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Alpha Condé en voie de régression ? (partie 1)

On croyait avoir tout vu avec le président du RPG, on en était loin. Sa dernière sortie devant la presse sénégalaise est non seulement décevante, mais par ailleurs indigne d'un chef d'État, voire dangereuse pour l'unité nationale. L'histoire se répète avec les vrais/faux coups d'État et les complots ourdis de l'extérieur.

Alpha Condé n'a aucun bilan concret à présenter depuis 10 mois (déjà !), et les seules promesses qu'il évoque, ce sont les projets chinois qui n'ont aucune chance d'aboutir dans les conditions actuelles. La seule explication à ses déboires, qu'aucun membre du gouvernement ne reconnaît (il suffit de regarder la RTG), mais que tout le monde constate, est donnée par des soi-disant saboteurs. Mais pour saboter, encore faudrait-il que des mesures existent, susceptibles d'être torpillées. Or il ne se passe rien d'autre que la volonté de déstabiliser ses adversaires, souvent matérialisés par la communauté peule. Même si on prend soin parfois, de ne pas les nommer directement, et d'utiliser des métaphores (les commerçants, une certaine communauté, nos adversaires, nos ennemis, l'UFDG, etc...), personne n'est dupe de ces diversions.

 

Alpha Condé a franchi un pas, mais c'est le dernier de cette nature, car il est au bord du précipice. Ou il fait marche arrière – car il n'y a pas de honte à se tromper – pour essayer de mettre en œuvre son programme dans le respect des textes, que lui seul connait, avec le soutien de quelques uns et l'indifférence de la majorité de la population. Ou il fait un pas de plus, et ce qu'il appelle de ses vœux (les tensions communautaires) vont redoubler. Mais dans cette hypothèse, ses adversaires ne se contenteront plus de lui demander de respecter les textes, mais se battront pour sa destitution.

 

Il convient donc d'examiner certains points de son entretien avec des journalistes sénégalais. Comme d'habitude, car ce n'est pas la première fois que je commente ses élucubrations, nous devons faire face à un mélange de niaiseries, d'erreurs, de fautes politiques insensées (voire honteuses pour les Guinéens), et de répétitions scandaleuses nous amenant à réagir concrètement. Je reprends donc les éléments de l'entretien dans un ordre chronologique et/ou thématique, en le présentant en deux parties, son interview étant plus longue qu'à l'accoutumée.

 

 

Des audits

Alpha Condé rappelle que le CNDD « a sorti, en dix mois, plus d’argent que la Guinée de 1958, à la mort du président Lansana Conté. La Banque Centrale était quasiment en faillite ». Mais en dehors de geler les marchés ayant été signés pendant cette période, force est de constater qu'aucun responsable n'a été poursuivi (dont Jean-Marie Doré par exemple), et pire, le Ministre de l'Économie et des Finances (Kerfala Yansané) est resté au gouvernement. Cherchez l'erreur !

 

A propos des audits, Alpha Condé déclare qu'il va publier les audits, même si on ne poursuit pas les responsables. « Car si on poursuit, vous allez être les premiers à dire depuis Dakar : voilà, il s’attaque aux opposants… , ce sont des règlements de compte ».

 

Bizarrement, on ne comprend pas de quels audits il s'agit, celui de la Cour des comptes qui cible la période de la transition, et dont les responsables font partie de l'Alliance Arc-en-ciel (ce ne sont donc pas des opposants), ou les pseudo-audits réalisés par des non spécialistes (Ousmane Kaba n'est ni expert-comptable, ni auditeur) et uniquement à destination des opposants, ce qui viendrait conforter la phrase du Président du RPG, qui ne cible bizarrement que ces derniers. Autrement dit les gens de son camp sont blancs comme neige, et il suffira de regarder la liste pour s'en rendre compte.

 

On rappelle au Président du RPG que même si des enquêtes à charge ont été réalisées avant lui, elles l'ont été par ses alliés, et pour la période antérieure à la transition. Or il reconnaît lui-même, que c'est la période de la transition qui a saigné les finances publiques. Quel est donc l'intérêt de se focaliser sur une période qui ne rapportera pas grand chose à l'État ? Tout bon financier sait que lorsqu'on récupère des sommes d'argent, on commence toujours par les plus importantes.

 

Enfin, il est utile de rappeler, car avec toutes les déclarations ou les actes à but de divertir la population, on aurait tendance à oublier, le Comité d'audit mis en place par Alpha Condé lui-même, comprend des individus qui sont eux-mêmes débiteurs de l'État. Ils sont donc particulièrement mal placés pour faire la morale aux autres.

 

Alpha Condé déclare qu'en 2012, « nous allons avoir la prospérité et la liberté ». Si on peut comprendre que la prospérité ne se décrète pas et qu'il faudra du temps, la liberté n'est qu'une question de volonté. Or les décisions d'Alpha Condé prouvent à souhait qu'il fait exactement l'inverse de ce qu'il dit en la matière. Personne n'est libre en Guinée. La liberté n'est pas une notion individuelle (certains individus sont complètement libres), mais publique et doit concerner tous les individus sans exception.

 

 

Réforme de l'État

Alpha Condé prétend réformer l'État en mettant l'accent sur deux choses principales : la lutte contre l’impunité, et les réformes structurelles.

 

Impunité

En matière d'impunité, il est tellement peu crédible qu'il n'est même pas besoin de commenter ce mensonge éhonté. D'ailleurs dans l'interview, il a peu parlé de cet aspect, préférant se concentrer sur l’unicité des caisses. Tout juste a t-il évoqué l'obligation à certains débiteurs de l'État (lesquels ? les membres du Comité d'audit ? ses alliés de l'Arc-en-ciel ? le gouverneur de la BCRG ? etc... ou les commerçants ?) de rembourser.

 

Par ailleurs, Abdoulaye Wade s’étant prononcé en faveur d’un éventuel jugement de Khadafi par la CPI, on a demandé à Alpha Condé s'il partageait ce point de vue. « Et je dis aussi que si je suis contre l’impunité je suis aussi contre ces gens là, mais il y a d’autres qui ont fait pire sur d’autres continents ».

 

Preuve d'un esprit étroit, je ne condamne pas, parce que d'autres ont fait pire. Tu as volé, donc je peux voler aussi. Tu as tué, donc je peux en faire autant. Triste mentalité !!!

 

Réformes structurelles

Alpha Condé déclare qu'il a « essayé de faire comprendre au peuple guinéen que nous avons une année difficile à passer, parce que le FMI nous a demandé de réduire le déficit budgétaire de 13% en 2010 à 2% ».

 

Il oublie de préciser que le peuple guinéen, ce n'est pas seulement le CNT, mais la population, à qui on ne parle pas de difficultés, mais d'espoir dans des projets chinois, dans des distributions de matériel agricole (omettant au passage qu'il s'agit d'un don indien, et non d'investissements guinéens). En outre, c'est Alpha Condé lui-même qui a décidé de doubler (100%) les salaires des militaires et de supprimer l'impôt de capitation, voire même de financer des militaires burkinabés. Il est donc aussi en partie responsable de ce déficit.

 

Par ailleurs, Alpha Condé devrait éviter de parler de ce qu'il ne connait pas, afin de ne pas se rendre ridicule. Lorsqu'il dit que l'objectif d'annulation de la dette publique de 2,5 milliards de $ est prioritaire : « nous comptons rapidement atteindre le point d’achèvement de l’initiative PPTE, nous avons accepté ces conditions draconiennes », on constate que ces conditions draconiennes ne le sont que pour la population (on rappelle que 50000 hommes – l'ensemble des forces de sécurité -, soit 0,5% de la population, consomment 30 à 50% du budget de la Guinée) et viennent même d'être augmentés. La rigueur n'est donc pas la même pour tout le monde. En outre, en ne consacrant pas de dépenses budgétaires conséquentes à la santé et à l'éducation (la Banque mondiale recommande jusqu'à 40%), les conditions d'annulation de cette dette ne sont pas encore remplies. Il existe également d'autres points qui ne collent pas, mais j'y reviendrai à l'occasion d'un papier prochain sur le budget.

 

« Par contre pour les 700 millions de $ de Rio Tinto, le FMI me demande de ne pas les utiliser, parce que, me dit-on, cela va augmenter la masse monétaire et l’inflation ... Mon ministre du Budget part pour rester dans le programme du FMI. J’ai 700 millions de $ et je ne peux pas les dépenser ».

 

Pour qui connait les procédures du FMI, il faut savoir qu'un État en relation avec cette institution doit indiquer toutes ses dépenses et toutes ses recettes, et évidemment le budget doit les prendre en compte. Le FMI a été informé (il était difficile de faire autrement), mais il est assez significatif de constater qu'Alpha Condé s'attribue l'obtention de la cagnotte de Rio Tinto !!! oubliant de préciser que cela appartient à l'État, dont il n'est qu'un représentant. Quand bien même il en serait le promoteur, c'est son boulot et il n'y a rien d'extraordinaire à faire son job. Vouloir se comparer à ses prédécesseurs est petit, compte-tenu du niveau intellectuel de ces derniers.

 

En fait, il indique qu'il a obtenu de l'argent, mais qu'il veut l'utiliser comme fonds de garantie, ce qui est une excellente idée, à condition comme il l'affirme au FMI, que des représentants de l'Assemblée nationale et de la société civile puissent en contrôler la destination. A voir les annonces de projets ici et là, ce fonds ne joue plus son rôle de garantie, puisque qu'ils sont utilisés pour financer la part de l'État guinéen dans certains de ceux-ci. Or certains de ceux-ci nécessiteront des investissements que la Guinée n'est pas capable de financer. Enfin pourquoi faire preuve de démagogie en clamant, à l'attention de la population, et à qui veut l'entendre, que la Guinée est un État souverain (en matière d'élections par exemple), mais que le FMI décide ? Comprenne qui pourra.

 

 

Réforme de l'armée

Concernant la réforme de l'armée, son seul résultant probant est d'avoir délocalisé les armes lourdes en province, mais il faut rappeler à Alpha Condé qu'il dirige un régime civil (même s'il a scandaleusement nommé des militaires, dont ce n'est pas le rôle), et que donc il n'y a rien d'anormal dans cet état de fait.

 

Les effectifs sont toujours pléthoriques, la corruption des gradés toujours présente, des clivages ethniques se font de plus en plus jour (depuis le CNDD et jusqu'au pseudo-attentat du 19 Juillet), des conflits de génération sont toujours vivaces, et l’impunité est toujours de mise. Quelles qu'en soient les raisons, les barrages restent toujours des occasions de rackets (c'est peut-être le but recherché).

 

Alpha Condé sait de quoi il parle lorsqu'il précise : « vous savez, les problèmes religieux ou ethniques, c’est bien souvent de la manipulation. Lorsqu’un homme politique n’a plus de programme pour convaincre, il utilise des arguments irrationnels, soit dans la religion, soit dans l’ethnie. C’est de la manipulation ».

 

Tout le monde a compris qu'il voulait parler des hommes politiques en général, alors qu'en réalité il parlait de lui, car c'est exactement ainsi qu'il fonctionne. Il ajoute : « la Guinée a retrouvé sa pleine souveraineté », oubliant ce qu'il a dit précédemment à propos du FMI, mais chacun sait qu'il n'est pas à une contradiction de plus.

 

 

Sur la réconciliation

A propos de la réconciliation, Alpha Condé déclare : « nous allons faire la réconciliation, en fonction de notre histoire et de notre vision. Nous n’accepterons plus que quelqu’un nous dicte la façon de faire la réconciliation et d’organiser nos élections, parce que lorsque vous recevez un financement de l’extérieur, il y a des contraintes auxquelles il faut impérativement faire face ».

 

Alpha Condé indique ici qu'il compte organiser lui-même les élections, s'imaginant que parce que l'UE ne finance pas les élections, elle n'aura pas son mot à dire. Oublie t-il qu'il existe de nombreux démocrates en Guinée, qui ne laisseront plus faire les élections n'importe comment ? Parce qu'il a été désigné, il considère que les élections ont été libres et démocratiques. Et bien nous ferons en sorte qu'elles le soient toujours, ce qui passe imparablement par le respect des revendications du Collectif, qui ne demande que l'application de la loi, celle qu'il est lui-même censé défendre.

 

Par ailleurs, il précise qu'il va faire la réconciliation en fonction de sa vision, dont on connait les tenants et aboutissants : on oublie tout, on pardonne tout et on avance. Pourtant un peu plus loin dans son interview, il déclare : « Le problème de la réconciliation nationale, ce n’est pas l’affaire des hommes politiques, c’est l’affaire du peuple guinéen ». Autrement dit, il n'a rien à y faire.

 

 

Nominations ethniques

« Vous savez que c’est une très grande malhonnêteté » dit-il, en niant la réalité sociale guinéenne, réduisant les forestiers et les soussous à une vassalité malinkée, et en voulant opposer cette communauté élargie aux étrangers que sont les peuls.

 

« Aujourd’hui, je suis obligé de nommer dans les pays voisins des gens expérimentés qui pourront suivre les actes de déstabilisation contre moi ».

 

On voit que la seule chose qui intéresse Alpha Condé, c'est de déstabiliser ses adversaires où qu'ils se trouvent, avec le risque que ces adversaires le prennent finalement au mot et décident eux aussi de se lancer dans de réelles actions contre ce régime. Alpha Condé pense t-il que ces actions vont remplir les assiettes de nos concitoyens ? Pourquoi pense t-il qu'il a été élu ?

 

 

Les mensonges inqualifiables (ou erreurs impardonnables) qui le décrédibilisent définitivement

Il y a quand même des mensonges grotesques dans son interview qui ne peuvent pas passer inaperçus, notamment quand il nous affirme que « Le Gouverneur de la Banque Centrale est Traoré et il est Kolon, une ethnie minoritaire ». On rappelle que le gouverneur de la BCRG est Louncény Nabé.

 

« Je ne vais pas mettre à des places stratégiques des gens qui ont déjà géré ». Si chacun se remémore la liste de ses ministres, plus des deux tiers sont d'anciens ministres, sic...

 

« Moi, je ne suis pas venu pour faire de l’équilibre ethnique ». Je crois qu'au vu des nominations, tout le monde a compris.

 

« Comment pourrais-je nommer des cadres qui ont fait une mauvaise gestion. Je n’ai pas pris d’anciens ministres, en dehors du ministre des Finances et de trois militaires, parce que je ne pouvais pas faire autrement ». Sans commentaires !!! Je reste sur ma faim de constater que les journalistes sénégalais n'aient pas approfondi cette réponse : « je ne pouvais pas faire autrement ».

 

« Celui qui sera épinglé par un audit aura des problèmes avec la justice ». On ignore de quel audit il parle (il y en a tellement !!!), puisque de nombreux cadres de son gouvernement sont ciblés par des audits, sans conséquence pour eux. Ils sont même promus au gouvernement. De même les membres du Comité d'audit.

 

« C’est l’UFDG qui a mené une campagne, en disant : c’est notre tour... donc c’est eux qui ont rejeté les autres ».

 

Une fois pour toutes, il va bien falloir qu'Alpha Condé comprenne que si l'UFDG, ou le RPG, ou d'autres vont aux élections, c'est pour les gagner. Si lui-même ne voulait pas gagner les élections, pourquoi s'est-il présenté ? A partir de là, peu importe les slogans pour mobiliser son électorat, du moment qu'il n'y a pas rejet des autres. Et en la matière, Alpha Condé, qui ne veut pas déformer l'histoire est un champion de la supercherie, car c'est le RPG (donc lui) qui a accusé les peuls d'avoir empoisonné ses militants. Il est d'ailleurs étonnant que les auteurs présumés du pseudo-attentat étaient déjà connu la veille (certains ont été arrêtés le 18 Juillet), alors que les « empoisonneurs » ne sont toujours pas arrêtés.

 

Donc quand on veut faire la morale aux autres, on balaye déjà devant sa porte. Le RPG – je ne cesse de le répéter – utilise la technique du miroir, la plus insidieuse et imparable, consistant à accuser les autres, de faire ou dire ce que eux-mêmes font ou disent.

 Haroun Gandhi Barry

Haroun Gandhi Barry

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