Guinée: la galère du facilitateur

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Que faire pour la sortie de crise en Guinée ? Le Facilitateur qui semble s’être bien préparé à la tâche est quand même désorienté par l’ampleur des événements du 28 septembre et de la position ferme de la communauté internationale qui déjà exclut tout arrangement avec Dadis.

Blaise Compaoré n’avait pas de sympathie pour Lansana Conté et il ne s’en est jamais caché. C’est tout naturellement qu’il a bien accueilli l’irruption de la bande à Dadis à la tête de l’Etat guinéen. Par les voies indiquées, il fait savoir au nouveau régime qu’il pouvait compter sur lui. Dans le sillage d’une mission de la CEDEAO à Conakry, il fait passer le message au nouvel homme fort de Conakry que l’on voit pauser ostensiblement avec son chef d’état- major particulier, le colonel major Gilbert Diendéré.

Dadis n’aura pas l’occasion d’honorer l’invitation officielle qui lui est faite de venir à Ouagadougou. Très tôt, les tribulations commencent pour le chef du CNDD hanté par les coups d’Etat. Il en devient rapidement paranoïaque et développe la maladie qui va avec la mégalomanie. En fin janvier 2009, ses parrains, Blaise Compaoré en tête, commencent à s’inquiéter de l’imprévisibilité de l’homme. On imagine alors un système pour le coacher et le conduire progressivement et prudemment vers une sortie honorable. Ouagadougou accueille de façon discrète des personnalités politiques guinéennes pour réfléchir sur les scénarii possibles de sortie de crise. Très tôt donc, Blaise Compaoré avait commencé à préparer sa facilitation. Le 28 septembre l’aurait juste précipité.

En juillet 2009, Alpha Condé est à Ouagadougou pour le congrès du CDP. Il y prend même la parole. Mais ce n’est pas le seul objet de sa présence dans la capitale burkinabè. Avec d’autres leaders politiques guinéens, il doit discuter de deux choses au moins. D’abord aplanir les divergences entre eux. S’ils ont en commun leur opposition aux militaires, entre eux, ils se détestent probablement encore plus. Entre Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé, rien ne va depuis longtemps. A Ouagadougou, une réconciliation est concoctée avec un agenda sur le terrain pour montrer aux militants que désormais, tout va bien entre les leaders. La première occasion pour sceller publiquement l’entente retrouvée c’est le congrès de l’UFDG qui doit se tenir à Conakry courant août.

Alpha Condé devait en être l’invité vedette. Mais il faut croire que l’ancien patron de la FEANF ne se refait pas. Quand il prend la parole au congrès de l’UFDG, il tient des propos qui sont loin de l’esprit de la rencontre de Ouagadougou du mois de juillet. Le dégel espéré ne se produit donc pas. L’animosité se réinstalle de plus belle. Néanmoins, les coachs se démênent comme ils peuvent et parviennent à recoller les morceaux. La deuxième chose qui était à l’ordre du jour de la rencontre de juillet 2009 à Ouagadougou c’était de baliser une probable facilitation de la sortie de crise en Guinée. La majorité des leaders politiques de l’opposition pensent que le président burkinabè a plus de chance de se faire écouter par Dadis. Il s’agissait maintenant d’échafauder une approche qui ne blesse pas la susceptibilité du président du CNDD et qui lui offre toutes les garanties d’une sortie honorable après une période de transition qui restait à déterminer. La suggestion du président burkinabè consistait à éviter autant que possible de braquer le président Dadis par des propos désobligeants à son encontre. Les leaders politiques représentatifs de l’opposition sont priés de faire profil bas.

Le président burkinabè de son côté entreprend certaines démarches pour donner plus de chance de succès à sa probable facilitation. Contre toute attente, il se rend à Tripoli à l’occasion du 40e anniversaire de l’accession de Kadhafi au pouvoir. A un diplomate occidental qui lui pose la question, il a cette réponse sibylline : "Je suis allé quand même…". Après des mois de brouille, Blaise Compaoré acceptait d’aller "à Canossa" pour éviter d’avoir le guide contre lui dans le dossier guinéen, mais pas seulement. Il y avait aussi d’autres sujets plus préoccupants, dont le plus anecdotique n’est certainement pas la sollicitation de la Suisse. De passage à Ouagadougou, courant avril 2009 et après une audience fort chaleureuse avec le président burknabè, la ministre suisse des Affaires étrangères, aurait, dit-on, demander l’aide du Burkina Faso pour solutionner le différend qui l’oppose à la Libye. Depuis l’affaire Hannibal Kadhafi, la Libye fait avaler des couleuvres à la Suisse sans que cette dernière ne bénéficie du soutien de ses partenaires de l’Union européenne.

Mais revenons à l’affaire de la Guinée. Pour entreprendre et réussir une médiation en Guinée, il faut nécessairement avoir la bienveillance de Kadhafi qui a une influence sur les militaires du CNDD, mais aussi sur certains leaders de l’opposition, dont le seul vrai Premier ministre que la Guinée a eu, Lansana Kouyaté. La présence de Blaise Compaoré aux festivités du 40e anniversaire ne permet pas d’aborder la question au fond. Mais elle crée le dégel nécessaire pour de futurs pourparlers. C’est relativement rassuré que Blaise Compaoré se rend à l’Assemblée générale de l’ONU où l’a précédé, Alpha Kondé, VRP de la facilitation burkinabè. Les événements du 28 septembre 2009 contrarient le scénario qui se mettait en place. Mais la CEDEAO est obligée de constater le travail de déblayage déjà effectué par le président burkinabè et le confirmer dans le rôle de facilitateur. Le président de la Commission de la CEDEAO, Ibn Chambas, régulièrement informé des démarches burkinabè, n’a pas beaucoup de mal à convaincre le président nigerian Oumarou Yaradoua de confirmer la facilitation de Blaise Compaoré. Mais les choses se présentent autrement désormais. Dadis n’est plus en position de force. Il ne s’agit plus de ménager sa susceptibilité, mais plutôt de lui sauver la tête. Mais là encore, le président burkinabè a besoin de Kadhafi, qui pourrait accueillir l’encombrant capitaine et lui assurer, même de façon éphémère, un exil tranquille.

 

Quelle transition pour la Guinée ?

Il est plus que certain que l’ère CNDD est révolue. Il reste le plus difficile, avec quoi le remplacer ?

Quand le facilitateur de la CEDEAO reçoit les Forces vives guinéennes pour débuter sa médiation le 3 novembre dernier, il est presque convaincu qu’il faut faire sans Dadis et le CNDD. C’est pourquoi, il a ouvertement demandé à ses interlocuteurs de lui proposer un schéma de transition. Il reste que ce n’est pas si facile à mettre en place, même si c’est le souhait unanime des forces vives. La vraie question, c’est qui trouver pour gérer cette transition ? Dans les déclinaisons en présence, l’unanimité est difficile à percevoir. Mais les propositions qui rencontrent le moins d’hostilité sont les suivantes : Une transition dirigée par un prélat. L’ancien archevêque de Conakry, aujourd’hui au Vatican, Mgr Robert SARA, pourrait faire l’affaire. Il est considéré à Conakry comme quelqu’un de très intègre.

Ensuite, il y a une solution qui pourrait provenir des Forces vives elles-mêmes. Un de ses principaux leaders, l’ancien Premier ministre, Losseni Fall, serait prêt à sacrifier ses ambitions pour diriger la transition si on le lui demandait. Il est d’ailleurs l’auteur d’un mémorandum dans lequel il fait des propositions concrètes pour aborder l’après transition. Il souhaite que les quatre principaux leaders de l’opposition s’entendent sur un nom, celui qui a le plus de chance de remporter l’élection et qu’ils puissent, sur un consensus minimum, gouverner le pays dans une sorte de partage des prérogatives. Il serait de toute façon impossible à un parti politique tout seul de remporter les futures élections et de gérer seul le pays. Les leaders politiques ne commentent pas beaucoup cette proposition de Losseni Fall.

Une autre solution consisterait à confier la transition à un militaire avec une nouvelle structure de transition. Deux officiers sont pressentis pour jouer ce rôle. Il y a dans un premier temps, le nom du général Sekouba Konaté, actuel ministre de la Défense et ami de Dadis Camara. Ensuite le nom du colonel Kaba, l’actuel chef d’Etat major de l’armée de terre et ancien patron des " Rangers " formés par les Américains est aussi avancé. Ce dernier serait très populaire auprès de la troupe et serait considéré comme plus intègre que le général Sekouba Konaté.

 

Quelles sont les préférences du facilitateur ?

Ouagadougou considère deux choses comme indispensables pour réussir la transition. Il faut trouver le moyen de gérer l’équation de la sécurité. La solution d’une intervention militaire extérieure ne serait pas crédible selon les sources proches de la médiation burkinabè. Elle ne ferait que compliquer encore plus la situation guinéenne. On pense par contre qu’il est possible de trouver une solution endogène avec des officiers guinéens non encore décrédibilisés. Si Dadis a été préféré aux officiers gradés du CNDD pour devenir président de la République, c’est que la troupe est encore sensible à l’intégrité.

Deuxième chose, il faut une feuille de route aussi précise que possible pour la transition. En prenant en compte ces deux préoccupations, on peut penser que la solution que privilégierait le facilitateur serait une transition qui permettrait de contenir la question militaire, avec éventuellement un officier comme président, et de permettre que s’ouvre une après transition relativement plus sûre.

Il restera maintenant la question des parrains. Dans cette crise guinéenne, chaque leader politique a un parrain sous régional ou dans l’hexagone. La dernière visite du patron de la CEN SAD à Ouagadougou peut signifier que les consultations ont commencé à ce niveau également. La rencontre avec les représentants du CNDD prévue pour ce 10 novembre n’étant purement protocolaire.

NAB

L’Evénement

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