Albert Damantang Camara, l'amuseur public

Barry haroun gandhi 7 2

Ceux qui sont en charge des affaires économiques (et non d'une politique économique, inexistante) depuis 2011, ne font pas grand-chose de concret, mais tentent de marchander des indicateurs simplistes, à savoir ceux des rapports « Doing Business » de la Banque mondiale, qui servent à mesurer les efforts de réforme du secteur privé, juste pour améliorer le classement de la Guinée, non pas sur la base de changements effectifs dans l'éthique des affaires (les marchés de gré à gré sont toujours la norme), mais simplement par le biais de tentatives de manipulation grossière des statistiques.

On se souvient qu'être passés d'un délai de 30 jours à 3 jours pour la création d'entreprises, nous a fait gagner quelques places, à tel point que nous sommes passés de la 173e à la 169e place entre 2010 et 2015. Si cela est effectivement intéressant pour les créateurs d'entreprise, ce n'est évidemment pas cette mesure et l'amélioration du classement à Doing business, qui améliorera le pouvoir d'achat des Guinéens. On peut donc se réjouir de progresser dans un classement quelconque, mais il faut aussi savoir remettre les choses en perspectives, et ne pas faire dire à des statistiques, autre chose que ce pour quoi elles existent.

Venons sur l'inventaire proposé par le porte-parole du gouvernement (sur quelques sites guinéens), pour constater la malhonnêteté intellectuelle – c'est une seconde nature chez lui – de Damantang Camara, puisqu'il indique que 48 unités industrielles se sont installées en Guinée en 5 ans. On se rappelle que ce n'est qu'une redite, puisqu'il nous avait déjà fait le coup (mêmes statistiques) lors des élections présidentielles d'Octobre 2015. Connaît-il seulement la définition d'une industrie, lui dont le bilan à la tête de la formation professionnelle – pourtant pourvoyeuse d'emplois qualifiés dans le domaine - est inexistant.

Il ne faut pas confondre entreprise et industrie. L'inventaire aurait gagné en transparence si l'année de création de la structure, l'adresse et la nationalité de l'entreprise, voire son activité principale, avaient été précisées, ce qui permettrait à tout observateur de faire les vérifications nécessaires.

Quel est par ailleurs l'intérêt de comparer le nombre de réalisations sous Alpha Condé et sous Lansana Conté ? Pourquoi ne pas poursuivre la comparaison avec la première république ? Je veux bien croire que le régime précédent était nul, et même complètement nul, mais dans ce cas, pourquoi se comparer à des nuls ? À moins qu'au pays des nuls, les médiocres sont rois….

Damantang indique que l'opposition affirme que les investisseurs ne viennent pas en Guinée, mais que les données qu'il indique prouvent le contraire. Il faut rappeler à cet individu qu'affirmer quelque chose, n'implique nullement que cela soit vrai, surtout en l'absence de statistiques complètes. Or il se contente de simples affirmations.

Par ailleurs dire que ces dernières sont corroborées par les statistiques de créations d'entreprises, disponibles au Registre du commerce, n'est pas pertinent. Montrer par exemple que 5208 entreprises ont été crées en 2011 ne signifie nullement qu'elles existent encore en 2016 (souvent la moitié ont disparu). Quel est le taux de mortalité des entreprises en Guinée, dont on imagine facilement l'augmentation de ce taux après ébola ?

De même, de nombreuses entreprises sont individuelles, créées sans salarié. Le GIE ou la succursale n'est pas une entreprise proprement dite, mais le prolongement d'entreprises existantes. Il est donc malhonnête de semer la confusion en faisant croire qu'il s'agit d'entreprises nouvelles. Bref toutes ces comparaisons ne sont pas pertinentes, car on dit aux chiffres ce qu'on veut bien leur faire dire, surtout si on mélange tout. Or ce qui nous intéresse, ce n'est pas tant le nombre d'entreprises créées, que le nombre d'emplois privés créés, et sur ce plan, le gouvernement a complètement échoué. La seule fermeture de Friguia par exemple a supprimé plus d'emplois que la somme des postes éventuellement créées par les 48 structures dont on nous parle.

Quant au tableau des investissements directs étrangers (IDE), il gagnerait à être plus précis, et notamment la part des investissements miniers dans ces montants. Rien qu'en 2011 par exemple, les 700 millions de Rio Tinto représentent près de 75% du total des IDE. Or comptabiliser un « crédit » non affecté à la Guinée (et non à l'entreprise) comme un investissement, en dit long sur la présentation des chiffres.

Damantang doit reconnaître que les investisseurs internationaux ont fui la Guinée en raison d'ébola, mais ils redoutent également l’instabilité et/ou le climat politique, la corruption, le délabrement des infrastructures, le manque d'énergie électrique et le manque de main-d'œuvre qualifiée, sans compter que la conjoncture n'est pas favorable dans le secteur minier (en témoigne le licenciement à venir de 800 salariés chez Rio Tinto).

Bref ce n'est pas à coup d'incantations ou de méthode Coué (pour se rassurer) que des emplois seront créés. Cela passe par des mesures de court et de moyen terme, ces dernières ne produisant d'effets qu'ultérieurement. Le ministère de Damantang Camara constitue l'un des leviers possibles de ces mesures par exemple, mais il ne suffit pas de décréter la création d'écoles professionnelles pour qu'elles sortent de terre. Et quand bien même elles seraient créées pour satisfaire les entreprises de BTP, ce qui compte c'est le contenu de ce qu'on y enseigne, en rapport avec les perspectives de développement économique du pays. Former des ouvriers et/ou des techniciens du secteur minier au moment où le secteur est en crise n'est pas pertinent, cependant que le secteur agricole reste à la traîne.


Gandhi
Citoyen guinéen


« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace » (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, Mai 1791).

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