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Les deux questions que tout le monde se pose : à quoi joue le général Konaté ?

 

Rappel des conditions du premier tour

Si le processus normal avait suivi son cours, et s'était enchainé en Juillet dernier, tout serait terminé aujourd'hui, vraisemblablement avec la victoire de Cellou Dalein Diallo.

Pourquoi devions-nous enchaîner un deuxième tour ? Pour deux raisons bien simples : 

  d'abord parce que tous les protagonistes des élections (y compris et surtout les deux derniers candidats) avaient accepté les règles du jeu bancales, mais les avaient acceptées tout de même ;

  ensuite, parce qu'Alpha Condé lui-même, avait non seulement accepté le résultat de ce premier tour (des mauvaises langues pourraient vous expliquer pourquoi ?), sans alléguer de fraudes (contrairement à d'autres dont le recours a été rejeté), mais il avait en outre demandé à la Cour Suprême, d'entériner les résultats.

On constate donc que Alpha Condé qui réclame un État de droit, en a une conception un peu étriquée, et surtout strictement limitée à sa seule interprétation (pile je gagne, face tu perds).

Les nombreux reports à son initiative pour l'essentiel, ont certes permis de mettre en évidence certains dysfonctionnements, mais qui sont davantage le reflet d'une mauvaise ou d'une absence d'organisation, que d'une volonté délibérée de fraude. Avec 75% de suffrages à l'extérieur à lui tout seul sur 100 000 électeurs, on peut imaginer ce qu'aurait été le résultat final de Cellou Dalein, si on avait recensé dix fois plus d'électeurs guinéens situés à l'étranger, ce que chaque Guinéen de la diaspora, présumé digne de foi peut admettre, comme étant un minimum. Dès lors, on ne peut pas accepter de concourir avec des règles qui somme toute, n'arrangent pas forcément celui qu'on croit, et dénigrer ensuite le processus électoral.

Bien entendu, Alpha Condé a été aidé en cela par un Président et un PM de transition, complices de cette situation. Tout responsable digne de ce nom, aurait du, en toute neutralité, rappeler à Alpha Condé, que tous les droits lui sont ouverts avant de concourir, mais qu'ensuite seule la Cour Suprême - et non un gouvernement - peut intervenir.

Ceux qui osent affirmer que le général Konaté n'a rien à voir avec ces retards, ne devraient pas oublier que ce qui compte, ce n'est pas ce qui est dit, mais ce qui est fait. Les autorités de la transition ont beau essayé de se justifier (mais même un voleur, un menteur ou un tueur trouvera toujours à se justifier lui aussi), la réalité c'est que le droit n'a pas été respecté, et donc surtout la volonté populaire.

On ne va évidemment pas refaire l'histoire, mais c'était bien de rappeler ce que nous oublions trop vite, et trop facilement, alors que c'est l'étude de l’histoire (peut-on déjà ranger cette actualité dans la rubrique historique ?) qui permet d'appréhender l'avenir.

Au-delà des chiffres du premier tour qui ont été largement commentés, il m'a paru intéressant de revenir sur un avenir immédiat possible, et notamment sur les deux questions que tout le monde se pose aujourd'hui :

  qui va arriver en tête des urnes ?

  quel que soit le vainqueur déclaré, l'autre camp va t-il accepter sa défaite ?

Le Président de la CENI va t-il déclarer vainqueur celui qui est arrivé en tête dans les urnes ?

Sans faire injure au général Sangaré, le manque de transparence est réel. Est-il de son fait, je ne pense pas, puisqu’il avait déclaré préalablement, qu'il ferait état de suffrages partiels. Pour le citoyen lambda que je suis, - n'appartenant à aucun des états-majors des deux alliances, nous sommes aujourd'hui en manque d'informations sur le processus électoral, n'étant que partiellement informés et au compte-goutte des évolutions de ce processus.

Ce mercredi 10 Novembre par exemple, on apprend une extension élastique du Code électoral : en effet, l'article 183 dudit Code prévoit la publication des résultats définitifs par la CENI dans les 3 jours (72 heures). On apprend toutefois, - et sauf erreur de ma part, c'est écrit nulle part -, que ce délai ne court qu'à partir de la réception du dernier PV. Comme ce mercredi, seulement 27/56 PV sont arrivés, on imagine finalement qu'il n'existe aucune règle sérieuse, puisque la date de dépôt ultime des derniers PV n'est indiquée nulle part. Conséquence, on pourra rajouter 3 jours lorsque..... le PV arrivera, sans compter qu'au premier tour, certains n'étaient pas arrivés ou … repartis. On s'y perd... mais pas tout le monde !!!

A l’heure actuelle, les partis politiques sont informés des résultats avant la CENI. Certains résultats officieux consacrent une courte victoire de Cellou, mais d'autres aboutissent aux résultats inverses. Vu l'étroitesse des résultats, il faut laisser la CENI valider des résultats, dont certains paraissent étonnants, et notamment :

  l'augmentation systématique du nombre d'électeurs dans la quasi totalité des villes de Haute Guinée (ça ne vous rappelle rien ?), et surtout son doublement à Matoto (avant délibération de la CENI),

  la limitation au maximum du vote des Guinéens de l'étranger, en France et en Espagne cela a bien fonctionné (ça ne vous rappelle rien ?),

  le comptage manuel nous amenant à augmenter le nombre de jours de délibérations de 3 à 6, ce qui laisse supposer beaucoup de rumeurs (ça ne vous rappelle rien ?),

  la perte de PV avec une Fossepel chargée pourtant de sécuriser les votes (ça ne vous rappelle rien ?).

Dans cette hypothèse, on a du mal à comprendre pourquoi le général Sangaré n'a pas indiqué de résultats provisoires (le terme « provisoire » étant suffisamment explicite).

En effet, ce retard pose plusieurs problèmes :

   d'abord le non respect du Code électoral, car même si la Cour Suprême intervient (verbalement ? par écrit ?), pour faire des suggestions, elle n'est pas un acteur des élections au sens propre, mais seulement l'autorité chargée d'interpréter (et non de le créer, en outre à chaud) le droit, et de statuer sur les recours liés aux opérations électorales ;

 le non respect de la parole donnée, en ce sens que la CENI avait promis - et a eu 4 mois supplémentaires pour agir -, de corriger les dysfonctionnements du premier tour. Une nouvelle fois, les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent ;

 la suspicion de fraudes, car si le résultat provisoire n'est que le résultat réel à un moment donné (tout en restant provisoire), le résultat définitif est celui qui est donné de manière irrévocable, sauf intervention de la Cour Suprême. Il peut correspondre à la réalité des urnes, - on imagine mal le général Sangaré annoncer le chiffre qui convient pour le candidat qu'il souhaite, ou pour celui qu'on lui aurait suggéré (comme cela se fait dans d'autres pays africains) -, comme il peut correspondre à la réalité qu'on voudrait montrer, après quelques corrections « techniques ». Plus on donne les résultats vite, plus ils sont présumés correspondre à la réalité et réciproquement ;

  enfin cela avive les tensions, particulièrement exacerbées ces derniers temps.

On rappelle qu'à l'issue des élections du 7 Novembre, et après les opérations de dépouillement, la CENI avait normalement trois jours pour proclamer les résultats provisoires (au plus tard au 10 Novembre), des recours contre ces résultats provisoires peuvent être exercés dans les 8 jours de la proclamation des résultats (au plus tard le 18 Novembre) devant la Cour Suprême, qui dispose de 3 jours (au plus tard le 21 Novembre) pour annoncer les résultats définitifs. Là encore, puisqu’on ne fait rien comme les autres, et qu’on n’a aucun respect des textes, ce délai de trois jours pour proclamer les résultats a été augmenté de deux jours supplémentaires.

D'un point de vue théorique donc, le nouveau Président de la République est susceptible de n'être connu qu'au plus tard le 23 Novembre (je n'ai pas tenu compte des jours ouvrés... et j'ai rajouté les deux jours).

Problème : les militants vont-ils attendre sagement 15 jours que la Cour Suprême se prononce ? En fait, tout dépend de ce qu'annoncera le Président de la CENI.

Je ne ferai pas de supputation sur la victoire de l'un ou de l'autre - même si chacun a sa petite idée et/ou sa préférence -, sachant et c'est peut-être le but du « jeu » que, quel que soit le vainqueur, il ne le sera que d'une courte tête, et que dès lors, il lui sera difficile de gouverner seul, c'est-à-dire sans prendre en compte les hommes - voire le programme - du camp adverse.

C'est d'ailleurs plus facile de prendre les hommes que les programmes, qui paraissent bien éloignés malgré tout, dans de nombreux secteurs, du point de vue de la démarche, pour atteindre les objectifs qui eux, sont identiques pour l'essentiel.

On se rappelle  que le souhait du général Konaté a toujours été de dire qu'ils devaient travailler ensemble. A t-il été complice de cette perte de temps, soit pour permettre à Alpha Condé de refaire son retard du premier tour (les rumeurs de son « reclassement » au deuxième tour prennent même ici consistance), soit pour lui permettre même de gagner. Là encore chacun a sa petite idée. En tant que démocrates, nous subissons contre notre gré avec quatre mois de délai supplémentaire, les deux possibilités, mais il est préférable toutefois à mon sens, dans l'hypothèse d'une victoire de Cellou Dalein, qu'il ait un allié fort comme Alpha Condé (mon but est de bouter les militaires hors du pouvoir), plutôt qu'un adversaire (il est le meilleur comme opposant) qui risquerait de torpiller la première expérience démocratique en Guinée. Il faut donner à la population la faculté de voir, qu'un vrai gouvernement civil lui sera plus profitable, qu'un gouvernement de militaires dont ce n'est pas le rôle. Il ne faut pas imaginer, que cette idée représente la conviction profonde de l'un ou de l'autre, mais même si c'est par intérêt, tout le monde - et même les militaires à terme - y sera gagnant.

Quel que soit le vainqueur déclaré, l'autre camp va t-il accepter sa défaite ?

Actuellement nous n'en sommes malheureusement pas encore là, et comme le dialogue est quasiment absent entre les deux alliances et avec le Président de la transition (chacun attend fébrilement les résultats), la seule question qui vaille est de savoir ce qui se passera si l'un ou l'autre gagne.

A ce stade, il n'est pas utile d'essayer d'analyser les résultats, et notamment les deux grandes tendances, qui se sont faites jour à l'occasion du second tour, à savoir le mauvais report des voix des électeurs de l'UFR, et la participation limitée au scrutin, de la Guinée forestière.

En fait, l'alliance qui va perdre les élections n'a que trois possibilités :

  accepter sa défaite, qui sera courte de toutes façons, et devrait permettre, si les deux leaders ont l'intelligence de chefs d'État, de faire cohabiter réellement (et non formellement) les compétences des uns et des autres ;

  contester les résultats devant la Cour Suprême, ce qui est vraisemblable au vu des contentieux qui apparaissent ici et là (problème des déplacés, des bureaux de vote sans représentants de l'UFDG, des pèlerins, des 70 000 non électeurs, des fraudes éventuelles....) ;

  contester les résultats dans la rue, sachant qu’Alpha Condé dispose du soutien de l'armée qui lui est favorable, contrairement à son adversaire.

Là encore, je ne vais évidemment pas supputer ce que feront l'un ou l'autre - même si j'ai ma petite idée -, car si je peux relater les faits passés, je ne peux préjuger de l'avenir. Tout le monde n'est pas forcément à l'aise avec le conditionnel, et le style humoristique pour faire de la prospective, n'est pas du goût ou à la portée de tous.

L'attitude partiale du général Konaté

Jusqu'à présent, le général Konaté a été relativement épargné par les critiques, pour différentes raisons.

En premier lieu, parce que, quelle que soit la manière dont il a accédé au pouvoir (que cela nous plaise ou non, et moi cela ne me plait pas), il est aujourd'hui le garant de l'unité nationale, et tout le monde doit l'aider avec plus ou moins de zèle (y compris donc par abstention), à ce que la situation n'empire pas. Notre société est fragile, les élections en sont une preuve supplémentaire, certains politiciens n'hésitent d'ailleurs pas à la fragiliser davantage pour des motifs personnels. Heureusement nous ne sommes pas encore dans une situation identique à celle de nos voisins (Liberia, Sierra Leone, Côte d'Ivoire) pour ne citer que ceux-là. L'équilibre est fragile cependant, bien présomptueux celui qui pourrait affirmer que cela n'arrivera pas en Guinée.

En vertu du principe « qu'il ne faut pas lâcher la proie pour l'ombre » (ou « un tiens vaut mieux que deux tu l'auras »), il paraissait utile de ne pas fragiliser le général Konaté après l'épisode Dadis, un remplaçant éventuel pouvant être meilleur, mais également pire. Du reste, peut-être beaucoup se bousculeraient au portillon, mais jusqu'à présent nos militaires n'ont pas fait la preuve de leur intelligence, dont le premier signe pour moi, est déjà de se tenir à l'écart de la politique. Un maçon de formation ne peut pas s'improviser médecin, donc je ne vois pas à quel titre un militaire pourrait s'improviser chef d'État. A t-il autre chose que de la violence ou de la contrainte à apporter, et notamment par la présence d'hommes en armes à chaque coin de rue ?

Sur d'autres plans, le bilan du général Konaté n'est d'ailleurs pas aussi positif, qu'il faille dès à présent lui tresser des lauriers pour cette relative stabilité ; d'ailleurs ce bilan ne sera effectué que lorsque le nouveau Président prêtera serment. En effet, si à titre personnel, le général Konaté a été courageux, mais c'est le moins que l'on puisse attendre d'un militaire (sinon il faut changer de métier), au vu du bilan financier fait par le Ministre de l'Économie et des finances (Kerfala Yansané), il s'est largement outrepassé dans la récompense (c'est même de la démesure), ce qui constitue par ailleurs, un handicap immédiat très sérieux pour le futur locataire de la présidence.

Ensuite, il est clair que le général Konaké, fidèle à sa démarche, ira jusqu'au bout de sa logique d'aider Alpha Condé – si je me trompe, j’en serai le premier heureux – et/ou de le favoriser d’une manière ou d’une autre. Cela se fait actuellement d'au moins deux manières :

- il prône le calme et l’acceptation des résultats : il n’a pourtant rien à craindre, puisque si Cellou Dalein gagne, il n’y aura pas de problèmes, tout le monde (sauf certains militaires) l’a dit et répété.

- il n'intimide qu'un seul camp : on a du mal à comprendre pourquoi des troupes sous la conduite du tristement célèbre Tiegboro Camara ne se trouvent qu’à Ratoma, quelle en est la logique ?

Le général Konaté doit quand même comprendre que lorsqu’on joue au poker – quelles qu’en soient les raisons -, il faut être au moins deux, et que le principe du jeu est de bluffer, y compris et surtout quand en apparence, on n’a pas forcément les meilleures cartes dans son jeu. Vouloir annoncer la couleur avant de s’exprimer, voilà une curieuse façon de jouer, mais elle convient parfaitement à.... certains.

Conclusion

Nos deux leaders (voire le Président de la transition) doivent se rappeler qu'actuellement, et malgré le traumatisme indélébile créé au Rwanda il y a plus de 15 ans, les Tutsis et les Hutus vivent les uns à côté des autres, et ils sont condamnés - si ce terme est adapté - à vivre ensemble, encore pendant de nombreuses années. Ils ont réussi, au moins en apparence, à construire un projet commun, et leur pays est même cité en exemple aujourd'hui pour ses performances économiques. Ce qui signifie que si les deux leaders guinéens le souhaitaient, tout se passerait bien. Il y en a un qui va perdre, mais c'est une vue de l'esprit, s'il intègre le fait que la Guinée peut et doit sortir de ce cercle vicieux.

Actuellement les ego sont hyper-dimensionnés, et la moindre étincelle (une victoire de l'inattendu) risque d'embraser le pays.

Heureusement, il semble qu’au moins une personne en charge de la responsabilité actuelle la plus importante, veuille faire entrer la Guinée dans le vingt et unième siècle grâce à la mise en œuvre et au respect de l’État de droit, comme l’a fait le Mali il y a 20 ans – un pays qu’on a souvent raillé et qui nous dame le pion aujourd’hui -, …. c’était au siècle dernier…  déjà....

 

Gandhi, citoyen guinéen

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