Présidentielle guinéenne: la Tabaski pour faire passer la pilule?

Il faut avoir une patience de vieil indien sioux pour supporter l’angoissante attente des résultats du second tour de la présidentielle guinéenne, qui a mis aux prises Cellou Dalein Diallo de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) et Alpha Condé du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), depuis le 7 novembre 2010. Mais le dernier gros pavé, c'est assurément Cellou Dalein Diallo qui vient de le jeter dans la mare d'appels au calme lancés tous azimuts avant la proclamation des résultats.

En suspendant la participation de son parti au dépouillement des bulletins et autres procès verbaux, c'est d'un ton très ferme que le champion de l'UFDG a annoncé qu'il ne reconnaîtrait pas les résultats provisoires, s'ils sont proclamés aujourd'hui dimanche ou demain lundi, si les réclamations pour "fraudes massives" que lui et les siens ont déposées n'ont pas fini d'être examinées. La Ceni restera-t-elle une fois de plus aphone, se mettant ainsi hors-la-loi? Passera-t-elle outre les récriminations et menaces du challenger de Alpha Condé? Ce sont en tout cas des ingrédients d'un cocktail explosif qui se mettent ainsi en place, si les acteurs de la scène politique guinéenne ne savent raison garder. Tout compte fait, plus d’une semaine après avoir recueilli les voix des Guinéens pour désigner leur président, les urnes ont du mal à rendre leur verdict.

Cet accouchement difficile, peut être perçu comme une volonté de la Ceni de se presser lentement afin de servir des chiffres acceptés de tous et après avoir tenu compte de la trentaine de requêtes déposées par les différents challengers. Malheureusement, en l’absence de proclamation officielle, chaque camp revendique la victoire et en profite pour accuser celui d’en face de fraudes. Si ce temps mort est mis à contribution pour désamorcer plus ou moins la passion qui entoure cette présidentielle historique, censée sortir la Guinée de ses années de braise, gare à ne plus trop l’allonger, au risque de mettre le feu aux poudres. Ainsi, le respect du délai légal de ce lundi 15 novembre à midi par le général Toumani Siaka Sangaré et ses troupes de la Ceni, s’avère crucial. On peut même dire que la date, hasard du calendrier ou calcul savamment pensé, tombe bien, vu que les Guinéens, en majorité musulmans, seront en pleins préparatifs pour la fête de la Tabaski, qu’ils commémoreront, le mardi 16 novembre 2010. A l’instar de Ibrahim qui, pour marquer sa soumission totale à Allah était, sur l’ordre de celui-ci, sur le point d’immoler son fils Ismaël, les fidèles croyants guinéens se soumettront-ils au verdict des urnes, quel qu’il sera?
C’est en tout cas le vœu de la communauté internationale, inquiète d’éventuelles violences postélectorales, et le souhait ardent de la Cour pénale internationale (CPI), dont la procureure-adjointe, Fatou Bensouda, saisissant l’opportunité de son séjour en Guinée, a brandi aux acteurs politiques de ce pays, la menace qui plane sur eux, au cas où… En rappel, la CPI s’est autosaisie du dossier des violences qui ont fait plus de 1 500 morts et 300 000 déplacés, après l’élection présidentielle controversée du 27 décembre 2007 au Kenya.
Il ne reste plus qu’à espérer que la Ceni et les Guinéens prennent conscience de leur responsabilité d’offrir cette chance inestimable à ce pays qui n’a que trop souffert de dictatures militaro-civiles.

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