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L’opposition guinéenne a-t-elle encore une ossature ?

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La « démocratie » guinéenne pillule d’opposants déclarés mais manque cruellement d’opposition organisée. Notre pays est devenu le sanctuaire d’une espèce en voie de disparition dans le monde moderne: la dictature. Celui qui règne aujourd’hui à Conakry avait promis à ses partisans d’éliminer toute opposition en moins de six mois. Il a réussi ce pari au-delà de ses propres espérances. Après avoir  dompté l’armée en la noyautant, accaparé les recettes de l’Etat par un guichet unique et personnalisé, contrôlé l’outil de propagande audiovisuelle qu’est la RTG et soumis la justice à sa propre volonté, il n’a plus en face de lui la moindre résistance. Il détient tellement de pouvoirs (exécutif, abusif, répressif, corrosif, corrupteur, etc.) qu’il n’a plus besoin réellement d’un autre en supplément.

Les prochaines législatives ne sont, pour lui, que d’ordre protocolaire et diplomatique. Il aura, le moment venu, son « assemblée d’honorables applaudisseurs » pour le rendre moins critiquable au sein de la communauté internationale.

Lorsqu’ un chef d’Etat fait tout ce qu’il veut, quand il le veut et comme il le veut, c’est qu’on n’est pas dans un Etat de droit. Une opposition qui laisse tout faire et qui se laisse faire n’en est pas une. Ce qui vient d’être dit paraît très simple mais cette simplicité a valeur de pédagogie. Ce qu’on appelle aujourd’hui, par incurie, l’opposition guinéenne n’est même plus crédible à ses propres yeux. La déception est à la hauteur des espoirs qu’elle incarnait. Le fatalisme gagne du terrain parce que l’ «opposition» n’occupe plus le terrain. Comment voulez-vous qu’on respecte une organisation qui se bougnoulise et se «gnangamadise» d’elle-même ?

En regardant la structure de son composé, on ne voit pas de colonne vertébrale: l'Alliance pour la démocratie et le progrès (ADP), le Collectif des partis politiques pour la finalisation de la transition et le Club des Républicains (CDR). Qu’on nous montre où se trouvent le progrès et les républicains et qu’on nous indique surtout le niveau atteint par la finalisation d’une transition qui ne finit pas.

Il n’y a pas si longtemps, lorsque l’opposition portait bien son nom, elle se tenait debout et marchait. Elle avait une ossature et pouvait dicter quelques lois. Maintenant, elle ne marche plus ; elle rampe ! Elle a perdu ses os. Pourquoi? Parce qu’elle n’a pas su grandir. Elle a plutôt grossi en avalant tout ce qui se présente, ce qui n’est pas toujours un signe de bonne santé. En s’alimentant sans tri, on risque de s’empoisonner. C’est ce qui est arrivé à l’opposition qui a accueilli des envoyés très «spéciaux» du pouvoir. Si l’opposition a été infiltrée, c’est parce qu’elle n’a pas su utiliser des filtres pour se protéger. Ses projets, dès leur gestation, sont connus dans tous les détails par le pouvoir. On comprend dès lors l’inefficacité d’un mouvement qui s’agite face à un pouvoir qui agit.

Voyons les derniers faits d’armes de notre opposition: le report d’une marche de protestation et l’inaction face à des comportements intolérables.

1°) le report de la marche Le trio Collectif-ADP-CDR avait programmé ces 7 et 8 février 2013 une « marche pacifique suivie d’une journée ville morte » à Conakry et à l’intérieur du pays. Le programme a été déprogrammé pour, dit-on, éviter à la jeunesse des affrontements inutiles ! En réalité, c’est le pouvoir qui a interdit une marche pouvant perturber la visite limitée à Conakry du président de la FIFA, probablement chargé de « cadeaux au parfum du Qatar ». C’est pitoyable.

La Guinée ne se résume pas à Conakry. Pourquoi les partis politiques devraient-ils demander une autorisation pour manifester ? En démocratie, un parti peut appeler à manifester mais il ne manifeste pas, en principe, dans la rue ; il se manifeste dans les débats au parlement. Dans une situation de dictature, un parti qui aspire au pouvoir n’attend pas une autorisation pour s’exprimer.

Par son comportement, l’opposition ne fera même pas une marche pacifique mais un défilé pacifiste dans une ville morne afin d’éviter tout affrontement avec les forces de l’ordre. Nous avons l’opposition la plus molle du moment. Le chef de l’Etat venant de qualifier ses opposants d’aboyeurs, où sont-ils ? Ils se taisent et se terrent alors qu’ils avaient une occasion rêvée de montrer aux visiteurs étrangers que la Guinée est un pays de pagaille où sévit une racaille !

2°) l’inertie de l’opposition

- Depuis quelques semaines la RTG diffuse un feuilleton de mauvais goût sur le procès des acteurs du « 19 juillet » ! On y entend des accusateurs menaçants, des accusés menacés et des coupables désignés. On n’a pas vu une protestation, encore moins une plainte de l’opposition contre cette mascarade montée de toutes pièces. Ce n’est pas parce que la justice est aux ordres de l’Exécutif qu’il ne faut pas la saisir. Il faut toujours mettre les juges en face de leurs responsabilités. En prenant date, cela peut servir un jour.

- L’ambassadeur US à Conakry se comporte en proconsul. Il se mêle des affaires intérieures de la Guinée mais l’opposition ne lui fait aucune observation. Un ambassadeur est, en quelque sorte, un espion agréé dont la curiosité n’est acceptable que dans certaines limites. Celui des USA a dépassé le cadre de la diplomatie traditionnelle car il s’érige en supporter du pouvoir actuel et en donneur de leçon à l’opposition. Il est accrédité auprès de notre pays et non pas affecté au service de notre président actuel. Il a le droit d’avoir des préférences individuelles mais son statut de diplomate doit l’inciter à la réserve. Cet ambassadeur peut, s’il le veut, démissionner de son poste, demander la nationalité guinéenne et adhérer au RPG mais tant qu’il est à son poste, il doit demeurer « ambassadeur des USA en Guinée ».

Si l’opposition protestait contre ce comportement en écrivant, par exemple, au Secrétaire d’Etat américain John Kerry (qui parlerait assez bien la langue française), l’actuel ambassadeur pourrait être sanctionné et certains de ses homologues de l’Union Européenne pourraient même revoir leur attitude condescendante envers la Guinée. On constate donc que l’opposition ressemble plus à une coalition d’intérêts particuliers et souvent divergents qu’à une machine à gagner. Telle qu’elle se présente actuellement, elle ne gagnera pas les législatives, déjà faussées. Le pouvoir a eu le mérite de la clarté en affirmant qu’il n’organisera jamais des élections et les perdre. L’opposition, si on ose encore cette appellation, acceptera-t-elle d’aller à des législatives piégées avec la certitude de les perdre?

Pour terminer, un mot sur le crash du 11 février 2013 survenu au Liberia.

Le chef d’état-major de l’armée « guinéenne », le Général Kéléfa Diallo, y a trouvé la mort en bonne compagnie. Je réitère mes prières pour le repos de l’âme du civil Zakariaou Diallo, victime de la barbarie du régime ethno-fascisant en place. Parmi les autres « cadavrés » il y a aussi le Colonel Cellou Diallo et le Lieutenant-Colonel Moustapha Sangaré, respectivement pilote et copilote de l’avion donné à l’armée, nous dit-on, par le Chef de l’Etat. Un cadeau transformé en cercueil. Le « changement » promis est devenu, pour une fois, un véritable empoisonnement pour les propres sympathisants du RPG. Je formule des prières pour le repos des âmes de Madame Aïssatou Boiro, assassinée, et du Lieutenant Coulibaly, défenestré sans parachute. Inutile de passer en revue toute la liste macabre qui renferme un pourcentage anormalement élevé de « Somaliens » !

J’en ai plus qu’assez des leçons de moralité à géométrie variable et m’indigne du deuil discriminatoire de trois jours décrété  par le pouvoir. Kéléfa a été remplacé avant même le rapatriement de son corps. En Guinée, il y a des décrets très virils qui sortent plus vite que leur ombre. Cette rapidité, qui n’a rien à voir avec la continuité de l’Etat, ne traduit-elle pas une certaine fébrilité face à des rivalités entres officiers militaires ?

Par éducation religieuse, je n’applaudis pas la mort de qui que ce soit mais je ne pleure pas non plus certains disparus, fussent-ils des Diallo ou un Sangaré. Que des imbéciles continuent donc à me qualifier d’ethno, je m’en balance car leur acharnement prouve que je suis dans la bonne voie ! Je regrette même que le Général Ibrahima Baldé de la répressive gendarmerie nationale n’ait pas accompagné son frère d’armes Kéléfa dans sa ballade libérienne. Un convoi de solidarité du genre « Nous sommes tous de Monrovia » qui aurait réduit le nombre de dossiers à soumettre éventuellement à la CPI !

Je vous salue et vous invite à prier plutôt pour les innombrables victimes d’accidents de circulation routière et de violences ethniques que pour des assassins en uniforme pulvérisés au cours d’un anéantissement brutal. Ces derniers méritent-ils vraiment un enterrement de première classe?

Ibrahima Kylé Diallo Responsable du site « www.guineeweb.net »

I.Kylé Diallo

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