GUINEE CONAKRY : Sékouba, le messie ?

Il y a du nouveau en Guinée. Et il faut souhaiter que ce soit du bon. Le Général Sékouba Konaté, ministre de la défense et président par intérim depuis "l’indisponibilité" de Dadis Camara, a accepté l’idée de nommer "un Premier ministre issu de l’Opposition, désigné par elle-même". Et ce, en vue de former, bientôt "un gouvernement d’union nationale". Une main tendue, qui, on l’espère fortement, est sincère et partant, permettra de décrisper la situation et redonnera aux Guinéens des raisons de croire désormais en des lendemains apaisés.

L’initiative du "Tigre" de la junte permet aussi d’apaiser l’inquiétude de tous ceux qui, en Guinée et ailleurs, avaient fini par se demander ce que signifiait réellement le blackout que le régime en place avait fini par entretenir au sujet de la santé de Dadis, véritable "exilé sanitaire" dans un hôpital militaire du Royaume chérifien. Et partant, sur bien d’autres questions dont la résolution s’annonce d’une importance capitale pour l’avenir d’une Guinée aux prises, depuis une année déjà, avec une crise qui décidément n’en finit pas, divise, meurtrit et dont nul, malheureusement ne sait prédire le début d’une quelconque fin. En prenant courageusement une initiative de cette importance, Sékouba Konaté confirme tout le bien que l’on pense de lui. Et par le fait même, l’homme s’affirme et de plus en plus, s’assume. La page Dadis est en passe d’être tournée.

C’est lui, à présent, Sékouba Konaté le nouveau chef. Et, on l’imagine, ces initiatives, il ne les aura pas prises sur un coup de tête. C’est au retour de son séjour marocain passé au chevet de son désormais ex-chef, qu’il aura décidé d’en faire l’annonce. On peut supposer qu’il en aura discuté avec lui (si tant est que Dadis est toujours en mesure de l’écouter), et sans doute aussi avec les autres éléments de la junte qui, eux, sont bien présents et conscients que les évènements qui se déroulent en ce moment en Guinée seront d’une importance plus que capitale, et pour eux-mêmes, et pour le pays tout entier. Alors, la décision de Sékouba peut émaner de la junte qui, si tel était le cas, fournirait la preuve qu’elle n’est pas au bord d’une quelconque scission.

Et que, bien plus, elle serait prête à se racheter, ne serait-ce qu’en acceptant d’abandonner la ligne dure du camarade Dadis désormais mis à la touche du jeu politique guinéen. Sékouba Konaté en réalité soulage tout le monde. Le CNDD, bien sûr, mais aussi le facilitateur. Ce dernier ne pouvait pas rêver d’un meilleur scénario. Le schéma actuel lui ôte une énorme épine du pied, car, il faut le dire, même lui, expérimenté qu’il est dans la résolution des crises les plus alambiquées, risquait de perdre son Latin dans cette affaire guinéenne, décidément à nulle autre pareille. Que les protagonistes de la crise socio-politique de ce pays en viennent à trouver la géniale idée de partager le pouvoir en vue d’une transition apaisée, qu’ils décident de trouver solution à leurs affaires intestines en ayant l’initiative d’un règlement familial et à l’amiable, cela ne peut que réjouir un facilitateur qui peut toutefois remercier le ciel ou (Toumba) d’avoir fort opportunément poussé Dadis le pur et dur vers la touche pour "insuffisance physique".

Dernière et pas la moindre, l’heureuse initiative de Konaté devrait faire l’affaire de l’Opposition guinéenne. Et elle serait bien inspirée de saisir, telle une balle au rebond, la main tendue du "Tigre" de la junte. Il y a seulement quelques semaines, il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître, aucun des leaders des Forces vives n’osait même rêver d’un pareil scénario. Il lui serait sage à cette Opposition, de ne pas faire une bien inutile fine bouche. Tout comme elle devrait éviter la tentation de ne percevoir dans la primature proposée qu’une solide occasion d’y installer un pur et dur dont la maîtresse mission serait de tout "arracher" à la junte.

Si l’Opposition guinéenne devait l’entendre ainsi, nul doute que la résolution de cette crise promet d’être remise à une date ultérieure. Et ce serait-là, assurément un immense gâchis qui viendrait à la suite de beaucoup d’autres. Un scénario qu’il faut éviter à tout prix pour ne pas détruire la toute dernière chance à laquelle s’accrochent des millions et des millions de Guinéens. La balle est à présent dans le camp de l’Opposition en Guinée : il lui faudra savoir trouver en son sein, l’homme de la situation qui sache occuper le poste proposé, avec intelligence, sérieux et pondération. Car, dans l’immédiat, le gouvernement d’union nationale envisagé devra s’atteler à la gestion de la transition, bien sûr, mais au-delà, elle aura à charge de préparer de futures élections.

Le président par intérim, sans doute, dans le souci de rassurer, affirme déjà qu’il ne s’accrochera pas au pouvoir. Si l’on s’en tient au protocole de Ouagadougou, Konaté est bien en droit de se porter candidat à la prochaine présidentielle, à la condition toutefois qu’il démissionne quatre mois avant la date du scrutin. Croix de bois, croix de fer..., disent les enfants. On en a vu d’autres, est-on tenté de répliquer. Un bien célèbre précédent parle à la défaveur des militaires guinéens, en la matière. Mais on se sent comme quelque obligation de prêter foi au "Tigre" de la junte. Sous sa conduite, la Guinée revient de loin et au rythme où s’y déroulent les choses, il y a nécessité de positiver. Et puis, enfin, il doit tout de même exister quelque dieu clément qui décide enfin de voler au secours de ce peuple que l’Histoire torture depuis un demi-siècle. Plus qu’un deus ex machina, il faut le souhaiter, Sékouba Konaté peut être le messie que la Guinée attend, espère et appelle de tous ses voeux.

"Le Pays"

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