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Jeanne Macauley

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Dans ma chronique des hommages aux ainés, j’ai souvent parlé des hommes et une fois n’est pas coutume, je vais vous parlez d’une grande Dame de la culture guinéenne. Je ne peux pas faire un petit portrait de Jeanne Macauley, que tout le monde appelle affectueusement « Tantie Jeanne », sans raconter notre rencontre.

J’avais un accord avec tonton Hamidou Bangoura, qui était, par ailleurs, l’artiste chargé de remettre la coupe de la reconnaissance au Hafia, pour faire un documentaire sur les ballets Africains. Le jour dit, interviews des anciens etc. Tout se passe bien dans une bonne ambiance mais Tantie Jeanne n’est pas là.

A deux jours de mon départ, malgré la grosse fatigue qui se faisait sentir, les derniers éléments à boucler, j’avais le sentiment d’un travail inachevé ; un documentaire sur les Ballets Africains sans une de ses icones vivantes ; alors sur des indications, je me suis lancé à la recherche de chez tantie jeanne. Je retrouve la concession ; elle n’y est pas mais un jeune me demande si je connais son no de tel ; si je l’avais je ne l’aurais pas cherché, j’ai failli lui répondre. Bref il me donna le no et ma chance fut qu’elle ne soit loin ; la rencontre fut sympathique surtout qu’elle avait entendu parler de moi.

Après l’interview, nous avons passé en revue quelques albums ; d’autres sont abimés suite à une inondation ; elle m’a montré son album avec des grands acteurs américains (Youl Bruner, Marlon Brando etc.) ; nous y avons passé, je crois trois heures ensemble et pour une visite imprévue, elle fut disponible et très agréable.  Elle m’a parlé de sa troupe « Sanké » qui veut dire racine et m’a invitée à rencontrer ses artistes, le lendemain. Ma réponse est oui, évidemment.

Le lendemain, donc veille de mon départ, je tiens à respecter mes derniers engagements mais des alertes me font comprendre que le corps n’en peut plus ; chez Mr Pierre Bangoura, troisième capitaine du Syli National, j’ai senti un petit vertige passager et au moment de retourner chez tantie Jeanne, le corps n’avait plus beaucoup d’énergie.

J’ai néanmoins pu filmer sa troupe et finir le travail ; physiquement, j’étais au bout du rouleau mais heureux d’avoir la dernière pièce du puzzle.

En entendant le documentaire sur les Ballets Africains, voici en résumé le portrait de Jeanne Macauley.

Elle est née sur les Ile de Loos au large de Conakry ; elle n’aime pas l’école, elle est turbulente et comme l’on dit de nos jours, elle est un garçon manqué qui ne s’intéresse qu’aux jeux des garçons ; le foot etc.

Après l’indépendance de la Guinée, Fodéba Keita, devenu ministre, mis à la disposition de la Guinée ses Ballets devenus Les Ballets Africains de Guinée.

Une retraite est organisée sur les Iles pour les recrutements et les entrainements.

A cet effet, neuf cent artistes sont convoqués ; les entrainements sont si durs que certains prennent la fuite ; Jeanne, elle, se voit là dans son élément et elle est retenue parmi les neuf filles que les Ballets veulent et très vite, elle se voit confiée de grands rôles dans tous les numéros.

Elle est rentrée dans tous les masques ( Nimba, Kankilambé etc.) sauf les échasses de la forêt ; pas par peur, non ; c’est parce que, un jour, dans les vestiaires, en s’entrainant sur les échasses,  son directeur fit interruption « non Jeanne, ce n’est pas pour les filles » ; elle failli se faire sanctionner donc elle fut interdite d’y toucher.

De tous ses rôles, c’est celui dans l’orpheline qui l’a le plus marqué.

Avec les ballets Africains, Jeanne Macauley fit à plusieurs reprises le tour du monde et partout, le succès est tel qu’ils doivent assurer deux spectacles par jours.

Des tournées qui pouvaient durer deux ou même trois ans à tel point qu’un jour, certains artistes pleurèrent devant le Président Sékou Touré pour diminuer la durée des tournées puisque leurs parents les manquent. C’est ainsi que les tournées furent limitées à six mois.

A sa retraite, un jour au musée national, elle voit descendre du taxi, un ancien de Ballets Africains qui avait de la peine à marcher, elle est si choquée qu’elle fit un rêve la nuit et de ce rêve, elle demanda au anciens des Ballets de se prendre en main et de se lancer dans une nouvelle aventure, former un autre troupe ; elle ne fut pas suivie mais alla jusqu’au bout de ses rêves avec la création de Sanké.

De ses souvenirs, je vais relater deux ; en Angola d’abord, la publicité sur la venue des Ballets Africains avait suscitée un tel engouement, que personne ne voulait rater l’événement ; deux spectacles prévus ; à la fin du premier, la salle n’était pas encore vidée quand le second groupe entra ; ce qui provoqua une bousculade énorme ; Jeanne n’a jamais vu autant de morts et que chaque fois qu’elle y pense, elle éprouve l’envie de pleurer.

Le second, se passe aux Bermudes, pour la première fois qu’elle voyait des hydravions ; des avions qui roulent sur l’eau avant de s’envoler ; incroyable.

Nous avons brièvement parlé de Myriam Makéba, qu’elle a fait venir en Guinée, qui doit plus à la Guinée que le contraire mais qui fut honorée ; Tantie Jeanne dit que c’est la Guinée et que plus personne ne les regarde, eux les artistes.

C’était là une façon de rendre un hommage à une grande Dame de la culture guinéenne ; Jean Macauley.

Paul THEA

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