GUINEE : VOICI VENU LE TEMPS DES CAMPAGNES ELECTORALES


Oui! Voici enfin, venues pour la première fois, de son histoire républicaine des campagnes électorales qui seront, souhaitons-le, des campagnes électorales dignes de ce nom.De vraies campagnes où un pouvoir politique en place , ne sera pas directement impliqué pour adouber des candidats ou en intimider, voire contrer d'autres.Mais il se trouvera toujours des cassandres pour prophétiser l'apocalypse,après ce qu'ils appellent des jeux déjà joués.Non les jeux ne sont pas encore joués et c'est pour cela qu'il faut que les campagnes aient lieu dans la civilité et c'est ce que les candidats doivent faire comprendre à leurs militants.

LE CONTEXTE D'ENSEMBLE.

Des professionnels de la manipulation et de l'intoxication sont à l'oeuvre pour que des changements ne se produisent pas en Guinée. Ils recourent pour cela à des dénigrements systématiques de candidats à qui on ne peut rien reprocher de valable comme c'est le cas d'Alpha Condé du RPG. C'est dans ce contexte de confusion qu'il ya toutes sortes de candidats: des grands mais surtout des folkloriques qui ont cru saisir cette occasion pour faire parler d'eux plutôt que des problèmes nationaux.Des leaders politiques se sont battus sous le régime militaire de Conté subissant des brimades et la prison (feu Ba Mamadou, Alpha Condé) pour l'avènement du multipartisme en République de Guinée en 1992. Où étaient ceux qui se bousculent aujourd'hui pour être Président? On pouvait alors compter sur les doigts d'une main ceux qui se sont dressés contre le caporalisme triomphant du PUP de Conté: feu Ba Mamadou,Alpha Condé,feu Siradiou Diallo, Jean-Marie Doré,Sydia Touré. A part Jean-Marie qui fait la Transition comme Premier Ministre,les leaders du RPG,Alpha Condé, de l'UFDG, Cellou Dalein Diallo (successeur de Ba Mamadou), de l'UFR, Sydia Touré, paraissent à tous les observateurs comme des candidats fiables et d'expériences solides .Il y a certes des nouveaux venus professionnellement solides mais pas assez mûrs pour la Présidence d'un pays aussi compliqué que la Guinée. Je pense à Lansana Kouyaté qui, lorsqu'il a présenté le bilan de son passage à la Primature à la convention de son parti le PEDN, a oublié l'essentiel: l'espoir que les Guinéens avaient placé en lui en 2007 et qu'il a incroyablement déçu . François Lounséni Fall (FUDEC) qui ne devait son accès à la Primature qu'à la seule volonté de Lansana Conté,contrairement à Kouyaté, a préféré démissionner que d'être jeté dehors par le fantasque Conté.C'est aussi cela la posture d'un homme politique non aveuglé par le pouvoir.Abé Sylla apparaît comme un homme professionnellement compétent mais à sa place , j'aurais d'abord fait mes armes dans un parti politique existant que d'en créer un nouveau.Kassory Fofana est reconnu comme un bon économiste mais on le dit traînant des casseroles.Mais on n'en connaît pas beaucoup en Guinée qui n'en traînent pas, en tout cas à ce niveau.Même quand quelqu'un ne traîne pas de casserolles, d'autres lui en inventeront. J'ai appris que Fréderic Kolié était le candidat de la Forêt et je n'ai pas compris cette candidature après son activisme auprès du météorique Moussa Dadis Camara mais Kolié n'est pas le seul dont on ne comprendra pas la candidature. Cela doit découler de la profonde déconsidération de l'Etat Guinéen par certains.

Il faut revenir sur des critiques, pas toujours fondées , entendues des mêmes bonimenteurs à propos de ces élections.C'est d'abord les références à l'âge des candidats. Sur ce point, on ne le dira jamais assez,il faut à la Guinée des hommes d'âge ,disons avancé, et d'expérience. Or de ceux déjà connus comme candidats, je ne vois pas de vieux croulants.Le grand écrivain français André Malraux disait qu' “il faut soixante ans pour faire un homme”. Et de fait, dans les grands pays développés, avec l'augmentation de l'espérance de vie (durée moyenne de vie), vérifiée en Afrique aussi , les gens travaillent de plus en plus tard. Le fétichisme du “jeunisme” qui s'empare de certains n'est pas toujours opérationnel en politique. Voyez les expériences de Madagascar, du Bénin, de la République Démocratique du Congo , du Togo etc avec de jeunes présidents . Ce n'est pas la joie.Mais je dis pas non plus que des grands-pères octogénaires feraient l'affaire à tous les coups. Dans des grands pays qui ont élu récemment de jeunes Présidents: (France, Etats-Unis d'Amérique, Russie), existent des structures sociopolitiques et économiques qui tempèrent la fugue de ces jeunes Présidents.Ces structures ne sont que virtuelles en Guinée et dans d'autres pays africains, aussi les “bavures” de toutes sortes ne peuvent qu'être généralement dramatiques quand il s'en produit. L'exemple du 28 septembre 2008 à Conakry, le confirme. Par ailleurs, les supputations sur l'état de santé des candidats devraient prendre fin dans la mesure où a été institué par décret présidentiel un Collège médical qui examine en ce moment les les postulants à la magistrature suprême du pays.

Un autre problème sur lequel fulmine la rage vengeresse de certains est constitué par des accusations de corruption et de pillage économique de l'Etat par ses serviteurs sous Lansana Conté.C'est un vaste problème qui aurait dû être rationnellement traité pendant la période transitoire depuis janvier 2009.Bienqu'on ait parlé d'audits qui auraient pu permettre ,entre autres, de faire le point sur des enrichissements sans cause et des remboursements éventuels à l'Etat , les opérations n'ont pas été loin.


Faut-il, alors, faire de cette question un thème central de campagne? Ma réponse va surprendre plus d'un :JE DIS NON et je m'explique. Le système de corruption et de pillage des biens publics de notre pays a commencé dès la Première République malgré son apparente rigueur, avec l'approbation tacite sinon l'encouragement inconscient de toute la société.Les fortes pressions famiales, sociales, villageoises, ont poussé bien des commis de l'Etat, dotés d'une autorité,ou chargés de la gestion d'une caisse à puisser dans les deniers publics dès qu'ils en avaient l'occasion .Mais des diverses pressions évoquées jusqu'à aller se constituer des comptes bancaires extérieurs sur le dos des contribuables guinéens, des individus ont franchi le pas qui doit les conduire devant une juridiction,après ces élections. En écrivant cela, j'ai donc conscience de ne pas me faire l'avocat du diable. C'est la source d'un mal que je veux expliquer.Et si j'implique toute la société, c'est que chacun peut se rappeler l'expression de “fils maudit”, jetée à la figure du fonctionnaire honnête qui n'entrait pas dans des magouilles.J'ai dit que ce mal qui gangrène la Guinée remonte loin et je n'en veux pour preuve qu'en retenant, à l'attention des plus jeunes, sur ce qu'avait dit plus d'une fois , feu Sékou Touré :”Dans les entrepôts et dans les banques, dans les magasins généraux comme dans les coopératives et les entreprises d'Etat, partout les finances sont menacées devant la ruée et la rapacité des comptables” (cf, Horoya n° de janvier 1970 et n° 2248, 14-20 décembre 1976, pp. 34-48). Ce rappel a pour objet de signaler l'ancienneté du vol des biens publics en République de Guinée. Souligner donc la profondeur de la kleptomanie devenue culturelle, n'est pas une tentative d'absoudre ceux qui s'en sont rendus coupables.Ceux-ci , si haut haut placés soient-ils, doivent être contraints par voie judiciaire, après l'installation des nouvelles institutions, à rembourser à l'Etat guinéen ce qu'ils lui avaient pris. Bien que bizarre comme méthode, la bizarrerie de l'Etat pousse à passer par cette voie inhabituelle pour retrouver ce dialogue national et cette réconciliation tant souhaités. Ce ne sont pas les positions d' ostracisme à l'égard des délinquants économiques qu'on irait à la paix sociale.C'est cette paix sociale qui conduira à la Guinée nouvelle.C'est un vaste chantier qui attend les nouvelles autorités sorties des urnes. Il faudra qu'ils s'attellent à soigner la maladie de la délinquance économiques des agents de l'Etat.

Il faut donc espérer que de par ces élections , les Guinéens recrus de malheurs et d'histoires tristes , aperçoivent enfin un nouvel horizon d'espérance meilleure que par le passé. Faut-il,pour autant,dès maintenant,dans des exaltations de campagnes , affubler de qualificatifs dithyrambiques, l'ère nouvelle qu'on espère voir naître? Les candidats sérieux ne doivent-ils pas mettre l'accent sur les énormes difficultés de relèvement du pays et la préparations des esprits aux possibiités réalisables dans l'immédiat-après élections que de présenter des programmes-catalogues où tout est promis? J'insiste là-dessus car l'habitude de l'enflure verbale qu'affectionnent bien de nos compatriotes, conduit très souvent à la démobilisation des énergies quand les gens constatent qu'ils sont toujours loin de ce qu'ils entendent. Ainsi comment qualifier la légèreté de celui qui parle de voir déjà la Guinée en pays émergent? Parler aujourd'hui d'émergence, concept international, à propos d'un pays qui n'arrive pas encore à satisfaire les besoins élémentaires de ses habitants, (alimentation, éducation élémentaire , santé primaire , équipements de base,etc) est proprement inconscient et indique l'attrait des mots plus que des réalités. Des pays africains, en avance sur la Guinée sur bien des plans sont encore loin des pays internationalement émergents. Bref, je crois que les Guinéens ont besoin de programmes simples et réalistes , conformes aux profondes aspirations collectives actuelles.Seuls ceux-ci seront susceptibles de conduire à un relèvement du pays à moyen (3 à 5 ans) et même à long terme (5 à 10 ans). Même s'il pleuvait des milliards d'espèces sonnantes et trébuchantes fortes sur la Guinée, dans l'immédiat, il ne s'ensuivrait pas à coup sûr un redressement spectaculaire ipso facto.La capacité d'absorption du capital de l'ensemble des structures guineéennes pour le développement est encore très faible. Vous ne pouvez pas faire absorber à un corps plus de nourriture qu'il ne peut digérer . Cela s'est vérifié très largement dans nombre de pays de l'ancien Tiers-Monde. Des taux de croissance sporadiques (trimestriels ou semestriels) ne peuvent pas signifier valablement, hors du langage abscons de bien des gouvernements à travers le monde, une amorce de développement réel. C'est dire qu'il ne faudra pas entretenir des illusions.

Pour les campagnes officielles qui débutent ce 17 Mai 2010, l'intérêt général doit commander qu'elles se déroulent correctement, hors des intoxications de ceux qui veulent des troubles sociaux en s'appuyant sur toutes sortes de manipulations grossières, comme celles qu'ils désignent d'interventions de puissances tutélaires extérieures dans les élections guinéennes. C'est un aveu de gens demeurés mentalement colonisés, puisqu'ils estiment que les Guinéens (des Africains) ne font rien de bien ou de mal sans l'aval et la main de l'Occident. Ces passéistes , même apparemment jeunes, demeurent prisonniers des vieilles idéolgie de la Guerre froide Est-Ouest: 1947-1991

QUI SONT DONC LES CANDIDATS FIABLES EN LICE?

On a assez parlé du foisonnement des partis politiques et par conséquent de la prolifération des candidatures pour ces élections pour qu'il soit, à nouveau , utile de revenir à ces aspects de la question. Mais disons que la floraison des partis et de leurs candidats procède d'un calcul simple et misérable pour certains:monnayer entre les tours d'élections les voix qu'ils obtiendraient pour pouvoir s'inserrer dans les rouages de l'Etat.A cet égard la fixation du montant des cautions pour être candidat à hauteur de 400 millions de GNF était salutaire pour déblayer le champ des candidatures. De ceux qui passeront ce stade et celui du test de santé, je retiens sans originalité , puisqu'il s'agit de courant d'opinions , de ce que j'entends mais aussi de ce que je les crois capables de faire au service de la Guinée, les grands candidats suivants:

*Alpha CONDE (RPG) :Vieux (au sens noble) lutteur politique aguerri et plein d'expériences de longues années et de contacts humains internationaux, capable de faire face à des imprévus et traquenards liés à la fonction. De ce fait, il peut sûrement disposer du recul nécessaire à des prises de décisions.Il est l'un des rares à ne pas pouvoir être accusé de prévarications de biens publics pour n'avoir jamais voulu collaboré avec le systèmé de Lansana Conté. Candidat de poids dont tout le passé milite en sa faveur. Homme d'Etat crédible.

*Cellou Dalein DIALLO (UFDG): héritier du Vieux (au sens noble) lutteur politique disparu, feu BA Mamadou dont il a transformé l'UNR en un grand parti qu'il dirige actuellement.Haut cadre, puis Ministre et Premier Ministre sous Lansana Conté.Cette longue expérience politique d'une dizaine d'années s'est couronnée de réalisations d'infrastructures notamment routières qui méritent d'être soulignées.Dans la force de l'âge et homme de dialogue, il s'agit ausi dans son cas de candidat de poids digne de considération et d'estime.Homme d'Etat crédible.

*Sydia TOURE (UFR): Après une carrière brillante d'économiste fiscaliste et comme bras droit de M.Alassane Dramane Ouattara, alors Premier Ministre de Côte d'Ivoire, c'est-à-dire dans une Administratrion des plus performantes de cette époque en Afrique de l'Ouest,Sydia est appelé par Lansana Conté à la première Primature de son gouvernement en 1996. Cette arrivée marqua l'atonie de la gouvernance guinéenne d'une lueur d'espérance populaire: le courant électrique domestique qui était devenu une denrée rare , refit son appartion dans les ménages.On parla de “Courant Sydia” .Sa Primature fut courte mais c'était une référence dans la terne gouvernance guinéenne et c'était une marque d'homme d'Etat.Il s'agit aussi d'un candidat de poids et d'un homme d'Etat crédible.

Le vainqueur de l'élection présidentielle sortira de ce trio digne de confiance. Il lui appartiendra de ne pas s'enfermer pour l'avenir immédiat dans le seul cadre de son parti pour gouverner.Cela correspond à l'attitude classique de certaines vieilles démocraties (avec gouvernement-opposition). En Guinée, nous sommes encore à l'étape du démarrage de la Démocratie, encore loin de l'étape de la maturité. Pour avoir des chances de réussite pour la Guinée, je pense que chacun des principaux acteurs a déjà pensé à la formule du gouvernement d'unité nationale, seule formule susceptible de conduire à l'apaisement social général , source de progrès pour tous. Aussi l'appel à ce gouvernement doit-il être plus large que l'entourage des trois grands partis que je viens de citer.Des compétences variées existent ailleurs, et même dans des petits partis.On a d'ailleurs constaté que si l'actuelle Transition qui n'a pas manqué de critiques a tout de même relativement bien marché, c'est qu'elle a été assise sur ce souci d'unité nationale.On doit donc globalement rendre hommage aux quatre acteurs principaux de cette Transition:le Général Sékouba Konaté à la Présidence intérimaire, Jean-Marie Doré à la Primature, Rabiatou Sérah Diallo au CNT et Sékou Sylla à la CENI. Cet hommage doit être rendu non pas en termes emphatiques mais pour dire que nous venons de loin.Pourvu que la suite des choses se passe convenablement.

Enfin un dernier mot pour le nouveau Président au sortir du 2e tour.Il faudrait que son entourage désigne un agent modeste, assis dans l'ombre du nouvel élu célébrant sa victoire et qui sera chagé de lui répéter à l'oreille quelques mots cités dans l'histoire de l'Antiquité romaine. Lorsqu'un Général romain était de retour à Rome après une éclatante victoire sur des Gaulois, Germains et autres Wisigoths, un défilé de chars était organisé en son honneur avec des comme trophées traînés derrière, des dépouilles ou des chefs ennemis vaincus. C'est alors que le serviteur accroupi derrière le Général triomphant lui soufflait de temps en temps à l'oreille: “Général, souviens-toi que la gloire est éphémère, seuls demeurent les actes”.

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