Focus : coup de gel sur le fer africain

Vue du gisement du simandou en guinee rio tinto 592x296 1448042068

Avec un marché du minerai au plus bas, les projets d’exploitation se figent les uns après les autres sur le continent. Dernière victime en date : le mégagisement de Rio Tinto, au mont Simandou. À peine arrivé aux manettes du mastodonte minier Rio Tinto, Jean-Sébastien Jacques a volontairement mis les pieds dans le plat. Le 4 juillet, trois jours après sa prise de fonctions, ce Français a fait savoir dans une interview au journal britannique The Times que son groupe ne développera pas de sitôt son projet minier de fer du mont Simandou, en Guinée.

«Nous avons remis l’étude de faisabilité bancaire conformément à nos engagements contractuels. Mais dans le contexte actuel de marché, nous ne voyons pas comment aller plus loin pour le moment », a affirmé le nouveau patron du groupe anglo-australien, qui pesait 34,8 milliards de dollars [31,9 milliards d’euros] de chiffre d’affaires en 2015.

Incertitudes

En réalité, plus personne ne croyait à la date indicative d’entrée en exploitation de 2018 qu’avait donnée Alan Davies, le directeur général de la division minerais et diamants de Rio Tinto, à en juin 2014. Sam Walsh, le prédécesseur de Jean-Sébastien Jacques, entretenait le doute sur le sujet, mais le gel du développement de ce mégaprojet était un secret de polichinelle pour les spécialistes.

La conjoncture, sur le marché du fer, est désastreuse, avec un minerai qui a perdu 39 % de sa valeur rien qu’en 2015. « Investir aujourd’hui près de 20 milliards de dollars dans une mine et des infrastructures de transport du minerai serait suicidaire. Rio Tinto – qui a perdu 866 millions de dollars en 2015 – va jouer la montre une fois de plus », pronostiquait avec justesse le dirigeant d’un de ses concurrents majeurs fin février. Même le gouvernement guinéen, qui prétend s’en offusquer, s’attendait à cette annonce.

Interrogé en février à Mining Indaba, la conférence annuelle qui rassemble les professionnels du secteur, le nouveau ministre des Mines, Abdoulaye Magassouba, refusait de donner un planning à Jeune Afrique, tant pour le début des travaux de la voie ferrée de 650 km et du port minéralier que pour les infrastructures de la mine, située en Guinée forestière, dans le Sud-Est.

Un cadre de Rio Tinto interrogé par ailleurs, indique que la direction du groupe a l’intention de réduire l’effectif de ses équipes guinéennes, « jusqu’à la constitution d’un consortium pour la construction des infrastructures ». Ce qui est loin d’être gagné pour l’instant : en ces temps incertains, les grands groupes de BTP – dont le brésilien Odebrecht – consultés par le géant minier ont tous décliné l’offre de prendre une participation dans la société chargée des infrastructures.

Un secteur en déclin

Ailleurs sur le continent, le fer ne fait plus recette. La plupart des projets d’extraction sont bloqués, faute d’un modèle économique rentable dans les conditions actuelles de marché, notamment en raison du coût élevé des infrastructures à bâtir. Au Gabon, le gisement de Belinga, repris en 2012 à China Machinery & Equipment Import & Export Corporation (CMEC) par les autorités, n’a toujours pas trouvé preneur.

À cheval sur le Cameroun et le Congo, le projet de Mbalam-Nabeba, mené par l’australien Sundance, est bloqué, faute de partenaires financiers pour construire les infrastructures. Quant aux gisements des monts Gao et Tia, en Côte d’Ivoire, un temps détenus par l’indien Tata Steel, ils ont été cédés à l’État en août 2015. Tandis que celui du mont Klahoyo, propriété du tycoon controversé Frank Timis, semble encore bien loin d’entrer en exploitation.

Seul espoir du gouvernement guinéen : la reprise en main du Simandou par Chinalco, partenaire à hauteur de 41,3 % au côté de Rio Tinto (46,6 %) et de la Société financière internationale (IFC, 4,6 %). Reste que de nombreux observateurs redoutent que ce groupe chinois n’en ait pas la capacité, notamment au niveau technique, mais aussi en termes sociaux et environnementaux. Et Rio Tinto ne serait pas prêt à lâcher le morceau.

 

Christophe Le Bec

Source: jeune afrique

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