Verdict électoral : Sidya Touré condamné à faire élire le prochain Président !

 

La cour Suprême de Guinée vient, par un jugement sans appel, d’infliger une lourde peine au candidat malheureux et énervé Sidya Touré : il est « forcé » dans un délai très court à faire élire un Président civil pour la Guinée. Sa peine est d’autant plus difficile à purger qu’aucun candidat n’est propriétaire absolu de ses voix. Ce n’est pas parce qu’on a donné des consignes de vote que le bon choix escompté est obtenu. Cependant, Sidya Touré doit s’exprimer clairement car, quoi qu’on en pense, c’est un homme qui reste respecté et qui mérite d’être écouté.

Je rappelle les résultats légaux du 1er tour de 5 des 24 candidats: Diallo 43%, Condé 18%, Touré 13%, Kouyaté 7%, Kourouma 5%. Je vous épargne les parties décimales qui n’ont d’intérêt que lorsque des parties entières sont identiques. Par ailleurs, il faut laisser aux autres les virgules pouvant leur servir de crochets. On se retient comme on peut quand tout glisse ! Certains pourraient même s’ennoblir par leurs chiffres : on a Mohamed VI au Maroc, pourquoi pas Kouyaté VII en Guinée ?

Une analyse froide et sans tournures académiques compliquées à souhait permet quelques constats simples :

 - Cellou se détache nettement : il totalise presque autant de voix que ses 4 « poursuivants » réunis. Plus significatif encore, et par conséquent plus déterminant, il fait plus du double de son challenger pour le 2ème tour.

-  Le facteur ethno régional a joué sans pour autant être déterminant. Aucun parti ne peut se prévaloir d’un fief acquis d’avance. La prime serait allée aux partis les plus implantés nationalement. On ne peut nier l’existence du réflexe ethnique en matière d’élection. Chacun peut être conduit à voter « naturellement » c’est-à-dire pour celui dont il se sent le plus proche ethniquement mais il convient d’atténuer l’importance de ce comportement. Sinon comment expliquer que Sidya ait pu obtenir 7 fois plus de voix que n’aurait permis le poids démographique de la communauté à laquelle ses propres partisans tiennent à le rattacher. 

- Le critère « vote purement ethnique » est inopérant. Les bulletins de vote comporteraient-ils une puce électronique pouvant détecter l’appartenance

ethnique de l’électeur ? Certains groupes d’électeurs seraient-ils génétiquement marqués ? On peut analyser le vote par localisation car on sait où était placée

chaque urne centralisée. Une supposition peut être plausible sans avoir de fondement scientifique.

 -  Le 1er tour  traduit un « vote utile ». Il prouve une certaine maturité insoupçonnée des électeurs. Compte tenu de l’enjeu, ceux-ci ont voté pour ceux qu’ils estiment avoir un minimum de chance. Ainsi, si Cellou a écrasé Bah Ousmane, c’est tout simplement parce qu’entre les deux il n’y a pas photo : le premier, qui a reçu le 1er janvier 2009 des vœux musclés émanant de la junte, a été également frappé le 28 septembre de la même année par des éléments quasiment identifiés, ce qui fait de lui une victime. Le second (je dirais le dernier) a, dans son désir obsessionnel d’occuper la primature s’est couché plus bas que terre mais ses courbettes n’ont pas payé. C’est dommage de salir la mémoire du grand Siradiou Diallo ! En revanche, Kouyaté a certes perdu mais il n’a pas été écrasé par Condé. Il est quelque peu fanfaron (le mot vient, pas nécessairement de Libye, mais en tout cas de l’arabe farfâr qui signifie « bavard ») mais dans un Etat démocratisé il ne ferait pas nécessairement un très mauvais Président.

 -  Cellou  peut facilement gagner.  Mais rien ne permet d’affirmer qu’il va absolument gagner. Petite explication : mathématiquement, son avance est telle que je ne vois pas comment il peut perdre électoralement. Mais les mathématiques ne sont pas « exactes » en Guinée depuis que Sékou Touré les a socialisées. Dans un pays aux équations de « Camara », aux suites de « Bah », aux courbes de « Niankoye », aux coefficients de « Magassouba », etc. on ne peut faire de projections fiables. L’un des candidats peut très bien être battu dans les urnes et être autoritairement promu au grade de Président par nos autorités militaires! Il convient aussi de souligner un point capital : le mécanisme électoral aurait été programmé pour faire gagner un candidat dès le 1er tour. Il y a eu non pas un grain mais un camion de sable qui a grippé la machine. La réparation semble avoir été effectuée, ce qui explique certaines certitudes à peine voilées. Soyons vigilants !

 -  Des tractations politiciennes sont intenses. La plupart des « PUPards » pourris auraient rejoint Condé, ce qui n’est pas étonnant dans un pays dont la logique est de ne pas en avoir. Ils seront déçus car pour boire la soupe d’ « Ali Condé et les 40 voltigeurs » (vous avez bien saisi le terme que je voulais employer !), le RPG ne leur fournira que des fourchettes ! Un rallié de dernière minute n’est pas un bon allié et le RPG le sait d’autant plus que son hymne prématuré « an bara gagnè » l’a mis dans l’embarras ! Par contre Diallo doit absolument s’ouvrir à Touré, à Kouyaté et à Kourouma qui seraient des libéraux allergiques au collectivisme totalitaire. C’est la seule façon de créer l’union sacrée des 4 régions naturelles face à une coalition scélérate. Comme je l’ai dit plus haut, personne n’est propriétaire de ses voix mais certains électeurs ont besoin d’éclairage.

 -  Le prochain Président sera faible. On l’a déjà affaibli avant de l’élire dans une atmosphère de soupçons de fraude et d’intérêts contradictoires. L’ombre de la junte plane toujours sur les urnes. Avec des responsabilités limitées, il devra se montrer hautement responsable.

Vous l’aurez compris, ce n’est pas facile de faire son choix. Pourtant, il faudra choisir entre le technocrate Cellou et l’aventurier Alpha.

Cellou décline un programme qui n’enthousiasme que ses inconditionnels. C’est vrai qu’il a su braver certains abus de la junte. Mais sa « déPUPardisation » est si lente qu’il est encore perçu comme un des principaux héritiers du « système Conté ». Par ailleurs, je note chez lui un déficit de charisme. Un chef doit pouvoir parler aux foules à l’image d’un Bah Mamadou qui savait se battre non pas sur le terrain du droit uniquement mais sur le terrain tout court. Il a reçu passivement des coups au Stade du 28 septembre ; il aurait gagné en notoriété s’il les avait obtenus activement ! Enfin, Cellou semble être l’otage de conseillers peu brillants mais trop intéressés. Un bon conseiller est celui qui a le courage de vous dire les vérités que vous ne voudriez pas entendre.

Quant à Alpha, j’avoue qu’il fait peur. Le RPG semble trop lié au PDG dans sa conception du pouvoir, le premier étant au second ce que le marteau est à l’enclume. Tout tourne autour du chef. Comme le disait Mobutu, dans un village, il y a le chef mais pas de leader de l’opposition ! Or, la Guinée n’est pas un village. Pour ses partisans, quand on soutient Alpha Condé, on est amplement démocrate, patriote, progressiste, partisan du changement, adepte des Droits de l’Homme, etc. Quand on ne le soutient pas, on est tout simplement ethnocentriste. On est pour ou contre Alpha Condé. On ne doit même pas être pour Mme Saran Daraba Kaba ! Ce n’est pas ainsi qu’on peut conquérir le cœur des Guinéens et grimper dans leur estime. On peut aimer une aventure mais pas avec un aventurier à l’ombre duquel personne ne peut s’épanouir !

Cependant, je tiens à préserver mon côté légaliste. Je respecterai le verdict des urnes et apporterai un soutien critique au nouveau Président, qui qu’il soit. Après tout, le mandat n’est pas à vie mais d’une durée constitutionnelle de 5 ans, renouvelable une seule fois.

Pour finir, un mot sur certains propos outranciers tenus sur le Net.

Quand on entend les énormités d’un « singe sans frontières » à l’ « antifoulanisme » écoeurant qui affirme que le prochain choix est entre le Fouta et le Manding je comprends le déficit abyssal de l’éducation civique en Guinée. Il menace de rendre le pays ingouvernable au motif qu’il tient la rue. En réalité, il ne se contrôle pas lui-même mais se balance de branche en branche, gymnastique dont je lui laisse le monopole. On saura toujours le localiser par ses cris et ses écrits tenant lieu de collier électronique. Dans un Etat de droit, il serait traduit en justice pour incitation à la haine raciale car il ne s’agit pas d’une opinion mais d’un délit. Pour le moment, il peut continuer encore à se gratter !

Je vous salue !

Ibrahima Kylé Diallo

Directeur de www.kylediallo.info

Mon contact : kylediallo@gmail.com

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