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Port de Conakry : toute petite victoire pour Necotrans devant le Cirdi

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Le tribunal d'arbitrage international du Cirdi a jugé irrégulière la résiliation en 2011 par la Guinée de la concession accordée à Getma pour la gestion du terminal à conteneurs du port de Conakry. Mais n'a accordé à Necotrans et à sa filiale que moins d'un million d'euros d'indemnités, contre plus d'une centaine de millions d'euros réclamés. Explications.

Le tribunal d’arbitrage du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi) a rendu mi-août sa décision dans la procédure intentée par le groupe français de logistique Necotrans et sa filiale Getma contre la Guinée. La sentence, envoyée aux parties le 16 août, a été rendue publique le 25 août sur le site du Cirdi (le document complet est disponible ici).

La procédure avait été entamée en novembre 2011 par Necotrans, suite à l’expulsion manu militari en 2011 de sa filiale Getma du terminal à conteneurs du port de Conakry, dont elle avait obtenu la concession trois ans plus tôt. Le 8 mars 2011, un décret présidentiel signé par Alpha Condé avait résilié la concession. Le lendemain, le matériel de Getma avait été réquisitionné.

Pas de preuve de corruption

La décision du Cirdi conforte en partie Necotrans dans le bien-fondé de sa démarche, le tribunal arbitral ayant jugé « irrégulière et contractuellement fautive » la résiliation de la concession.

Le tribunal a longuement étudié les accusations de corruption alléguées par la Guinée et ses conseils à l’encontre de Necotrans. Conakry accusait le groupe d’avoir versé de l’argent à certains membres de la commission ayant statué en 2008 sur l’attribution de la concession et considérait, dès lors, que cette dernière n’était pas légale (ce qui aurait rendu impossible toute décision du tribunal en faveur de Necotrans).

Après l’audition de témoins (à la mémoire semble-t-il fragile et imprécise), le tribunal arbitral a conclu « que la corruption ou la fraude n’est pas prouvée de façon claire et convaincante et que l’investissement n’était pas illégal d’un de ces chefs ».

« La sentence est satisfaisante en ce sens qu’elle dit clairement que la résiliation était illégale et que les accusations de corruption étaient infondées », a souligné dans une interview à Jeune Afrique Cédric Fischer, avocat au cabinet Fischer, Tandeau de Marsac, Sur & Associés et conseil de Necotrans.

Incompétent

Toutefois, le tribunal a refusé de se déclarer compétent pour juger des conséquences de cette résiliation, car les parties avaient inclus dans le contrat de concession une clause impliquant un recours à la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires. Le tribunal a donc renvoyé le demandeur vers la cour ouest-africaine, même si l’un des trois arbitres du tribunal a émis une opinion divergente (qu’on peut lire après la sentence).

Dans ce même dossier, la CCJA avait condamné en mai 2014 la Guinée à payer plus de 38 millions d’euros (plus les intérêts) à Getma, mais la sentence avait été annulée en novembre 2015 pour un motif non lié au fond du dossier (la multiplication par plus de sept des indemnités des trois arbitres).

Le Cirdi ne s’est donc déclaré compétent que pour juger la réquisition qui avait suivi la résiliation, condamnant la Guinée à payer 248 834 euros au titre du « préjudice lié à la gestion de crise » et à payer 200 000 euros au titre du « préjudice lié à la non-restitution d’une partie des biens réquisitionnés ».

100 millions

Des montants bien éloignés de la centaine de millions d’euros réclamés par le groupe français, qui conserve toutefois plusieurs fronts judiciaires sur ce même dossier.

Necotrans a d’abord la possibilité de demander l’annulation de la sentence du Cirdi. Il peut également réintroduire une procédure auprès de la CCJA, même si l’hypothèse reste peu probable en raison des doutes de Necotrans et de ses conseils sur la qualité de cette juridiction.

Par ailleurs, une procédure est toujours en cours contre le groupe Bolloré, à qui la concession sur le terminal à conteneurs avait été attribuée en mars 2011. En première instance, le tribunal de commerce de Nanterre (Hauts-de-Seine) avait condamné Bolloré à payer 2,1 millions d’euros à Necotrans. La cour d’appel doit se prononcer d’ici à la fin de l’année et il y a fort à parier que les avocats de Necotrans verseront à la procédure la sentence du Cirdi.

Enfin, Necotrans et ses conseils cherchent toujours à faire appliquer la sentence prononcée en mai 2014 par la CCJA contre la Guinée, en faisant récupérer des biens détenues par le pays ouest-africain. En effet, pour de subtiles raisons juridiques, l’annulation de cette décision n’empêche pas son application dans certains pays, dont la France…

Frédéric Maury

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