielles. Au-delà du fait que la CENI n'est pas habilitée à prolonger le mandat des délégations spéciales, ou à modifier la loi, on vient de voir que c'est possible.

Ainsi si les deux parties sont de bonne foi, elles peuvent, sous l'égide de la Communauté internationale, obtenir un accord qui respecte les souhaits de chacune d'elles. Le calendrier électoral pourrait être prolongé au plus de 4 mois comme en 2010, mais à la différence que cette fois, ce serait légalisé par une loi organique circonstancielle de l'Assemblée Nationale.

La Guinée doit œuvrer réellement par la mise en place d'une démocratie, car un État de droit est ce qu'il y a de plus précieux pour l'avenir du pays, y compris au niveau économique. Voilà proposée une solution gagnant/gagnant, qui respecte les volontés de chacun. Or quand on veut aboutir, on peut, il n'y a rien d'irrémédiable.

En cas de refus d'Alpha Condé (ce qui est évident), l'opposition devra se débarrasser de la question électorale, pour la porter sur le plan judiciaire (au niveau de la Cedeao), ce qui lui permettra de se recentrer sur la politique, ce qui inclut les aspects socio-économiques et humanitaires, les seuls domaines susceptibles d'intéresser les populations. Elle doit se pencher sur ces problèmes avec ses alliés (il est temps de redéfinir l'unité), avec les organisations syndicales (pas les leaders corrompus, mais les travailleurs), les organisations de la société civile (là encore pas les dirigeants nommés) et les différents corps intermédiaires. L'opposition doit s'intéresser exclusivement aux problèmes des Guinéens si elle veut que les Guinéens s'intéressent à elle.

 

 

 

Gandhi, citoyen guinéen

« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace ». (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, Mai 1791).

 

 

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