Tumulte électoral : la junte guinéenne autorise le ramdam après le Ramadan
- Par Administrateur ANG
- Le 12/08/2010 à 13:01
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Le Général Sékouba Konaté, d’obédience musulmane et soucieux du confort de ses concitoyens, a accepté finalement la date du second tour de la Présidentielle bien après l’Aïd Al Fitr, soit le 19 septembre 2010. Presque un trimestre entre 2 tours d’une élection dite libre et transparente. Un autre des peu enviables records guinéens !
Pendant le carême, il faudrait être sobre en tout. C’est pourquoi je ne vous fais part que succinctement de ce que m’inspire la donne actuelle :
- le choix tardif du 19 septembre (décidément ce mois semble très prisé des Guinéens !). Difficile de ne pas y voir une manœuvre politicienne pour briser la dynamique de l’un et donner du répit à l’autre. Ne trouvez-vous pas étonnant qu’Alpha Condé ne soit pas pressé d’aller au second tour pour accéder à un pouvoir qu’il convoite depuis des décennies ? Tout semblait organisé pour qu’il gagne dès le 1er tour. La machine s'étant grippée, il faut le temps de la réparer. On s'y atèle ! Il faut mobiliser les siens et encourager la démobilisation chez les autres. Ce choix tardif est un cadeau à Alpha.
- la partialité intolérable du PM Jean-Marie Doré qui, par ses actes vis-à-vis de la CNT et de la CENI, affiche clairement son soutien à l’un des candidats. Aujourd’hui vacataire, il aurait obtenu la ferme promesse d’une titularisation ou d’un parachute doré.
- L’ethno régionalisation poussée du paysage électoral. Ce qui est significatif dans notre élection, ce n’est pas ce qui est vrai mais ce que les électeurs croient. Tout le monde pense que le Fouta est entièrement acquis à Cellou et la Haute Guinée à Alpha. Dans le jeu des alliances, Alpha peut avoir l’appui de la Forêt, fief naturel de Papa Koly Kourouma et de J-M. Doré, ses principaux appuis. Sans être décisif, cet atout reste majeur pour Alpha, bénéficiaire provisoire d’un pacte de « forêt sacrée ».
- L’inconnue « Basse Guinée ». Cette région très cosmopolite est déterminante pour le choix du futur Président. Sydia ayant rejoint Cellou, ses voix se reporteront-elles entièrement sur ce dernier ? Rien n’est moins sûr. A moins que Sydia ne se résolve à faire honnêtement une campagne offensive au lieu de se cantonner au minimum syndical. On appuie ou on n’appuie pas son partenaire mais on ne peut pas prétendre l’appuyer sans l’appuyer ! Donc la campagne nationale ne sera que régionale en réalité. Beaucoup de cadeaux, financiers et surtout alimentaires, seront distribués dans notre Basse Guinée bien convoitée. En cette période de Ramadan bien des jeûneurs vont prendre du poids !
- La surprenante médiocrité de la campagne électorale. On ne parle pas de programme encore moins de projet de société mais de ralliements et d’ethnies ! Dans cette cueillette fébrile, le RPG vient de ramasser officiellement le PDG-RDA ou du moins ce qu’il en reste (je croyais que Sékou Touré avait condamné à mort Alpha Condé !) ce qui pourrait faire craindre l’apparition d’un monstrueux et ethno marxiste Parti-Etat qui s’appellerait RPdG-RDA. Nous espérons tous un débat des 2 candidats dont le déroulement aura pour mérite d’éclairer plus les électeurs sur certaines affaires sensibles que de modifier leur choix.
- Le mythe mortel des pourcentages. Mon Dieu, quand est-ce que certains comprendront-ils qu’un pourcentage même de 49,99% n’est pas la majorité ? Pourquoi prendre le relatif pour l’absolu ? Revenons aux données officielles du 1er tour : Cellou 43,69% et Alpha 18,25%. Le piège est de croire que ces données sont figées et qu’il suffirait à Cellou d’obtenir encore 7% pour gagner ! En réalité, tous les compteurs sont remis à zéro pour le second tour. C’est comme si on votait pour la première fois mais avec seulement 2 candidats. Dans une élection ethnicisée à outrance, Alpha Condé n’aura pas devant lui une pente à grimper mais une montagne qu’il pourrait franchir en hamac dans la mesure où il dispose des porteurs Jean-Marie Doré et Papa Koly Kourouma. En revanche, Cellou, sans crampons fiables, est près du sommet mais du versant le plus abrupt. La politique, comme l’alpinisme, est avant tout un travail d’équipe.
Ce qui me chagrine, c’est la coloration particulière du vote en Guinée. Il n’est pas qu’ethnique, il est, ce qui est plus grave, ethnocentriste. Pour moi, les 2 termes n’ont pas la même portée. Que quelqu’un vote pour son parent, ce n’est pas trop condamnable car il se sent proche de lui et semble mieux le connaître. Ce comportement peut évoluer positivement avec l’éducation dans le cadre de l’édification d’une nation. Mais qu’on rejette systématiquement quelqu’un au simple motif qu’il est d’une autre ethnie, c’est très grave pour l’unité nationale. Du Mali et du Sénégal, pays multiethniques et démocratiques, nos voisins nous trouvent bizarres en ce moment.
Aujourd’hui, il n’y a pas une Guinée de Cellou et une autre Guinée d’Alpha mais une seule Guinée pour tous. Quel que soit le vainqueur du 19 septembre 2010, il doit être le Président de tous les Guinéens. Il lui appartient d’incarner l’unité nationale par un comportement exemplaire et d’aider à l’instauration d’un Etat de droit permettant à chacun de prospérer dans la quiétude.
Pour terminer, une grasse et grosse perle du Net. Il ne s’agit pas de la récente et surprenante livraison d’un compatriote qui semble s’être trompé pour une fois de branche mais d’un article truffé de chiffres et parlant poussivement de second tour, de conspiration et d’inattendues !
Son auteur (Oh, pas besoin de le titiller pour déceler sa faille !) insinuerait-il que les uns veulent du mal non pas à d’autres mais à tous les autres ? Confondrait-il une région à une ethnie comme dans un bantoustan ? Peut-il nous dire l’origine de la consigne observée et surtout la voie par laquelle elle a été donnée ? Y aurait-il un péril à connotation ethnique ? Qui menace qui ?
Je fais le constat d’un message incitant à la haine et se résumant ainsi : « Nous sommes tous Guinéens en principe; « ils » ont voté à la soviétique pour leur parent, ce qui n’a rien d’illégal puisque ce sont des Guinéens comme nous qui ont choisi un Guinéen pour eux. A notre tour, votons tous contre leur parent, ce qui n’aura rien d’illégal puisque le boomerang ne sera pas antidémocratique, des Guinéens n’ayant voté que contre leur Guinéen ». Quel criminel ! Nom d’une pipe, les dés auraient-ils été incorrectement pipés ?
Je vous salue.
Ibrahima Kylé Diallo
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