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Guinée : De la reddition militaire à la restitution institutionnelle : des mirages ?

Il ne s’agit pas seulement de gérer les conditions de la reddition du pouvoir militaires mais aussi d’administrer les procédures de la transition ainsi que les conditions d’accès au pouvoir qui garantissent l’alternance et la bonne gouvernance en Guinée.

De nouveau, les sorciers sont la plaine (Filima, la plaine désertique des orgies). La plaine s’illumine encore de sordides luminescences nocturnes.

De nouveaux sorciers commencent à s’y rencontrer, évitant soigneusement les rayons du soleil, à l’aube. Ils y parlent de ceux qui y ont été surpris par le soleil, tirent des leçons et font des plans. Leur problématique : Comment s’immiscer et infecter le « nouveau » processus de transition? Pas d’inquiétude. Les sorciers ne supportent pas une autre lumière que la leur. Il suffit donc d’emprunter les voies, lactée et ensoleillée, de la légitimité et de la légalité pour qu’ils renoncent à leur projet.

La possibilité d’infecter le processus de transition en Guinée serait effective, s’il s’agit d’un nouveau processus qui fait table rase des acquis républicains pour une nouvelle aventure incertaine. Celle-là qui crée de nouveaux paramètres illusoires en rejetant ceux déjà existant même s’ils sont valables. De la poudre aux yeux. Reconsidérer les acquis dans la perspective de les assainir permet d’éviter la cécité récurrente qui a toujours aggravé la situation guinéenne. Ignorer sa propre histoire socioéconomique et politique, c’est bâtir une maison sans la fondation qui consolide son implantation. Une telle rhétorique vaut ce qu’elle vaut selon la capacité qu’on a de cerner les tenants et les aboutissants. Les voici.

En 1984, les acquis de la République ont été balayés d’un revers de main comme si la Guinée n’avait jamais existé. Raisons évoquées : effacer les traces d’une Révolution sanglante menée par une dictature étatique de centralisme économique et de parti unique qui ont fait de notre économie une hérésie en récession permanente. Soit. Ce fut un constat à la fois objectif et subjectif par rapport aux données.

Mais nul ne contestera que ce constat transportait des expressions significatives comme : Révolution (changement) ; Dictature (régime) ; État (appareil de régulation); centralisme (méthode); Économie (mode de production) ; Parti politique Unique ou Parti-État (institution nationale); Récession (situation), etc. Que fallait-il donc faire ? Changer les contenus et les méthodes et poursuivre.

Qu’est-ce qui a été fait? Changement des appellations et maintien des méthodes. Un exemple édifiant : à la place du Prl (Pouvoir révolutionnaire local) qui avait une fonction de mobilisation au sein de la structure politico-administrative, il y a maintenant les Comités de soutien avec la même fonction de mobilisation, hors des structures politico-administratives. Ils constituent donc une duplication pseudo-institutionnelle qui a entravé en partie le fonctionnement des partis politiques. Ils permettent à l’élu du parti au pouvoir de se soustraire à l’influence de son parti politique.

Sur le plan économique, plus d’une centaine d’usines et de manufactures – qui comblaient des besoins populaires – sont sacrifiés sur l’autel du libéralisme au lieu d’être utilisés par le libéralisme pour soutenir une production nationale aux fins du redressement économique. Bien que les entreprises d’État – qu’on pouvait remodeler – ont disparu, la contribution du secteur privé (à l’exception des prestations de services) n’a quasiment pas d’impact. Tout dépend, en termes d’investissements et d’offres d’emplois durables, de l’État. On ne va pas l’appeler « planification centralisée » mais «ébauche de capitalisme d’État». La protection idéologique est assurée par les terminologies.

D’autres comparatifs qui s’alignent en droite ligne avec la confiscation du pouvoir politiques et financiers ? C’est l’objet d’un livre. Il y en a avec plus de points communs que de différences réelles. Ce n’est pas vraiment nécessaire de les énumérer ici. Puisque l’intention du plaidoyer est d’essayer de convaincre d’éviter la même erreur historique. En effet, la véritable différence entre les régimes défunts se situe au niveau des institutions.

Les institutions nationales qui ont été mises en place durant la période de 1990 à 1995 ouvraient la voie à une transition démocratique : La Constitution de 1990, la liberté de la presse, le multipartisme, l’Assemblée nationale, la Cour suprême, le Conseil économique et social, le Conseil national de la communication, la renaissance de l’armée républicaine en lieu et place de la milice populaire et les organismes adjacents.

Conséquemment, il s’agit en priorité de leur restitution, l’adaptation et la consolidation de leur contenu à l’alternance au pouvoir et à la bonne gouvernance. Ainsi se détermine la nature, le contenu et la place de l’État de Droit. Ce processus conditionne aussi la liberté de l’appareil judiciaire et son indépendance vis-à-vis de l’appareil exécutif. C’est dire que l’objectif de la transition doit être de restaurer les équilibres rompus, de les consolider en faveur d’une bonne gouvernance. Ce n’est pas seulement de gérer les conditions de la reddition du pouvoir des militaires aux civils. Est-ce possible au cours des six mois de transition préconisés?

Il y a, avant de donner une réponse, des préalables. Depuis le coup d’État du 23 décembre 2008, les institutions nationales sont suspendues. Le Conseil national pour la démocratie et le développement (Cndd) a fêté le 23 décembre 2009, l’anniversaire de sa prise de pouvoir. Malgré l’élan de compassion envers les victimes de l’État d’exception militaire, l’action politique marquante aurait été de restituer les institutions nationales. La tâche principale du Conseil national de transition (Cnt) serait de les intégrer à la nouvelle donne de transition démocratique vers une vie constitutionnelle normale. Ce sont ces institutions et leur révision qui constituent le fondement de cette transition. Sinon de quelle transition s’agit-il ?

Il est étrange que les revendications des Forces vives de la nation aient occulté au cours des étapes de négociations la libération des institutions nationales de la suspension imposée par l’armée. Il est incroyable que ni les partis politiques ni les syndicats ni la société civile ne met l’accent sur cette nécessité. Pourtant, il ne va pas de soi comme, on pourrait le penser. Puisque, malgré le nouveau démarrage de la transition avec la nomination d’un Premier ministre désigné par les Forces vives, la nomination d’une présidente du Conseil national de la transition, la question n’est encore sur aucune table. Il faudra l’y mettre. Il s’agit de renouer avec la légalité. Celle-ci n’a pas d’âge et n’appartient pas à une période spécifique, elle doit être une continuité. Dans un contexte où la légalité est confisquée par une partie – l’armée – tout consensus devrait recourir à la la légitimité en tant qu’expression représentative de la société générale guinéenne. Dans cette perspective les nominations devraient être des désignations consensuelles. La Lettre de mission adressée par le Général Sékouba Konaté à Mr. Jean Marie Doré, définit une transition de caractère plutôt institutionnelle puisqu’elle engage les responsabilités du Premier ministre à conduire le pays à des élections transparentes dans le respect du calendrier. Cependant, sans vouloir porter atteinte aux négociations et aux acquis susceptibles de conduire vers une transition apaisée, cette lettre de mission devrait être conçue par ou avec le Cnt pour acquérir son caractère de légitimité consensuelle, en reflétant la volonté populaire de par ses représentants que sont les syndicats, la société civile et les partis politiques. Mais il fallait bien commencer quelque part et le recours a été la bonne vieille méthode du président de la République – qui qu’il soit – signant les décrets et les ordonnances. Cependant, on peut porter des corrections au fur et à mesure qu’on avance pour engager l’apprentissage du respect de l’Ordre et de la loi. À défaut de légalité, désormais, la légitimité de la junte doit passer par le Cnt, puisqu’il va être l’organe législatif de transition.

Au point où on en est avec les compromis de la transition guinéenne, il est nécessaire d’engager – à titre d’exemple – pour le parti politique qui sera plus tard au pouvoir, l’apprentissage du respect de la légalité à travers la légitimité et vice versa. Pour ce faire, le Général Sékouba Konaté doit pouvoir partager la cosignature des futurs décrets et ordonnances de la transition avec le Cnt au sein duquel le Cndd est du reste représenté. Cette procédure aplanirait de facto et de jure les conflits partisans et de compétences. Le tiraillement feutré entre le Premier ministre Jean Marie Doré et le Cndd, à propos de critères de choix des ministres de la transition définis par les Forces vives, est un exemple. Il en sera ainsi à tous les carrefours qu’empruntera cette transition si l’on ne se dote pas rapidement d’instruments et de procédures couvertes de légitimité. Le fait est que nous sommes en présence d’un conglomérat structures composites qui a besoin d’un dénominateur commun pour que sa dynamique soit huilée par rapport au délai imparti mais aussi, et surtout, par rapport à ses propres composantes.

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