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La Guinée, un modèle de maintenance routière pour l’Afrique ?

Capture png1 34Face à la dégradation des routes africaines et à un sous-financement chronique, plusieurs pays lancent des réformes pour y remédier. La Guinée mise sur un modèle reposant sur l’autonomie et une gouvernance renforcée.

Face à un déficit chronique de financement, la Guinée a lancé une réforme ambitieuse de son système de gestion et d’entretien routier. Cette initiative, conforme aux recommandations de la Banque mondiale et du Programme de politiques de transport en Afrique (SSATP), repose sur deux piliers : l’autonomie financière et une gouvernance renforcée. Elle pourrait ouvrir la voie à de nouvelles approches sur le continent, où les besoins en maintenance routière deviennent critiques dans un contexte d’expansion des projets d’infrastructure et de ressources limitées. 

En 2021, le pays a transformé son Fonds d’entretien routier (FER) en une société anonyme (FER S.A.), rompant ainsi avec le modèle administratif traditionnel, souvent miné par des lenteurs et un manque de flexibilité budgétaire. En mai 2025, les autorités ont annoncé un plan stratégique quinquennal (2025-2030) pour structurer l’action de FER S.A., diversifier les sources de financement et renforcer son cadre de gestion. Désormais, FER S.A. disposera d’une capacité élargie pour collecter des recettes issues des taxes spécifiques (péages, carburants), mais aussi pour accéder à des capitaux privés à travers des partenariats public-privé. Le plan stratégique quinquennal vise à encadrer cette dynamique par une gestion rigoureuse, avec audits réguliers, planification budgétaire transparente et objectifs ciblés pour la modernisation du réseau. 

Cette dynamique s’inscrit dans une vision soutenue par plusieurs institutions internationales, qui encouragent l’évolution des fonds routiers africains vers des entités semi-autonomes, capables de gérer de manière efficiente des ressources dédiées. Ainsi, la Guinée pourrait devenir un cas d’école pour les pays du continent cherchant des alternatives au sous-financement de leurs infrastructures. 

Le financement de l’entretien routier en Afrique fait face à de nombreux problèmes qui compromettent la durabilité des infrastructures. Selon un rapport de l’Association des fonds d’entretien routier africains (AFERA) présenté lors de son assemblée générale annuelle en mai 2024, dans la région de la CEDEAO, seulement une fraction des besoins annuels estimés à 10,4 milliards de dollars est effectivement mobilisée, créant un déficit de près de 9,5 milliards de dollars. Ce sous-investissement chronique entraîne une dégradation accélérée du réseau routier, réduisant la durée de vie des routes et augmentant les coûts pour les usagers. À cela s’ajoutent des faiblesses institutionnelles, une inadéquation des mécanismes fiscaux avec l’inflation et des capacités techniques limitées au sein des organismes de gestion. L’Observatoire économique africain souligne que ces contraintes pèsent lourdement sur la compétitivité régionale. 

Dans ce cadre, le modèle guinéen, fondé sur une gouvernance indépendante et un accès élargi aux financements publics et privés, s’aligne sur une stratégie identifiée comme porteuse de solutions. La Banque mondiale, le SSATP et l’AFERA ont tous souligné que les fonds routiers autonomes bien encadrés permettent une meilleure prévisibilité budgétaire, réduisent les gaspillages et attirent plus facilement les bailleurs externes. 

Cependant, la réussite de cette réforme dépendra de la stabilité politique, des compétences techniques et du respect effectif de l’autonomie de FER S.A. Pour inspirer d’autres pays, la Guinée devra produire des résultats concrets. Car si des États comme le Kenya, la Côte d’Ivoire ou l’Afrique du Sud ont aussi engagé des réformes, aucun n’a encore articulé aussi clairement gouvernance, planification et diversification des ressources. 

Mouka Mezonlin

Source: Agence Ecofin

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