La Guinée retient son souffle

Tant de violences, tant de haines, tant de crimes de sang, de viols charnels et économiques. La misère, la maladie, la mort par excès de pauvreté. Des montagnes d’espoirs qui fondent tous les matins, tous les soirs comme beurre de karité sous un soleil de plomb. Pour changer, tous les six mois, des fleuves d’eau claire s’en vont irriguer des plaines étrangères lointaines, sous d’autres cieux, qui les retiennent, en font une énergie, une lumière pour vaincre la rareté naturelle qui aurait accablé des populations, si la Guinée ne fût.

La Guinée est une famille. Très jolie, et c’est vrai. Mais la Guinée appartient aux autres. Depuis 52 ans. Ces six milles mètres cubes d’eau, six mille mégawats, onze milliards de dollars, chaque année, traversent nos plaines vont au Sénégal, au Mali, etc., pour le bonheur de leurs populations, remplir leur greniers, éclairer leurs maisons, soutenir leurs petites unités industrielles, donner un sens à leur secteur informel dont les « maîtres » vivent au rythme de l’horloge du monde. Pendant que nos artisans, maîtres chaudronniers, ferronniers, etc., dorment le jour et attendent la nuit, la venue d’un soleil aléatoire, accueilli au cri de Tè bara fa !

 

Sinon, ce sera la prochaine fois, notre tour.

Notre tour !

Il est arrivé, le nôtre ce soir à partir de minuit. Un soleil qui n’est ni rouge, ni jaune, ni vert. Le soleil de midi comme celui, spirituel, de minuit, a la couleur du diamant. Non pas ce caillou translucide, souvent souillé de sang. Je parle du soleil de l’éveil qui, levé, ne se couche plus. Il n’a même pas la couleur noble de l’or. C’est le soleil de la transvaluation de toutes les valeurs. C’est un soleil qui brille mais ne brûle pas. Un soleil d’ivresse sans vin. Il ne tourne pas. Il aura fait un tour qui aura duré cinquante deux ans. Il viendra non pas pour assécher mais pour sécher les autres fleuves, les eaux noires qui ravagent nos entrées-couchers et nos chaumières. Nos larmes. Qu’est-ce d’autre, une eau qui n’est pas bonne à boire, inféconde, stérile, puisque rebelle à toute retenue, telle une garce battant le bitume avant d’aller se vendre à plus offrant ?

Demain nous entrerons dans une tour sans diamètre. Alors nous verrons comme dans un vortex, le cercle infini de la haine ethnique tourner, tel le spin, autour de tous ses diamètres. En effet la Guinée est un cercle fait d’une infinité de points qui ne font point mystère de leur poids, quel que soit leur polygone de sustentation. Prenez n’importe quel quidam qui vient de voter, et même celui qui ne l’aurait pas fait. Grattez-le jusqu’au sang. Vous ne retrouverez pas autre chose que cette impalpable essence : un Guinéen.

L’existence précède ou détermine l’essence dit Sartre. Qui a dit aussi : toute conscience est conscience de quelque chose. Il n’y a pas de Guinéen en général. Il y a un Guinéen foula, un Guinéen mikhiforè, etc. Mais il peut exister un Foula pas guinéen, et même un Mikhi forè pas guinéen. Aussi le Guinéen est pur accident.

Il ne vaut rien que de se tuer par un pur accident !

Demain nous ferons un pas vers l’Etat de droit. Ceci n’a aucun rapport avec cela. Ce n’était qu’une petite diversion pour nous faire oublier ce pas incertain, en espérant qu’il ne soit pas un faux pas.

 

Wa Salam.

 

El Hajj Saïdou Nour Bokoum

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