Guinée Conakry : Le gouvernement à l’écoute des jeunes

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Lancée le 25 mai dernier par le gouvernement guinéen, une vaste consultation nationale vise à impliquer les jeunes dans la recherche de solutions à leurs préoccupations. Que faire de nos jeunes ? Au Nord comme au Sud, la question taraude tous les gouvernements.

Ils incarnent, dit-on, l’avenir d’un pays. Bien formés, intégrés dans la vie active, socialement reconnus et politiquement associés à la gestion de la chose publique, ils contribuent au développement socio-économique et au bien être de tous. En revanche, quand cette partie de la population est marginalisée, méprisée, mal formée, frappée par le chômage, elle devient, pour reprendre le mot du président guinéen Alpha Condé, « une bombe sociale » dont l’explosion peut anéantir en si peu de temps, les acquis obtenus au prix d’énormes sacrifices.
 

Les nombreux rapports produits par les organisations internationales montrent que les jeunes sont les plus touchés par le chômage. Selon l’Organisation internationale du travail, en 2013, il y avait 75 millions de chômeurs dans le monde dont 38 millions sur le seul continent africains. Alors qu’ils représentent 40% de la population active, le taux de chômage des jeunes atteint le double de celui des adultes. L’oisiveté, on le sait, conduit à des vices, et un jeune en inactivité prolongée, sans perspective est un danger pour la paix et la cohésion sociale. Les révolutions arabes en Tunisie, en Egypte et en Libye ont été conduites par des jeunes. Au Burkina, les jeunes ont été au cœur de l’insurrection populaire ayant provoqué la chute du régime de Blaise Compaoré en octobre 2014. En République démocratique du Congo (RDC), ce sont encore les jeunes qui ont défié en janvier les forces de l’ordre dans les rues de Kinshasa pour dire non à une éventuelle modification de la constitution qui permettrait au président Joseph Kabila de briguer un troisième mandat. Depuis des mois, c’est la jeunesse burundaise qui trouble le sommeil du président Pierre Kurunziza, désireux de rempiler pour un troisième mandat. En avril dernier, c’est dans les rues de la capitale Conakry que les jeunes ont transposé le différend qui oppose la majorité et l’opposition à propos du calendrier électoral. Leurs récriminations qui ne sont pas seulement politiques, ne sont pas tombées dans les oreilles d’un sourd.
A quelques mois d’une élection présidentielle prévue pour octobre 2015, le gouvernement semble afficher, plus que par le passé, sa volonté de faire d’eux des acteurs majeurs de l’enracinement démocratique et du développement économique de la Guinée. Dans ce pays de 11 millions d’habitants dont 85% ont moins de 45 ans et où le chômage frappe 60% des jeunes de 30 ans, le ministre de la Jeunesse et de l’emploi, Moustapha Naïté a décidé de prendre les taureaux par les cornes.

Le 25 mai dernier, aux côtés de ses collègues des Droits de l’Homme et des libertés publiques, Khalifa Gassama Diaby, de l’Enseignement technique, de la formation professionnelle et Porte-parole du gouvernement, Damantang Albert Camara, des Sports, Domany Doré, de la Culture, Amirou Conté, il a donné le top départ d’une vaste consultation des jeunes dans tous les coins du pays afin, dit-il, « de demander aux jeunes directement sur le terrain, dans leurs lieux de vie au quotidien, dans les zones urbaines ou rurales, les besoins auxquels ils font face, les problématiques réelles auxquelles ils sont confrontés et les approches de solution qu’ils ont à apporter ». Opération de charme vis-à-vis des jeunes ou réelle volonté de les responsabiliser dans la recherche de solutions à leurs problèmes ? « Nous ne pouvons plus continuer de décider pour cette jeunesse sans tenir compte de son avis. Cette jeunesse a du talent, des idées, elle sait ce qu’elle veut pour elle-même, elle peut être force de propositions. Nous devons l’écouter sur l’accès à l’éducation, à l’emploi, aux transports, au logement, à la santé, sur la pratique de la citoyenneté. […] La République de Guinée a décidé d’écouter sa jeunesse qu’elle soit instruite ou non, alphabétisée ou non, employée ou non, fille ou garçon, urbaine ou rurale, vivant en Guinée ou de la Diaspora », a expliqué le ministre Naïté.

Avec comme slogan : « Nos jeunes ont du talent », la consultation nationale qui devrait s’achever le 8 août prochain concerne les jeunes âgés de 15 à 35 ans, l’objectif étant de leur donner la parole afin qu’ils expriment leurs doléances, leurs préoccupations et les propositions qu’ils estiment pertinentes et à même d’assurer leur épanouissement socio-professionnel.

Pratiquement, au plan national, huit commissaires nationaux, 38 commissaires régionaux, 304 rapporteurs à l’échelle des sous-préfectures et un commissaire pour les Guinéens de l’étranger seront désignés, le tout chapeauté par un commissaire général. A charge pour eux d’organiser à tous les échelons, des séances de discussion, de collecter les doléances et propositions formulées, et les acheminer auprès du commissariat général qui en fera une synthèse. Si tout se passe bien, la restitution des travaux au président Alpha Condé interviendra le 7 août, suivie d’un concert de clôture le lendemain, animé par des artistes guinéens.
A tour de rôle, les collègues du ministre de la Jeunesse et de l’emploi ont eu le souci de lever toute ambiguïté quant à l’objectif majeur de cette consultation. Ainsi, selon le ministre des Droits de l’Homme et des libertés publiques, Khalifa Gassama Diaby, « Il ne s’agit pas de récolter des projets qui seront ensuite financés, parce que le gouvernement n’a pas les moyens de le faire, mais d’encourager l’expression citoyenne des jeunes Guinéens dans le respect des lois. Si en temps de paix, les pouvoirs publics peinent à trouver des solutions aux préoccupations de la population, ils le seront moins dans une situation d’instabilité et de violence ».

Joachim Vokouma

Source: lefaso.net

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