Message de Nouvel An du Président Alpha Condé: « malgré la volonté qui m'anime, je ne pourrai le faire seul»

Guinéennes, Guinéens Chers Compatriotes, La période qui s’achève marque un tournant historique pour notre pays. Vous avez su, avec l’aide de Dieu, exprimer le vœu qui était dans le cœur de chacun d’entre nous : l’aspiration à la paix, à la prospérité et le désir de vivre ensemble dans un pays réconcilié.

Je vous remercie d’avoir porté vos suffrages sur ma personne pour conduire le renouveau et le changement. Durant cette élection, des sensibilités se sont exprimées, des tensions vécues, des risques contenus de justesse. Malgré tout, le Peuple de Guinée a été à la hauteur de son histoire, mais surtout de son espérance en un avenir meilleur.

Au-delà des choix partisans dans le respect des règles et dans une transparence reconnue par toute la communauté internationale, les résultats de ces élections ont été acceptés de tous.

Je voudrais mettre à profit cette solennelle occasion pour réaffirmer que je serai et je resterai, quelles que soient les circonstances, le Président de tous les Guinéens.

Il est temps de se rassembler. Il est temps de se donner la main.

Guinéennes, Guinéens

J’ai été élu sur un programme conçu à l’écoute des besoins essentiels des populations les plus vulnérables et en tenant compte de leurs aspirations les plus profondes.

Ce programme s’impose à moi comme une obligation morale et politique. Il prendra en compte tous les aspects de la vie de notre nation : politique, économique, sociale, sécuritaire.

Il est donné l’occasion à chacun d’entre nous de se regarder en face et de regarder le pays tel qu’il est aujourd’hui. Aucun de nous ne peut être satisfait de l’état actuel de notre chère patrie. Nous avons tous une part de responsabilité dans la pauvreté extrême du plus grand nombre.

Le déficit moral et éthique, la prédation des biens publics et communs, la baisse de la qualité de l’éducation et l’absence de perspective pour les jeunes, la faiblesse en qualité et en quantité des soins de santé, la dégradation de notre agriculture, le cercle vicieux constitué par la mal gouvernance politique, économique et sociale ne peuvent prendre fin sans un sursaut patriotique.

L’élan doit être donné par les élites pour une grande part de responsabilité dans la situation actuelle du pays. Les élites issues du peuple doivent changer de mentalité. Elles doivent cesser d’attendre la récompense d’en-haut. Elles doivent se mettre au service et à la portée des populations à la base.

Je veillerai à la moralisation de la vie publique.

Guinéennes, Guinéens

Notre programme des cinq années à venir est un programme de renaissance nationale. Un programme qui va permettre à notre chère patrie de se remettre débout et de marcher désormais vers son avenir. Il s’agira de renforcer la démocratie et l’Etat de droit en mettant en place des institutions républicaines fortes et crédibles, en construisant un système judiciaire dont les fondements seront l’indépendance de l’institution, l’équité et la compétence des hommes et des femmes qui, au nom du peuple souverain, doivent dire le droit.

Dire le droit, crée un sentiment de sécurité pour tous les citoyens. Dire le doit, assainit le climat des affaires et renforce la morale publique et la quiétude sociale. La justice sera au cœur de la construction de l’édifice démocratique.

La sécurité est la condition première de la liberté. Sans sécurité, les libertés individuelles et collectives sont des chimères. C’est pour cela que la modernisation et le renforcement des capacités des services de police et de gendarmerie seront des priorités du mandat que vous avez bien voulu me confier.

La démocratie, pour prendre racine de façon durable et irréversible, doit promouvoir la gouvernance locale. Par la déconcentration et la décentralisation et la participation des collectivités, nous devons prendre en charge au quotidien et à la base nos objectifs communs et cela, à une échelle qui favorise la prise en compte de chacun et la responsabilisation de tous.

C’est pour cela, qu’à l’entame de la Guinée nouvelle, j’ai décidé de supprimer à compter du 1er janvier 2011, l’impôt minimum de développement local dont le caractère per capita n’assure pas l’équité entre les contribuables.

Guinéenne, Guinéens

Chers Compatriotes

Pour réussir les objectifs politiques de notre programme, il est important et il est temps de nous réconcilier entre nous-mêmes et avec notre histoire. Il est temps de favoriser un dialogue qui permet d’assumer aussi la partie douloureuse de notre mémoire collective de 52 ans. Je suis un acteur de notre politique. J’en connais les moments de gloire et de légitime fierté, mais aussi les pages sombres et difficiles dont l’évocation aujourd’hui encore, appelle à la compassion et au pardon. Je pense qu’il est venu le temps de panser les plaies et d’assumer ensemble notre patrimoine collectif.

Guinéennes, Guinéens

Les forces armées, au-delà de leur mission sacrée de défendre l’intégrité du territoire, ont une autre mission tout aussi sacrée, celle de la défense des institutions républicaines, émanation suprême de la volonté du peuple souverain.

Elles ont aussi un rôle important à jouer dans le développement socio-économique à travers leurs unités spécialisées dans le génie militaire, les travaux publics, l’agriculture, etc.

Pour garder et améliorer sa capacité opérationnelle, l’armée guinéenne doit être formée pour que les hommes soient mieux formés et mieux équipés.

Les réformes seront graduelles et se feront avec le soutien de la communauté internationale. Pour conduire ces réformes et donner à l’armée toute sa place, j’ai décidé, en plus de ma fonction de Commandant en chef des forces armées, d’assumer celle de Ministre de la Défense nationale.

Guinéennes, guinéens

Le but ultime de l’activité économique est la production de moyens pour le bien-être individuel et social. Pour atteindre son noble objectif, il obéit à des règles universelles de bonne et saine co-gestion. Les principales de ces règles sont la stabilité macro-économique et l’amélioration de l’environnement des affaires pour attirer l’investissement tant national qu’étranger.

Pour favoriser la production de richesses, un soutien sera apporté aux secteurs porteurs de croissance. La disponibilité des services de base est devenue le socle de toute politique de développement durable.

L’accès aux soins de santé, à l’eau potable, à un logement décent, à l’électricité et à une éducation de qualité, sont aujourd’hui devenus des droits humains élémentaires.

Le niveau de retard de notre pays nous impose un esprit pragmatique et des efforts sans relâche. Il est important que cet accès à la fois physique et économique soit assuré dans la durée.

Les services sociaux de base ne peuvent soutenir et instruire que des hommes et femmes bien nourris. La sécurité alimentaire sera la première de mes priorités. D’ores et déjà, produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons est la seule façon de faire travailler les populations rurales, d’améliorer leurs revenus et de réduire la dépendance de notre pays en matière d’alimentation. C’est la condition sine qua non de notre indépendance économique. La relance de la culture du riz, du coton, de la pomme de terre, du manioc, de l’ananas et du café est essentielle pour la réduction de la pauvreté.

Elle passera par une redynamisation de l’agriculture à travers l’appui aux exploitations familiales et à la réalisation de grands aménagements exploités par les coopératives et entreprises agricoles dirigées par des jeunes bénéficiant de l’aide à l’installation.

L’élevage et la pêche doivent être également des secteurs créateurs d’emplois pour combattre le chômage endémique des jeunes.

J’instruirai le département ministériel pour que soit mis en place un service national civique pour la jeunesse mais aussi des fonds alloués aux activités rémunératrices des femmes et d’appui aux projets jeunes.

Guinéennes, Guinéens

La question de l’électricité est lancinante tans sur le plan économique que social. 52 ans après l’indépendance politique, l’électricité domestique reste inaccessible pour le peuple de Guinée.

Comment pouvons-nous accepter ce paradoxe alors que notre pays est le château d’eau de l’Afrique de l'ouest ?

Le gouvernement mis en place aura pour tâche dans l’immédiat de résoudre cette question par deux mesures : la remise à niveau des installations existantes et l’acquisition de nouvelles capacités pour Conakry et les villes de l’intérieur.

Sur le plan social, une attention particulière sera accordée à l’intégration des femmes. Cette masse de porteuses d’initiatives souffre de difficultés d’accès aux crédits. Leur revenu est englouti à des frais de scolarisation, aux coûts de santé. Pour les soulager, la première mesure de mon gouvernement sera d’assurer la gratuité des frais liés à l’accouchement.

D’autres mesures pour protéger la vie de la mère et de l’enfant suivront en tenant compte des moyens dont dispose l'État et en coopération avec les grands programmes internationaux tels que les Objectifs du Millénaire.

Dans ce registre, une politique ambitieuse de logements sociaux sera lancée à travers tout le pays afin d’améliorer le cadre de vie.

Dans un monde en rapide et constante transformation, l’éducation est devenue plus que jamais, le plus sûr moyen de trouver sa place dans la société et de participer à la compétition mondiale.

Je veillerai à la mise en œuvre d’une politique éducative et de formation orientée vers l’emploi, l’entreprenariat et la maîtrise des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication.

Le sport est une activité de ralliement de la jeunesse. Il est important qu’un vaste programme d’infrastructures et de pratiques lui soit consacré. La création d’un ministère chargé spécifiquement du sport répond de ce souci.

La promotion de notre culture et de nos riches patrimoines historiques constitue un devoir envers les générations futures. C’est aussi un élément indispensable pour le retour à une fierté nationale qui, sans être économiquement quantifiable, galvanise toutes les couches de la société. La Guinée a déjà réussi dans ce domaine. Il n’y a aucun obstacle insurmontable pour qu’à nouveau notre culture nationale à la fois diverse et commune ne nous redonne la fierté d’un héritage riche et impérissable.

Guinéennes, Guinéens

La Guinée est de retour. C’est une Guinée qui prendra toute sa place dans le concert des nations dans la sous-région, en Afrique et dans le monde. Notre expérience passée mais aussi la façon remarquable dont nous avons géré la transition nous permet de reprendre notre place avec la ferme volonté de militer pour l’unité africaine, l’intégration sous-régionale, la paix et l’amitié entre les peuples.

Guinéennes, Guinéens

L’année 2011 est le début d’une ère nouvelle pour notre pays. Une ère de démocratie, de renaissance et de réconciliation. Nous devons nous tourner vers l’avenir, l’avenir de nos enfants, l’avenir de notre pays.

Je m’emploierai avec votre aide à construire un avenir meilleur pour chacun des fils et filles de notre pays.

Mais malgré la volonté qui m’anime, je ne pourrai le faire seul. Ensemble, nous aurons la force de bâtir une nation forte et fière respectée et capable de mobiliser les ressources de culture et de notre intelligence pour les mettre au service d’un mieux-être partagé.

Aussi, je voudrais vous dire que le redressement de notre pays imposera à chacun de nous des efforts et des sacrifices. Le sens de l'État, le respect de la propriété collective et publique, constituent des règles élémentaires que devront respecter tous ceux qui ont la charge de gérer le bien commun.

Je vous souhaite à toutes et à tous une bonne et heureuse année 2011.

Que Dieu bénisse et protège la Guinée.

Conakry, le 31 décembre 2010

 

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